Plaidoyer
pour une pistmologie totalement en accord avec les acquis de la Biologie
LĠpistmologie est lĠtude de la
connaissance. Le terme est un peu ambigu, car il peut sĠappliquer un domaine
restreint. On parle alors par exemple dĠpistmologie de lĠhistoire, de la
physique ou de tout autre domaine. Il peut sĠappliquer lĠensemble des
connaissances, comme lĠpistmologie gntique de Piaget ; cĠest cette
seconde approche que je veux aborder.
Il
ne faudrait cependant pas ngliger le fait que le domaine de lĠpistmologie se
situe au del de la connaissance perceptive immdiate. Surtout depuis quatre
sicles, ont t accumules des connaissances nouvelles, appuyes sur
lĠobservation rigoureuse, la rigueur logique ou mathmatique, le contrle exprimental,
et je ne mĠy arrterai pas davantage. En revanche, il existe tout un domaine de
la rflexion spculative, o la Biologie peut et doit intervenir comme
rgulateur. Le point est particulirement critique lorsque cette rflexion
spculative porte sur la nature mme de lĠesprit qui cherche connatre. Sigmund
Freud en tait trs conscient lorsquĠen 1920, il crivait (Au del du principe
de plaisir) :
Ç La Biologie est le domaine des possibilits indfinies,
une science dont nous sommes en droit dĠattendre les explications les plus
tonnantes, sans que nous puissions prvoir les rponses quĠelle pourra donner
dans quelques dizaines dĠannes aux questions que nous nous posons. Ces
rponses seront peut-tre telles que tout notre difice artificiel dĠhypothses
sĠcroulera comme un chteau de cartes. È
En 1994, jĠai propos une thse
dĠpistmologie sous la direction dĠun docteur en mdecine et
philosophe. Je pensais intressant de dmontrer comment aucune approche
cohrente de lĠEpistmologie ne peut se concevoir sans prendre en considration
toutes les connaissances biologiques accumules depuis 1826, dates
des premires publications de Johanns Muller, et considrablement amplifies
depuis. Mon premier directeur, sensible aux impratifs biologiques, sĠest
rcus aprs quelques mois, et ma thse a finalement t refuse, ce qui tait
oblig.
Lorsque
je relis mon projet, je le trouve toujours totalement dĠactualit, ce qui me
conduit le proposer nouveau, sous une forme rsume.
Historique :
Aux
environs de lĠan 580 avant le Christ, lĠEcole de Thals formula lĠide que les
bases de la connaissance nĠtaient pas rechercher seulement dans les mythes
religieux, mais galement dans lĠobservation et les mesures numriques. Ce fut
lĠorigine de lĠauthentique Ç miracle grec È que ni la Chine ni lĠInde
ne dcouvrirent par eux mmes, et du dveloppement des diffrentes coles dites
prsocratiques, illustres principalement sur le plan pistmologique, par
Dmocrite. Celui-ci formula la notion que certaines caractristiques perceptives
comme la couleur, lĠodeur, le got, le son, pouvaient tre des donnes
construites subjectivement.
Vers
lĠan 380 avant la naissance du Christ, Platon, personnellement ou inspir par
Socrate, sĠopposa rsolument aux conceptions de Dmocrite, et plaa
Ç lĠide È la base de toute la philosophie. Pour Platon, lĠide a
une existence propre, ternelle, indpendante des humains qui
lĠutilisent.
Le
succs de cette conception de Platon fut considrable et surtout trs durable,
permettant A.N. Whithead dĠcrire en 1929 que lĠensemble de la psychologie
occidentale nĠtait rien dĠautres que des notes de bas de pages compltant
Platon (Process and Reality, pg 63)
CĠest
seulement en 1826 quĠavec Johannes Muller, apparurent des bases srieuses
permettant de remettre en cause les conceptions platoniciennes. Cependant,
lĠimportance des dcouvertes de Johanns Muller furent trs longtemps mal
comprises, retardant dĠau moins 150 ans, le triomphe prvisible du Ç constructivisme
radical È, aprs que les travaux de mon matre Jean Piaget ait tout autant
modifi le paysage pistmologique.
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Les trois impratifs biologiques
fondamentaux en pistmologie.
Ces impratifs
sont cependant relatifs et lis lĠtat des connaissances acquises actuelles.
A)le cerveau la naissance est fortement
structur, mais il ne contient aucune connaissance, tant sur lĠenvironnement
que sur un fonctionnement interne. Toutes les connaissances doivent tre
pralablement apprises ou construites.
B)la connaissance ne peut porter que sur
lĠtat de la frontire entre lĠorganisme et son environnement, seul point de
contact.
C)Les mots, les Ç ides È ne sont
que des signes, des tiquettes,
dsignant arbitrairement des constructions crbrales non verbales antrieures.
Ces
particularits soulignent la fois
que le discours est idalement adapt une fonction vhiculaire de
transmission de la connaissance entre les individus, mais quĠil nĠest que cela,
quĠil est Çdgnr È au sens donn par Grajd Edelman (The mindful brain,1978), se prtant plusieurs interprtations, et exige toujours une analyse
complmentaire.
(N.B. : Il ne me
parat pas inutile de rappeler quĠEdelman a puis son inspiration dans la
recherche biologique, et dans les travaux antrieurs de Claude Shannon sur
lĠambigit et lĠquivoque (1948).
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Le cerveau la naissance
est fortement structur, mais il ne contient aucune connaissance, tant sur
lĠenvironnement que sur un fonctionnement interne. Toutes les connaissances
doivent tre pralablement apprises ou construites.
En
1944, soit cinq ans aprs la mort de Sigmund Freud, Oswald Avery fut conduit
envisager le fait que les acides dsoxyribonucliques pouvaient constituer la
base chimique de lĠhrdit. Cette opinion, initialement conteste, se trouva
fortement argumente par la dcouverte, publie en 1953, de la structure
hlicodale des chaines dĠacide dsoxyribonuclique.
Dans les annes
qui suivirent, notamment grce Franois Jacob, Jacques Monod et Andr Lwoff,
fut comprise la manire complexe
dont lĠacide dsoxyribonuclique (A.D.N.) tait lu pour assurer le dveloppement embryonnaire.
Un
gne apparait aujourdĠhui rductible
un fragment identifiable dĠADN. Il existe dans lĠespce humaine
environ 25 000 gnes se rpartissant en deux catgories :
-les gnes de
structure, les moins nombreux, qui permettent la formation directe de produits
essentiels comme lĠhmoglobine, lĠinsuline, les hormones, etc
ces gnes prsentent une grande similitude
entre espces mme trs loignes comme la mouche, le cheval et lĠhomme.
-les gnes de
rgulation qui contrlent lĠexpression des gnes de structure, diffremment
dĠune cellule lĠautre. James Watson crit en 2008 (Molecular Biology of the
Gene), que ce sont bien plus les diffrences dans la rgulation, plutt que dans lĠidentit des gnes, qui
diffrencient les phnotypes.
-il nĠy a donc
aucun gne Ç ancestral È
pour traduire des particularits rencontres, comme lĠaurait voulu Freud, ni
mme de gnes se rapportant des particularits de lĠenvironnement.
Le
gain dĠorganisation durant le dveloppement embryologique est considrable,
tout particulirement dans lĠespce humaine, mais il nĠa aucun rapport avec des
effets dĠenvironnement, et il nĠen rsulte donc aucune connaissance de cet
environnement.
Ç To become an embryo,
you had to build your self from a single cell. È(S.F.Scott, Developmental Biology, pg3,
2006).
LĠembryologiste
anglais, Wiliam Waddincton, a fait remarquer ds 1964, combien serait absurde,
lĠide dĠun programme pr-inscrit autre que lĠADN pouvant guider le
dveloppement embryonnaire, et associ ventuellement des connaissances sur
lĠenvironnement.
Un
apport cognitif venu de relations avec lĠenvironnement extrieur est videmment
exclure au cours du dveloppement
ovipare, mais une analyse trs fine ne rvle gure plus dĠinteraction, en dehors des
apports nergtiques et lĠlimination des dchets, dans le dveloppement
vivipare.
En conclusion, lĠorganisme la
naissance, humain ou non humain, est vide de toute connaissance sur
lĠenvironnement. Les connaissances qui apparaissent ultrieurement rsultent
donc toutes dĠune construction pralable, ventuellement originale, beaucoup
plus souvent chez lĠhumain, par assimilation verbale directe de constructions
effectues antrieurement par dĠautres organismes humains.
Le
problme de lĠinstinct inn :
Il
est impossible de nier des orientations comportementales innes, prcdant le
contact avec lĠenvironnement, mais ces orientations sont beaucoup moins dfinies
que ce que suggre le terme dĠinstinct. Les termes de propension lĠaction ou
de tropisme correspondraient mieux. Prenons lĠexemple du bombyx mle qui,
peine n, se dirige inexorablement vers une femelle situe 10 kms de
distance. Le mle nĠa aucune reprsentation de la femelle ou du chemin
suivre. LĠinstinct est limit la recherche du renforcement de lĠodeur mise par
la femelle, une seule molcule odorante tant suffisante. La recherche qui sĠen
suit va aboutir inexorablement au contact visuel avec la femelle. Ds lors,
dĠautres Ç tropismes È vont entrer en jeu.
De
mme, sĠil est observ que le loriot dĠAmrique construit de prfrence son nid
avec du crin de queue de cheval pris sur des barbels apparus la fin du
XIXme sicle, il nĠy a ni apprentissage, ni instinct complexe, mais seulement une
Ç propension È utiliser le matriau disponible le plus fin et le
plus long possible, sans aucune reprsentation du crin.
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La connaissance ne peut
porter que sur lĠtat de la frontire entre lĠorganisme et son environnement.
Probablement vers 1826, Johannes Muller
inaugura une re nouvelle en pistmologie, lorsquĠil dduisit de ses propres
travaux exprimentaux, le principe suivant :
Ç Une mme cause, telle que
l'lectricit, peut affecter simultanment tous les organes sensoriels, car ils
y sont tous sensibles; et cependant, chaque nerf sensitif y ragit diffremment
; un nerf la peroit comme de la lumire, un autre l'entend comme un bruit, un
autre la sent comme une odeur; un autre gote l'lectricit, un autre la sent
comme douleur et choc. Un nerf peroit une image lumineuse travers une
irritation mcanique, un autre l'entend comme un bourdonnement, un autre encore
la ressentira comme une douleur. Quiconque veut bien considrer les consquences
de ces faits ne peut manquer de raliser que la sensibilit spcifique des
nerfs pour certaines impressions ne suffit pas, puisque tous les nerfs sont
sensibles la mme cause, mais ragissent cette mme cause de diffrentes
manires. La sensation n'est pas la
conduction d'une qualit ou d'un tat des corps externes vers la conscience,
mais la conduction d'une qualit ou d'un
tat de nos nerfs excits par une cause externe, vers la conscience. È
Peut-tre
en partie parce que Muller fit appel au terme discutable et inutile
Ç dĠnergie spcifique È, et en dpit des beaux travaux dĠun lve de
Muller, Hermann von Helmoltz, la conception de Muller a eu du mal sĠimposer.
La validit de cette conception nĠest plus cependant discute aujourdĠhui.
La
seule diffrence entre les qualits que Dmocrite qualifie de premires et
objectives, et celles quĠil qualifie de seconde et subjective, est une
intgration crbrale plus complexe entre canaux sensoriels distincts dans le
premier cas, permettant une anticipation de correspondance, par exemple entre
donnes visuelles et tactiles.
Un
deuxime principe, tout aussi fondamental, envisag par Carlo Matteuci en 1844, et
dmontr par Edgar Adrian et Yngve Zotterman en 1926, est connu sous le nom de
Ç loi de tout ou rien È : un neurone sensoriel stimul donne une
rponse unique et uniforme, quelle que soit lĠexcitation, ou alors il ne rpond
pas. Ce que lĠorganisme peut retenir dĠune excitation, est donc uniquement que
le neurone excit, a rpondu ou pas, sans aucune qualit associe.
Le
respect conjoint de ces deux principes a conduit M.H. Huson, crire en 1956,
et repris par Bertrand Russell en 1959 : Ç Nous pouvons observer et voir ce qui se passe
dans notre tte, nous ne pouvons observer ni voir rien dĠautreÉ..Le
ciel toil que nous fait connatre la sensation visuelle est lĠintrieur de
nous. Le ciel toil auquel nous croyons est infr. È(B. Russell, Histoire de mes ides philosophiques,
Gallimard, 1961)
En
dfinitive, ce que nous appelons une connaissance ponctuelle de lĠenvironnement
est un mode particulier du fonctionnement de notre cerveau que nous relions,
plus ou moins artificiellement, un vnement vcu.
George Spencer Brown a montr en 1969 (Laws of Form)
que de tels points de vue sĠappliquaient intgralement aux volutions les plus
rcentes de la pense physique : Ç Les travaux dĠEinstein, Schrdinger et
autres, semblent avoir conduit la ralisation dĠune frontire ultime de la
connaissance physique, sous la forme des donnes au travers desquelles nous la
percevons. Il est devenu manifeste que, si certains faits de notre exprience
commune de la perception, ou ce que nous pouvons appeler le monde intrieur,
peuvent tre rvls par une tude extensive de ce que nous appelons par contraste,
le monde extrieur, alors une tude
galement tendue de ce monde intrieur rvlera en retour les faits du monde
extrieur : car ce que nous approchons dans lĠun ou lĠautre cas, dĠun ct
ou de lĠautre, est la frontire commune entre eux. È
Sur
ce sujet difficile, une simplification est rendue possible par une comparaison
avec lĠordinateur. La faon normale dĠacqurir des donnes sur lĠenvironnement
prsent, passe par le clavier. Celui-ci est bien la frontire commune entre la
dynamique de lĠordinateur et celle lĠutilisateur. Par sa face externe, le
clavier introduit des donnes sur lĠenvironnement prsent. Par sa face interne,
il transforme ces donns en termes accessibles la comprhension de
lĠordinateur.
La
comparaison a cependant de strictes limites. LĠutilisateur normal de
lĠordinateur est un informaticien qui a dj acquis de trs importantes
connaissances, et dont lĠun des pairs a mme construit lĠordinateur.
Le nouveau-n en revanche, part de zro, et ne
peut avancer ses connaissances que par une rflexion, lĠabstraction rflchissante, sur les consquences de ses propres actes :
actes moteurs mais bien plus encore tentatives de reconnaissance perceptive,
dont Jean Piaget et Henri Wallon avaient sous-estim lĠimportance.
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Les mots, les
Ç ides È ne sont que des signes, des tiquettes, dsignant arbitrairement des
constructions crbrales non verbales antrieures. Inversement, les mots ;
les ides, sont indispensables pour que lĠabstraction rflchissante puisse
sĠtendre lĠexprience dĠautrui.
Lorsque le mot
est utilis pour caractriser plus brivement une connaissance dont la validit
ne repose pas principalement sur lĠemploi dĠautres mots, il ne prsente que des
avantages. En revanche, la validation dĠun mot uniquement partir dĠautres
mots, est la faute pistmologique par excellence.
LĠorigine des
mots et des ides pose deux problmes :
-celui dĠun
choix parmi toutes les constructions perceptivo-motrices possibles
-celui du
dcoupage au sein de la connaissance globale.
Il est
fondamental de retenir quĠaucune contrainte biologique nĠagit sur lĠun ou
lĠautre de ces plans.
Les travaux de
Ferdinand de Saussure (cours de linguistique
gnrales. Payot, 1968), montrant quĠaucune sonorit nĠest relie une
signification cognitive, sont compltement valids par lĠanalyse biologique.
LĠuniversalit
des symboles se limite lĠvidence, le rouge couleur du sang vers, le lion au
plus fort des prdateurs dans la civilisation occidentale, etc.
Ç LĠinterprtation des rves È de Freud est une escroquerie ; on
est mme en droit de se demander si Freud lui-mme, plus pris de clbrit que
de rigueur scientifique, nĠen tait pas lui-mme persuad.
Au total, les
mots, les ides sont totalement libres dĠvoluer et ne sĠen font pas faute. De
ce fait, mots et ides nĠont aucune valeur cognitive contraignante et doivent
tre valids. Les ides et les mots, tel que conservs par lĠcriture depuis
plus de cinq millnaires, le confirment aisment.
La
validation repose principalement sur les mthodes exprimentales qui ont
libre la connaissance du poids des mots et des ides tablies. Fisher et
Gossett ont ensuite considrablement accru lĠintrt et le rle des
statistiques au sein de la mthode exprimentales en dveloppant son utilisation
sur les petits chantillons.
LĠintroduction de la thorie de lĠesprit
et lĠouverture croissante aux connaissances collectives.
LĠabstraction
rflchissante individuelle ne peut suffire pour expliquer la gense de toutes
les connaissances. Il est indispensable de faire intervenir ce qui a t nomm
la thorie de lĠesprit par les auteurs anglo-saxons, ce qui nĠest pas, mon
avis, un trs bon choix.
En moyenne, vers
4 ans dĠge chronologique, lĠenfant dcouvre au travers dĠune analyse spontane
du discours dĠautrui, que cet autre ragit de la mme faon que lui en face des
alas de lĠenvironnement. Il dcouvre que cet autre peut faire appel des
rponses efficaces auxquelles lui-mme nĠaurait pas song. Le discours de
lĠautre peut ainsi devenir une source directe de connaissance qui
court-circuite la ncessit de lĠexprience personnelle. La validation est
dĠabord accorde aux dires des parents, puis de plus en plus tendue ce quĠil
est convenu dĠappeler la Ç culture È. Le champ de la connaissance
sĠtend alors considrablement.
Il est important
de noter que la thorie de lĠesprit ne marque pas une rupture nette dans le
dveloppement cognitif de lĠenfant. Elle ne relve nullement dĠun processus de
maturation, mais traduit la consquence oblige du dveloppement de lĠenfant au
contact dĠun environnement profondment modifi parce que le sens de
Ç lĠautre È nĠtait plus le mme. Un rapprochement utile peut tre
fait avec lĠnorme bnfice tir par les penseurs grecs de la confrontation
avec dĠautres civilisations au VIme sicle avant le Christ, ou celui des
penseurs chrtiens avec lĠIslam dans la Sicile du XIIIme sicle.
LĠabstraction
rflchissante demeure la clef positive de la rsolution des difficults, mais
ces difficults ne proviennent plus principalement de comportements
sensori-moteurs mais du droulement du discours, quĠil sĠagisse de monologues
intrieurs ou de dialogues.
Le rle de lĠoubli
Parmi
les facteurs qui font voluer les mots et les ides, une place particulire
doit tre rserve lĠoubli. Le fait de savoir que le mot Ç fraise È
drive du latin Ç fraga È ne mĠapporte rien si ce nĠest que les
raisons du choix du mot ont t oublies,
sans consquence pistmologiques.
LĠoubli
peut cependant avoir des effets plus pernicieux. Nietzche a crit (Le livre du
philosophe, 1872, pg 123) Ç QuĠest-donc que la vrit ? Une multitude
mouvante de mtaphores, de
mtonymies, dĠanthropomorphismes, bref une somme de relations humaines qui ont
t potiquement et rhtoriquement hausses, transposes, ornes, et qui, aprs
un long usage, semblent un peuple, fermes, canoniales et
contraignantes ; les vrits sont des illusions (ou au mieux des
hypothses) dont on a oubli
quĠelles le sont.
LĠopinion
trs svre de Paul Valry sur le langage se comprend et sĠaccepte
facilement : Ç Ma vise fut toujours de tout concevoir comme
fonctionnement ou produit de fonctionnement. En particulier, je fais la chasse
aux abstractions substantives, aux soi-disant tres de raison, concepts ou
autres figures de la rhtorique philosophique. Tout, finalement, doit pouvoir
se rduire en :
1) ceci que je
touche du doigt en prononant un mot
2) cela que je
fais ou mime en prononant un mot. (Cahiers; La pliade, I, 860) È
JĠy ajoute personnellement
:
3) ceci ou cela
que quelquĠun que je rencontre, touche du doigt, fait ou mime en prononant un
mot.
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Conclusion
Les
rapports entre lĠpistmologie et la biologie sont nombreux, et il devrait
lĠtre plus encore. Le rapport entre la connaissance et les sensations avait
dj t soulign par Platon, ce qui nĠavait pas empch ce dernier de formuler
une thorie des ides indpendantes des sensations.
En
fait, la question la plus fondamentale concerne la relation entre
Ç lĠide È, formule verbalement, et la connaissance. LĠanalyse
biologique dmontre que le discours verbal correct doit tre totalement
construit sur des donnes non verbales et quĠil ne peut tre que vhiculaire de
donnes construites en fin de compte, directement ou indirectement, en dehors
de lui.
Il
ne faudrait pas en dduire que le discours nĠa aucun rle jouer en
pistmologie. Bien au contraire, lĠappel au langage est indispensable
lĠlaboration et la transmission de la plupart des connaissances, mais cela
ne fait que rendre plus indispensable, une analyse critique des bases de
lĠpistmologie et de ses rapports avec les fonctionnements biologiques.
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