Ralit
et conditions de lĠautonomie comportementale humaine. LĠtude scientifique
est-elle possible ?
La
plupart des gens qui veulent et peuvent rflchir sur le sens de leurs choix et
dcisions, ont le sentiment dĠagir volontairement, comme ils lĠentendent. Ce
nĠest pas pour autant que ce sentiment soit facilement justifi sur un plan
scientifique.
Descartes,
lĠun des premiers tenter une synthse de lĠhomme biologique, pensait que la
responsabilit, la dcision, le choix, en un mot le libre-arbitre au sens plein
du terme, dpendaient dĠun principe supra biologique, propre lĠhomme, et
absent chez les animaux, ces derniers qualifis de ce fait dĠÇanimaux-machines È.
Il
en rsulta un courant contraire, qui conduisit une explosion du dterminisme psychologique
qui paraissait seul conciliable avec une approche biologique. Vers le milieu du
XXme sicle, la psychologie et la psychiatrie franaises passaient sous la
coupe de doctrines, avec Sigmund Freud, Jacques Lacan, John Watson, postulant un dterminisme psychologique
qui traduisait en fait un refus du libre arbitre.
A
lĠoppos, vers 1940, Pierre Vendrys dbutait une vritable rvolution par une
analyse biologique affirmant Ç lĠautonomie du vivant È, et postulant
mme un libre arbitre chez lĠanimal non humain. QuĠen est-il en ce dbut du
XXIme sicle ? La question est essentielle puisque la rponse conditionne
la psychologie, la psychiatrie, lĠexercice de la loi, et mme dans une certaine
mesure, le sens des convictions religieuses.
---
Il
nĠest pas sans intrt de faire une comparaison avec la querelle opposant
gocentrisme et hliocentrisme, qui a demand deux millnaires avant quĠune
solution cohrente ne soit universellement accepte. La difficult de rsoudre
le problme pos a notamment t aggrave par ce que Mioara Mugur-Schafter a
appel la "conceptualisation transfre" qui oblige utiliser le
discours propre une vieille thorie pour en dcrire une nouvelle avant quĠune
rvision conceptuelle ne soit effectue.
Vers
280 ans avant la naissance du Christ, un savant grec gnial, se basant sur les
clipses de la lune et du soleil, prtendit avoir dmontr que la lune tournait
autour de la Terre, que lĠensemble terre/lune tournait autour du soleil. Il fut
ridiculis quelques annes plus tard par Archimde, et ce nĠest quĠen 1729 que
lĠastronome anglais James Bradley dmontra quĠAristarque avait parfaitement
raison dans son raisonnement, que les mesures astronomiques quĠil donnait tait
correctes un facteur 4 prs. Sa seule erreur avait t dĠaccorder une valeur
de deux degrs au diamtre apparent de la lune et du soleil, alors que la
valeur relle est quatre fois plus faible. Si Aristarque avait dispos dĠun
papier semi-transparent, et quĠil avait eu les connaissances dĠHipparque (- 140
avant JC) en trigonomtrie, il aurait pu prcder tous les Ptolme, Copernic,
Kepler, Galile ou autre Newton, en astronomie.
Il
est lĠinverse, important de comprendre les multiples raisons du rejet des
ides dĠAristarque leur poque, en dpit de leur exactitude. Elles se
rsument dans une affirmation de Gaston Bachelard, soulignant que le progrs de
la connaissance ne peut sĠtablir que dans une condamnation difficile de
donnes antrieurement existantes, ayant paru de bon sens et de ce fait, universellement
acceptes.
La
mme situation se prsente aujourdĠhui pour lĠapproche scientifique du libre
arbitre. LĠapproche scientifique en biologie nĠa vraiment dbut quĠau XVIIIme
sicle. LĠapproche psychologique est encore plus rcente, nĠayant pris son
envol quĠ la fin du XIXme sicle.
La
ncessit dĠune Ç conceptualisation transfre È apparat dans les
mots barbares rcemment introduits qui marquent le sujet, comme la Ç clture organisationnelle È dĠHumberto
Maturana et Francisco Varela, mais aussi des termes un peu plus anciens, comme
Ç lĠnergie spcifique È de Joannes Muller, la Ç raction circulaire È de J.M. Balwin, ou
Ç lĠabstraction rflchissante È de Jean Piaget. Mon but, par cet article,
est de favoriser une approche biologique du libre arbitre par la comprhension
de donnes absolument essentielles mais beaucoup plus simples quĠil ne pourrait
paratre premire vue, derrire les questions entranes par un vocabulaire
discutable. Un point de dpart essentiel est lĠanalyse critique du dterminisme
scientifique.
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Analyse
critique du dterminisme scientifique
Le
dterminisme scientifique est n de lĠastronomie. LĠexprience courante
avait soulign une certaine
prvision comme le retour journalier du soleil et de la lune, et mieux encore,
le retour des saisons. Mais un pas de plus a t fait lorsque le calcul est
intervenu pour accroitre les capacits de prdiction. En ce sens, un vritable parrain
du dterminisme est Ptolme, au deuxime sicle aprs le Christ, lorsquĠil
tablit, dans lĠAlmageste, les calculs permettant de prvoir les clipses de
lune et de soleil.
Aprs
une suspension de plus dĠun millnaire, les succs en astronomie ont favoris
une extension du dterminisme, dans un premier temps la physique et la
chimie, puis la biologie et enfin la psychologie.
Sur
un plan mtaphysique, le dterminisme est dfini par Lalande comme une doctrine
suivant laquelle Ç tous les vnements de lĠunivers sont lis dĠune faon
telle que les choses tant ce quĠelles
sont un moment quelconque du temps, il nĠy ait pour chacun des
moments antrieurs ou ultrieurs,
quĠun tat et un seul qui soit compatible avec le premier È. Cela est la
base de la prdiction, et expliquent Ç les recettes qui marchent toujours È,
selon lĠexpression de Paul Valry.
La
dfinition du dterminisme du mathmaticien Pierre-Simon de Laplace est
apparemment trs voisine : Ç Nous devons donc envisager lĠtat
prsent de lĠunivers comme lĠeffet de son tat antrieur et comme la cause de
celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donn, connatrait
toutes les forces dont la nature est anime, et la situation respective des
tres qui la composent, si dĠailleurs elle tait assez vaste pour soumettre ces
donnes lĠAnalyse, embrasserait dans la mme formule les mouvements des plus
grands corps de lĠunivers et ceux du plus lger atome : rien ne serait
incertain pour elle et lĠavenir, comme le pass serait prsent ses
yeux. È
Il me
semble que beaucoup de confusions seraient vites sur un plan mtaphysique, si,
avant de parler de dterminisme, la question de lĠinclusion de la consquence des
actions humaines dans lĠapproche tait pose, que ces actions humaines soient
intgres ou mises part. Je mentionne donc la ncessit dĠune prcision verbale
complmentaire, proposant de parler de dterminisme universel lorsque les
actions humaines sont incluses, et de dterminisme seulement cognitif ou
scientifique, lorsquĠelles ne le sont pas, entrainant alors lĠUnivers Irrsolu
de Karl Popper.
Ainsi
mieux dfini, le dterminisme universel est une cration, en 1745, de Julien
Offray de la Mettrie, qui rduisit lĠesprit humain lĠanimal-machine de
Descartes, par ptition de principe, et sans aucunement expliciter sa position.
Contrairement
ce que beaucoup croient, ce nĠtait pas la position de Laplace qui fut toute sa
vie et sa mort, un honnte chrtien, et critiqua seulement Ç les coups
de pouce divins ncessaires È, postuls par Newton pour expliquer
totalement le mouvement des astres. Ce faisant, la position de Laplace
introduit un paradoxe puisque lĠaction humaine peut modifier de faon
imprvisible, le cours des vnements non humains.
De mme, Claude
Bernard se considrait comme agnostique, le terme venait dĠtre cr par Thomas
Huxley, et son analyse du dterminisme laisse ouverte lĠide que ce dernier
recouvre ou non lĠactivit mentale humaine.
John
B. Watson, lĠinventeur de la gnralisation du conditionnement au dbut du
XXme sicle, est tout aussi ambigu, puisquĠil dclara limiter son dterminisme au comportement humain
Ç observable È, le seul qui lĠintressait. Ivan Pavlov, inspirateur de Watson, tait un grand croyant
chrtien, en opposition totale au dterminisme universel, et cĠest le dnomm
Joseph Staline qui intervint, des fins politiques videntes, dans
lĠEncyclopdie Sovitique, pour donner son interprtation extrmement politique
et utilitaire du pavlovisme. Le conditionnement oprant de Skinner, rattach de
faon erron au bhaviorisme, est tout sauf un mcanisme dterministe puisquĠil
inclut des choix et dcisions personnels.
Le
seul vritable psychologue dterministe est donc Sigmund Freud qui ne pouvait
se passer du dterminisme universel pour tablir lĠinterprtation
psychanalytique individuelle, notamment dans les associations de pense, ce qui
fut lĠorigine de son succs provisoire.
AujourdĠhui,
comme je le dis ailleurs, toutes les bases neuroscientifiques sur lesquelles
Freud pensait pouvoir sĠappuyer se sont effondres, et avec elles un
dterminisme universel cohrent. Ce nĠest pas autant que le refus du
dterminisme universel conduise des voies videntes, et cĠest l
quĠintervient Pierre Vendrys (Dterminisme et Autonomie, Armand Colin, Paris
1956).
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A
lĠoppos du dterminisme, lĠautonomie du vivant.
Si
ce dernier terme dĠautonomie fut largement dvelopp par Pierre Vendrys, cet
auteur a toujours affirm quĠil avait trouv son inspiration chez Claude
Bernard. LĠapport de ce dernier est essentiel, mais, comme je lĠai dit plus
haut, sans aucune rfrence particulire
au psychisme humain :
Ç Tout acte
d'un organisme vivant a sa fin dans l'enceinte de cet organisme. Celui-ci forme
en effet un microcosme, un petit monde o les choses sont faites les unes pour
les autres, et dont on peut saisir la relation parce que l'on peut embrasser
l'ensemble naturel de ces choses. È
Ç Les machines vivantes sont cres et
construites de telle faon qu'en se perfectionnant, elles deviennent de plus en
plus libres dans le milieu cosmique gnral. Mais il n'en existe pas moins
toujours le dterminisme le plus absolu dans leur milieu interne, qui, par
suite de ce mme perfectionnement organique, s'est isol de plus en plus du
milieu cosmique extrieur."
Ces deux
citations, rdiges 100 ans avant les publications de Maturana et Valela
expriment les mmes ides, de faon moins concise, mais, mon avis, plus
comprhensibles.
LĠapport de
Pierre Vendrys.
Pierre Vendrys
dplaa lĠautonomie de Claude Bernard vers le fonctionnement mental, insistant
sur ce que devait tre le Ç perfectionnement organique È de Claude
Bernard, affirmant notamment que lĠautonomie mentale devait se construire, et
se construire individuellement.
- la
dfinition de lĠautonomie par Pierre Vendryes :
Pierre Vendrys
prit comme exemple Ç lĠautonomie È accorde aux cits grecques par le
gnral romain Quinctius Flamininius, consistant Ç nĠavoir obir quĠ
leurs propres lois. È
LĠautonomie se
dfinit par rapport aux relations avec un repre extrieur.
Se basant sur
cette dfinition, Pierre Vendrys postule que les animaux non humains disposent
dĠun libre-arbitre, videmment beaucoup moins toff que le libre-arbitre
humain.
Pierre Vendrys
refuse donc le concept cartsien des animaux-machines, et replace sur un plan strictement
biologique, une capacit de libre-arbitre.
- la
construction de lĠautonomie par le sujet lui-mme :
Cela inclut et
dpasse la notion dĠ Ç autopoese È formule en 1972, soit 30 ans
plus tard par les mmes Maturana et Varela, et qui semble limite au
Ç processus incessant de remplacement des composants È (Autonomie et
Connaissance, Varela, 1988)
Pierre
Vendrys rejoint en fait la notion
de Ç sujet È postul par Maurice Blondel : Le sujet existe non seulement en soi, mais pour soi, et, ne se bornant
pas tre un objet, visible du dehors ou dlimit par des contours logiques,
nĠa sa vritable ralit quĠen contribuant se faire lui-mme, partir sans
doute dĠune nature donne et selon des exigences subies, mais par un devenir volontaire
et une conqute personnelle. (voir par ailleurs Ç Le
dveloppement crbral, embryonnaire et immdiatement post natal È sur ce
site.)
Cela
inclut :
1) le fait que
lĠÏuf se fasse lui-mme embryon dans un milieu ferm, lĠabri de toute
influence organisatrice externe, notion universellement admise aujourdĠhui.
Comme le grand embryologiste anglais Waddington lĠaffirmait dj en 1964, un
systme prdtermin dans un programme prexistant au sein de lĠÏuf, est
inacceptable. Ç Pour devenir un embryon, vous avez vous construire vous-mme partir dĠune cellule unique
(Gilbert, 2006). Cela nĠexclut nullement que des lois contraignantes ne
rgissent le dveloppement embryologique mais il sĠagit de lois internes
propres lĠorganisme clos.
2) le constructivisme
radical de von Glasersfeld pour expliquer le dveloppement psychologique
post-natal de lĠenfant. Cependant, un fait essentiel que Pierre Vendrys nĠa
pas totalement relev, est que la construction est lie au fait que lĠenfant lui-mme modifie les rgles du jeu en
intgrant le rsultat ou consquences de ses actions, lors des contacts avec
lĠenvironnement. CĠest ce que Balwin et Piaget ont dcrit sous les noms
inutilement barbare de raction circulaire ou dĠabstraction rflchissante, et
qui pourraient fort bien sĠappeler tout simplement une Ç rflexion È
ou un retour sur les consquences des relations agies avec lĠenvironnement.
CĠest encore un Ç constat de lĠeffet È pour parler comme
Thorndyke(1911)
3) cela valorise
la doctrine chrtienne et lĠvolution morale quĠelle permet, mme en
indpendance dĠune croyance en lĠexistence de Dieu le Pre, et dĠune survie
aprs la mort, comme le veut lĠEvangile de Saint Mathieu. (De mme, lire
Ç Le jugement moral chez lĠenfant È de Jean Piaget : le sens de
la coopration est intgre secondairement et seulement aprs une longue
construction individuelle.)
Il
a pu apparatre alors la ncessit de condenser toutes ces notions sous le
terme unique de Ç clture organisationnelle È. Mais la description de
la clture organisationnelle par Varela est aussi absconse que le terme
lui–mme et une dcomposition sĠimpose. Varela doit faire immdiatement
un pas en arrire en parlant de Ç systme oprationnellement
clos È.
- un systme est
un ensemble dĠlments interagissant entre eux selon certains principes ou
rgles propres. Ce nom trs gnral est utilis pour dborder le cadre de la
Biologie, mais dans ce dernier cas, il est prfrable de parler dĠorganisme,
quitte dcrire un grand nombre de systmes au sein dĠun mme organisme.
- un
systme (ou un organisme) est dit
Ç ouvert È sĠil y a des relations avec lĠenvironnement,
Ç clos È dans le cas contraire. Un organisme vivant est
ncessairement ouvert pour le renouvellement de lĠnergie consomme, la
rgulation thermique, lĠvacuation des dchets. Mme dans le cas de lĠÏuf
dĠoiseau o les changes avec lĠextrieur sont rduits au minimum, lĠouverture
demeure importante. Il devenait donc ncessaire de distinguer les changes
physiques et les influences sur lĠorganisation interne. CĠest cela qui est
lĠorigine du terme de clture
organisationnelle : un organisme
vivant est autonome parce quĠil est la fois ouvert sur le plan matriel et
clos sur le plan de lĠorganisation interne. Pour reprendre lĠexemple des
villes grecques, les changes notamment commerciaux avec lĠtranger sont
maintenus car indispensables, mais lĠextrieur, notamment le monde romain,
nĠagit pas sur lĠconomie interne, lĠorganisation politique au sens large du
mot.
LĠinformation
venue de lĠextrieur pose un vritable dilemme, face la notion de clture
organisationnelle. LĠautonomie qui apparat dans la rflexion de Claude Bernard
est la capacit de maintenir activement et par ses propres lois, un quilibre
interne stable en dpit des fluctuations du milieu ambiant. Cela semble bien supposer
une Ç information È venue de ce milieu ambiant pour prciser la
nature des fluctuations. Mais alors comment ces informations ne peuvent-elles
pas ne pas agir pour modifier lĠorganisation interne de lĠorganisme ? La
rponse est double, et trouver dĠune part, dans un codage pralable de toute
information extrieure avant son assimilation, et dĠautre part, dans le
ttonnement actif et organis devant tout problme.
Auparavant, il
me parat souhaitable de reprendre les problmes dĠouverture et fermeture dans
un organisme autonome
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Le contrle de lĠouverture
et de la clture, condition fondamentale de lĠAutonomie
Si lĠon aborde la dfinition de
lĠautonomie par Pierre Vendrys, sous son aspect ngatif, lĠautonomie consiste
chapper aux rgles et pressions qui nĠappartiennent pas lĠorganisation du
systme considr. Cette donne est lĠorigine du terme de Ç clture organisationnelle È ou
Ç clture oprationnelle È de Maturana et Varela. Cette condition
nĠest pas de ralisation immdiate dans la mesure o un systme doit, pour
survivre et agir, tre ouvert sur son environnement. Il y a donc deux exigences contradictoires qui imposent
Ç une police aux frontires È. Deux domaines sont considrer, qui
apparaissent fortement documents aujourdĠhui :
- les aspects
matriels et nergtiques.
- les aspects
dĠinformation
Les aspects
matriels et nergtiques :
Le simple
entretien vital de la machine humaine consomme peu prs la moiti de la ration
alimentaire journalire. A cela sĠajoute la consommation nergtique des
efforts dĠadaptation en face de tous les facteurs de dsquilibre.
Mais
de plus, tous les constituants dĠun organisme nĠont pas lĠespoir de vie de
lĠorganisme entier. Nombre dĠlments meurent. Ils doivent tre remplacs, et
les reliquats matriels doivent tre limins de lĠorganisme en tant que
dchets. Il en rsulte des changes matriels indispensables. Ces changes
doivent tre totalement contrls pour viter tout processus portant atteinte
lĠorganisation. Certaines maladies gntiques gravissimes sont lies une
incapacit de rduction des dchets, permettant leur limination.
Chaque
cellule de notre organisme est un Ç microcosme È, le mot est de
Claude Bernard, autonome, et la Biologie rcente a parfaitement analys, depuis
quelques dizaines dĠannes, le
contrle des changes au travers de la membrane cellulaire
Dj au niveau cellulaire, un problme dĠinformation apparat indispensable, tous les lments bnfiques et malfiques en cause devant tre identifis.
Les aspects
dĠinformation :
Ils sont
essentiels au niveau matriel. La toxicit de lĠarsenic est due pour une large
part au fait quĠil est confondu avec son homologue chimique, le phosphore.
CĠest parce quĠil nĠest pas identifi comme hyper toxique car agissant
principalement sur les mitochondries, que lĠacide cyanhydrique est mortel si
faible dose. Les exemples pourraient tre multiplis, mais je pense quĠil est
surtout important de se fixer et se limiter au plan comportemental. Comment
lĠindividu humain peut-il intgrer une information essentielle tout en vitant
la toxicit ventuelle du support physique de cette information ?
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Le
codage de lĠinformation extrieure
En 1959, Bertrand Russell, surtout connu comme
agitateur politique et pourtant par ailleurs un trs grand logicien,
crivit : Ç Nous pouvons
observer et voir ce qui se passe dans notre tte, nous ne pouvons observer ni
voir rien dĠautreÉ..Le ciel toil que nous fait connatre la sensation
visuelle est lĠintrieur de nous. Le ciel toil auquel nous croyons est
infr. È
Russell attnue de lui-mme la porte de telles affirmations, disant
quĠelles ne peuvent tre prouves, mme si elles ne sont pas rfutables.
En fait, cette prudence ne se justifie pas, et
les rflexions de Russell apparaitraient beaucoup mieux tayes, sĠil avait
fait preuve de plus de curiosit biologique.
Au
point de dpart, nous pouvons partir de lĠaffirmation de Saint Thomas
dĠAquin : Ç Nihil est in
intellectu quod non est prior in sensu È. Le principe apparat toujours valable et utile aujourdĠhui,
mais Saint Thomas nĠavait absolument aucune ide de ce quĠtait vritablement
la sensation et les mcanismes qui la sous-tendent. CĠest seulement cinq
sicles et demi aprs la mort de Saint Thomas, quĠont commences tre
prcises les deux donnes scientifiques qui devaient rvolutionner la
signification de la sensation, en allant dans le sens adopt par Russell.
Premire donne : un rcepteur sensoriel dit toujours qualitativement la mme chose quel que soit lĠexcitant, ou
il ne dit rien.
CĠest Joannes Peter Muller qui fut le premier le dire,
probablement ds 1826 :
Ç Une mme cause, telle que
l'lectricit, peut affecter simultanment tous les organes sensoriels, car ils
y sont tous sensibles; et cependant, chaque nerf sensitif y ragit diffremment
; un nerf la peroit comme de la lumire, un autre l'entend comme un bruit, un
autre la sent comme une odeur; un autre gote l'lectricit, un autre la sent
comme douleur et choc. Un nerf peroit une image lumineuse travers une
irritation mcanique, un autre l'entend comme un bourdonnement, un autre encore
la ressentira comme une douleur. Quiconque veut bien considrer les
consquences de ces faits ne peut manquer de raliser que la sensibilit
spcifique des nerfs pour certaines impressions ne suffit pas, puisque tous les
nerfs sont sensibles la mme cause, mais ragissent cette mme cause de
diffrentes manires. La sensation n'est pas la conduction d'une qualit ou
d'un tat des corps externes vers la conscience, mais la conduction d'une
qualit ou d'un tat de nos nerfs excits par une cause externe vers la
conscience. È
Malheureusement, Joanns Muller fit appel au
terme discutable dĠÇnergie spcifique È pour dcrire ce phnomne, ce qui
freina sa reconnaissance, en dpit des beaux travaux de lĠlve de Muller, Hermann
von Helmholtz. Le principe de Muller apparat aujourdĠhui la fois indniable
et essentiel, mais avec prs de deux cent ans de retard.
Deuxime donne : un rcepteur sensoriel dit toujours quantitativement la mme chose dans lĠinstant, ou il ne dit
rien.
CĠest la " loi de
tout ou rien" : un
rcepteur sensoriel lmentaire l'instant t n'a que deux tats possible, le
repos qui peut tre qualifi de "0", et une dcharge parfaitement
univoque quel que soit lĠexcitant, qui peut tre qualifie de "1".
On rejoint ainsi le principe des Ç 0 È et Ç 1 È de
Turing, mais en sens inverse : toute sensation peut tre traduite par un ensemble
de "0"et de "1", mais parce qu'effectivement, elle est
tablie par une combinaison d'un ensemble de "0" et de
"1".
Une consquence immdiate ncessaire mais qui est rarement perue,
est que "la varit" des sensations est introduite, totalement et uniquement
explicable, par une combinaison de "0" et "1", appartenant chacun l'organisation
sensorielle de l'individu, et non une ralit extrieure. Pour parler
comme Alfred Korzybski, c'est uniquement "une carte",
quivalent plus ou moins arbitraire dĠun territoire, et non un
territoire.
Pour
reprendre l'expression que j'ai relev pour la premire fois (1978) chez le prix Nobel Gerald Edelman, la
sensation est "a mode of itself È des
systmes crbraux, une faon d'tre
personnelle de notre organisme, laquelle nous devons attribuer secondairement
un lien avec "une ralit" qui ne peut tre quĠinfre. Ç La perception visuelle, notamment, nĠest pas
une analyse passive dĠimages projetes sur une sorte dĠcran intrieur, elle ne
sĠlabore quĠ la faveur dĠune exploration active qui, chaque fois, construit
le monde peru comme une sorte de
modle hypothtique du monde rel. È (Boisacq-Chappens et Crommelinck,
Universit catholique de Louvain, Neurosciences,1987)
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Cependant, il nĠy a pas lieu dĠaller loin dans
une critique de la valeur cognitive de la sensation, car, en dpit de cette
absence dĠquivalence stricte
entre Ç la ralit È et les donnes perceptivo-sensorielles, lĠaphorisme de Saint Thomas dĠAquin sur
le rle de la sensation, demeure totalement valable
A) Le remplacement, arbitraire ou non, dĠune Ç forme È physique par une autre, pour
qualifier un vnement et permettre une rflexion, nĠa aucune consquence
pjorative obligatoire sur le fonctionnement cognitif, sĠil en est pris
conscience. LĠappel au langage pour le fonctionnement cognitif en est une
dmonstration clatante, o lĠcart entre le discours descriptif et la ralit
suppose est encore plus grand quĠentre la traduction perceptivo-sensorielle,
et les vnements rencontrs. Le langage crit accentue encore lĠcart entre la
donne matrielle et la signification. Lors de la lecture, un adulte nglige
totalement le dessin des lettres et peroit directement le sens des mots.
Les
travaux de Ferdinand de Saussure ont dmontr quĠil nĠy avait aucune contrainte
a priori dans le choix des phonmes
pour dfinir des signifiants (aspect matriel des mots) permettant toute la
dynamique cognitive. Le systme phonmatique est encore beaucoup plus
arbitraire par rapport au contenu cognitif du langage, que le sont les
reprsentations perceptivo-sensorielles par rapport une ralit infre
thorique. Quelle
ressemblance physique y a-t-il
entre Ç A body immersed in a
fluid is buoyed up by a force equal to the weight of the displaced
fluid È, dĠune part, et ÇTout corps plong dans un fluide reoit de la part
de celui-ci une pousse verticale, dirige de bas en haut, gale au poids du
volume de fluide dplac È. Les deux phrases ont pourtant une signification absolument identique
pour quelquĠun parlant couramment la fois lĠanglais et le franais.
Je pense mme que les dcoupages conceptuels eux mmes, supportent
assez aisment une part dĠarbitraire. Ainsi, en franais, le verbe Ç tre È
qualifie aussi bien une proprit que lĠexistence, ce qui nĠest pas sans
consquences pistmologiques.
Comme
Gorges Spencer-Brown lĠa soulign, lĠimportant est dĠtablir une
Ç distinction È entre deux vnements, cĠest dire
Ç reconnatre È un vnement dj peru et qualifi, et le diffrencier
dĠautres vnements.
En revanche, et du fait mme de ces caractres arbitraires, tout
langage doit tre lĠobjet dĠun apprentissage complet avant utilisation
correcte. Cet apprentissage comporte deux faces :
- lĠacceptation quĠune Ç forme È phonmatique puisse tre
la traduction dĠun processus cognitif (vers 18 mois dĠge).
- lĠapprentissage particulier de tout signifiant et de tout signifi
(sens attribu un mot)
Par ailleurs, il nĠy a que des contraintes limites dans une
transcription verbale dĠun vnement observ, des erreurs peuvent sĠintroduire,
et la vrification exprimentale dĠune proposition sĠimpose donc toujours.
De mme, un contrle exprimental est indispensable avant de retenir
une proposition comme une traduction valide dĠune ralit suppose
B) Le relev crois, notion sur laquelle Karl Popper a beaucoup
insist avec raison. La jonction entre deux donnes peut sĠimposer, alors que
chaque donne prise isolment pourrait nĠtre quĠune illusion. JĠai le droit de
considrer quĠune perception visuelle et une perception tactile considres
isolment ont une origine diffrente de celle laquelle je pensais
spontanment, mais il mĠest bien difficile de penser une erreur, par exemple
lorsquĠune perception tactile nat au moment mme o je lĠattendais lorsque
jĠapproche ma main de la table.
CĠest probablement le critre sur lequel sĠest bas Dmocrite pour
opposer des Ç qualits premires È comme lĠtendue, o le relev
crois est possible, et des qualits secondes comme la couleur, lĠodeur ou le
got, dans laquelle il nĠy a pas de relev crois possible sur le plan
sensoriel, et que Dmocrite attribuait de ce fait, une cration de la
perception.
LorsquĠun
objet est clair par des sources lumineuses trs diffrentes mais toutes polychromatiques
vraies (continuit des diffrentes frquences), il nous Ç apparat È
de la mme couleur. Ainsi, un objet observ la lumire dĠune bougie
(temprature de couleur de 1800 K, dĠune lampe incandescence (temprature de
couleur dĠenviron 2800 K, en plein soleil sans nuage (temprature de couleur de
5500 K), sous ciel couvert (8000 K), et en trs haute montagne enneige (12000K),
fournit peu prs la mme impression colore, alors quĠun colorimtre
dmontrera dĠnormes diffrences du rayonnement de cet objet, dans les
diffrentes situations. CĠest le phnomne de la constance de la couleur,
particulirement tudi dans la thorie rtinex dĠEdwin Land, qui nĠapparat
pas en cas dĠclairage monochromatique ou spectre discret.
Le mcanisme est assez simple : les systmes centraux de la
vision en aval de la rtine et peut-tre mme des corps genouills externes,
premier relai avant le cortex crbral,
apprcient conjointement dans le temps mais sparment, la couleur
Ç physique È de lĠobjet et lĠambiance colore moyenne du champs
visuel dans sa totalit. LĠimpression colore finale de lĠobjet est tablie en
fonction des deux donnes, et elle est donc relativise avec comme consquence
dĠaccentuer artificiellement la constance de couleur dĠun mme objet sous des
clairages diffrents. La finalit, au moins apparente mais trs vraisemblable,
est de favoriser la reconnaissance dĠun mme objet, lors de prsentations
quelque peu diffrentes.
Ce
phnomne de constance nĠest pas limit la couleur. Un objet ne parat pas
changer de taille lorsque nous lĠanalysons un mtre ou cinq mtres de
lĠÏil. Pourtant la surface de projection sur la rtine de lĠobjet considr est
vingt cinq fois plus petite dans le second cas. De mme, les dformations
perceptives lies la projection dĠun volume sur un plan sont corriges. Au
total, il y a une rorganisation des donnes sensorielles brutes, en vue dĠune
activit Ç dĠextraction de caractristiques invariantes des objets
extrieurs, partir dĠun flux dĠinformations en perptuel changement. È
(N. Boisacq-Schepens et M. Crommelink)
En
dfinitive, les mcanismes centraux de la perception, dvelopps notamment
entre lĠaire visuelle et les zones prfrontales de la conscience, rorganisent
les donnes sensorielles initiales, et intensifient ainsi une impression
totalement artificielle de Ç ralit en soi È. Cela est assez proche
dĠun relev crois puisque deux donnes perceptives simultanes indpendantes
sont combines.
---
Au
total, le principe de lĠnergie spcifique de Joanns Muller, combin la loi
du tout ou rien tablie par lĠexprimentation neurologique, conditionne
totalement lĠpistmologie. CĠest le vritable Ç prolgomne toute
mtaphysique future È(Emmanuel Kant), celle-ci ne pouvant tre que supposition,
sans jamais parvenir la certitude. Logique et contrle exprimental
apprcient la cohrence interne de lĠensemble des propositions de connaissance,
mais ne peuvent aller plus avant.
Le
mythe de la caverne de Platon doit tre repris. Le soleil clairant lĠextrieur
de la caverne ne peut tre quĠinfr partir de lĠanalyse des ombres. Nous
sommes condamns ne pas dpasser lĠombre de la ralit. Le principe
aristotlicien repris par Saint Thomas dĠAquin a une valeur absolue. Ce qui ne
peut tre reli, directement ou indirectement, aux sensations, ne peut avoir de
valeur quĠhypothtique sur le plan dĠune connaissance objective.
Cependant,
nous apprenons, notamment grce au dialogue et la lecture, intgrer et
faire ntre, lĠexprience construite antrieurement par les autres. CĠest le
Ç time binding È de Korzybski qui ne peut, trs long terme quĠaller
en croissant, mais une croissance qui est une rvision sur des pseudo acquis et
des ides fausses. CĠest ainsi que lĠexprimentation physique mit en vidence
des valeurs physiques qui chappaient presque totalement lĠanalyse des
sens : lĠlectricit, le magntisme, les rayonnements non visibles ou
inaudibles. Le Ç principe de correspondance È de la mcanique
quantique ne fit quĠofficialiser cette conqute essentielle dans la
construction dĠune ralit. En fait, des Ç instruments È transforment
de faon biunivoque, une nergie physique non perceptible en une forme
accessible aux sens, comme un Ç compteur È, analogique ou digital. Le
langage, la pure formalisation mathmatique, deviennent le seul moyen de
dcrire ces aspects nouvellement accessibles de la ralit.
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La
raction circulaire de J.M. Baldwin et lĠautonomie de lĠapprentissage cognitif.
Au
travers du constructivisme radical de Von Glaserfeld, se vulgarise lĠide
essentielle que lĠactivit mentale du nourrisson et de lĠenfant, dveloppe
simultanment la connaissance dĠun rel extrieur et celle dĠune structuration
interne. Ce principe est videmment au cÏur de la clture organisationnelle, et
permet de comprendre comment un systme clos sur le plan de lĠorganisation,
mais recevant nanmoins des informations de lĠextrieur, peut voluer partir
de sa seule Ç rflexion interne È sur ces informations.
Par
ses publications de 1893 1906, James Mark Balwin apparat le pre dĠune telle
approche scientifique de la psychologie de lĠenfant. Sa carrire fut
malheureusement brise en 1909 par une affaire de mÏurs sans aucun caractre
pdophile, et qui nĠattirerait aucune attention aujourdĠhui. Bien quĠil y ait
un renouveau dĠintrt manifeste, Baldwin nĠa t longtemps connu quĠau travers
des travaux et publications de Jean Piaget.
Inversement,
les explications du comportement du trs jeune nourrisson fournies par Jean
Piaget, dans ce quĠil appelle une raction circulaire primaire, ne me semblent
pas avoir la porte considrable concernant les travaux de cet auteur, portant
sur le nourrisson plus g et le petit enfant. Cela me conduit faire prcder
lĠanalyse de lĠapprentissage cognitif dans un systme Ç cltur È, en
rapportant les expriences dĠHanus Papousek, telles quĠelles ont t
publies en 1969, permettant une
validation exprimentale dĠextrme qualit chez le nourrisson humain de trois
mois dĠge. Ce travail fut effectu 74 ans aprs les premiers exposs
thoriques de Baldwin sur la raction circulaire, 72 ans aprs la premire
description avant la lettre du Ç conditionnement oprant È par
Thorndyke .
Dans
le travail de Papousek, un nourrisson de trois mois, repus mais bien veill,
est couch sur un matelas. Sa tte est prise dans une sorte dĠtrier souple qui
enregistre les dplacements de la tte vers la droite ou la gauche. Cet
enregistrement est reli un interrupteur lectrique qui, une fois activ par
une suite dfinie de mouvements de la tte, allume une petite lampe.
Le
nourrisson en position, explore visuellement son environnement, ce qui entraine
tt ou tard des mouvements latraux de la tte, motricit des yeux et motricit
de la tte tant lies ds la naissance. Certaines combinaisons privilgies, effectues
initialement au hasard, de ces mouvements latraux provoquent un court instant
lĠallumage de la lampe.
Dans
lĠinstant qui suit, le nourrisson sĠengage dans des mouvements de tte rpts,
jusquĠ lĠisolement du mouvement ayant provoqu lĠallumage de la lampe, et la
frquence des mouvements de tte diminue alors immdiatement.
On
modifie ensuite lĠappareillage de telle faon que ce ne soit plus le mouvement
dtermin initialement qui provoque lĠallumage de la lampe, mais un autre
mouvement. Ds quĠil constate ce changement par hasard, le nourrisson reprend
une exploration systmatique jusquĠau contrle de lĠallumage de la lampe. Il
sĠarrte alors.
Le
processus de modification du mouvement efficace, peut tre renouvel plusieurs
fois.
LĠanalyse
de la physionomie du nourrisson durant lĠexprience, dmontre que ce dernier
nĠest pas directement intress par lĠallumage de la lampe, mais bien par la
possibilit de contrler volontairement cet allumage. ( dans Ç A primer of
infant dveloppement, T.G.R. Bower, 1977, pg 107-108)
Peut-tre
contraint par lĠidologie communiste omniprsente dans son pays lĠpoque,
Papouzek a commenc par tudier le conditionnement classique, dont, ds 1937,
Konrad Lorenz soulignait pourtant la pauvret explicative dans le dveloppement
des connaissances.
Papouzek
sĠest tourn ensuite vers le conditionnement Ç oprant È, propos par
Thorndyke en 1897, au travers de la Ç loi de lĠeffet È, vritable
Ç rflexion È sur un comportement ou une analyse perceptive, mais,
semble-t-il, sans saisir vraiment lĠcart considrable existant entre
conditionnement classique et conditionnement oprant.
En
fait, malgr la similitude apparente des mots, le conditionnement classique ou
Ç rpondant È, nĠa que peu voir avec le conditionnement
Ç oprant È beaucoup plus efficace, et traduisant bien davantage un
principe dĠautonomie. En revanche, les termes de conditionnement oprant
introduit par Burrhus Skinner vers 1950, et celui de raction circulaire,
dvelopp par James Baldwin avant dĠtre repris par Jean Piaget, sont , mon
avis, quivalents.
LĠensemble
du processus comportemental dcrit par Papouzek, et manifestement
gnralisable, contient les points suivants :
A)
La Finalit de lĠapprentissage.
LĠobjet
de lĠapprentissage est la construction dĠune signification cognitive pour toute information venue de
lĠextrieur, cĠest dire en lĠoccurrence, de lĠclair lumineux. La connaissance acquise est totalement et
uniquement relative lĠindividu qui apprend.
B)
Le fait surprenant
Le
plus souvent, lĠactivit dĠapprentissage cognitif autonome est provoque par un
vnement inattendu pour lĠobservateur, et qui ne sĠintgre pas dans les
fluctuations dĠinformation dj rpertories. Ces faits surprenants vont de
lĠclair lumineux du travail de Papouzek, au Ç surprising fact È de
la logique abductive de Charles Sanders Pierce qui situe un tel fait
lĠorigine de toute dmarche logique. L encore, cĠest en fonction du seul sujet
qui apprend, quĠil est possible de parler de fait surprenant.
C) Le rattachement spontan du fait
surprenant, une action quasi simultane du sujet.
Ce
rattachement est certainement universel, et a t mis en vidence par Skinner
sur ses pigeons, dans Ç les boites de Skinner È : des grains de
bl tant distribus au hasard, les pigeons maintiennent lĠattitude spontane
quĠils assumaient lors de lĠarrive dĠun grain de bl. Il nĠy a donc pas
sĠtonner que le nourrisson de Papouzek envisage immdiatement que sa propre action
ait pu gnrer lĠallumage imprvu de la lampe.
D)
La Ç rflexion È sur les consquences dĠun essai, ngatives ou
positives.
CĠest
la reprise de la loi de lĠeffet, promulgue par Thorndyke, mais tendue
toutes les tentatives de rponses comportementales, quĠelles soient suivies de
russite ou dĠchec. Le constat dĠchec est intgr, et retenu pour orienter de
nouvelles tentatives.
Ainsi
apparat la Ç circularit È de la dmarche dĠapprentissage expliquant
son efficacit.
E)
La qualification subjective de lĠobjet lĠorigine de lĠapprentissage
La
petite lampe est certes reconnue perceptivement, mais sur le plan de la
connaissance, elle est relie uniquement aux mouvements de tte qui la font
sĠallumer.
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Le
travail de Papouzek est donc essentiel, en corrigeant ce que Piaget a dcrit
sous le terme de raction circulaire primaire. Le point de dpart de la
Ç rflexion È initiale du nourrisson doit tre recherch dans une
modification Ç surprenante È des informations venues de lĠextrieur,
et non uniquement ou principalement, dans une modification du corps propre.
Cette correction permet de gnraliser les propres propos de Piaget :
Ç LĠintelligence ne dbute ni par la connaissance du moi ni par celle des
choses comme telles, mais par celle de leur interaction, et cĠest en
sĠorientant simultanment vers les deux ples de cette interaction quĠelle
organise le monde en sĠorganisant elle-mme. È. Je prcise que ces propos
ont t crits en 1937, et quĠils rsument totalement, prs de 40 ans en
avance, tout ce qui est contenu dans le concept de clture organisationnelle.
En
2001, Ernst von Glasenberg a fait remarquer que le terme dĠintelligence,
utilis par Piaget ne convient pas parfaitement en langue anglaise, mais je
pense quĠil en est de mme en franais. Il serait prfrable de parler
dĠÇ esprit È comme le voudrait von Glasenberg, ou mme pourquoi pas,
dĠactivit crbrale consciente.
Par
ailleurs, nombre de travaux chez le nourrisson dmontrent que ce dernier est
sensible des notions quĠil nĠintgre pas vritablement. Il ragit par exemple
diffremment au fait quĠun jouet est prsent en un ou trois exemplaires, quĠun
trait est ou non referm sur lui-mme. Les acquisitions de lĠenfant de trois
ans sont donc pour une large part une Ç rflexion È sur les donnes
de lĠorganisation perceptive inne.
Cette
Ç rflexion È permet son tour de dtailler des objets permanents,
puis de les qualifier sur le plan de leur comportement, ce qui fonde les
sciences physiques.
Dans ce jeu, le
rle de Ç lĠautre È est essentiel, car les expriences faites par un
Ç autre moi-mme È de construction neurologique identique, sont
directement assimilables.
Les
ducations, familiale et scolaire, sont indispensables, mais uniquement en
offrant des occasions dĠapprendre et en proposant des particularits, sans
influences directes sur lĠorganisation interne. Einstein aurait crit :
Ç Je nĠai jamais rien appris mes lves, je leur ai simplement fourni
lĠoccasion dĠapprendre par eux-mmes È
Il
est bien vident alors que, tant lĠpistmologie que la psychologie humaine,
doivent ncessairement appuyer leurs fondements sur la reconnaissance de la
clture organisationnelle.
De mme que
lĠÏuf se fait lui-mme embryon dans un milieu ferm, le nouveau-n se fait
adulte pensant et savant, dans une ambiance close sur le plan de
lĠorganisation.
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Autonomie,
ralisme philosophique et connaissance intuitive
LĠadoption des
principes de lĠautonomie et de la clture organisationnelle pose immdiatement
la question de savoir si la connaissance est ou nĠest pas purement
anthropomorphique, cĠest dire strictement relative au Ç sujet È
connaissant, lĠhomme en lĠoccurrence.
Cette question
encombre la rflexion philosophique depuis plus de millnaires sous le nom de
conflit entre les positions trs arbitrairement dnommes dĠune part,Ç ralistes È
ou dĠautre part, Ç empiristesÈ ou Ç nominalistes È.
En fait
lĠopposition entre les deux types dĠattitude relve dĠun mlange de
raisonnement logique et de pures croyances qui rend la question insoluble.
Il y a cependant
une faon plus accessible dĠaborder la question en adoptant un point de vue
conomique : le Ç ralisme est-il indispensable lĠanalyse de la
connaissance humaine, comme le voulait Platon ?
En ce sens, les arguments sont trs nombreux pour dmontrer que le ralisme des
ides nĠest pas du tout une ncessit pour analyser la connaissance humaine.
Les concepts
ont tous une histoire :
Les grecs ont
fait un magnifique cadeau lĠHumanit en introduisant les voyelles dans
lĠalphabet. Ds lors, le langage crit est devenu un miroir du langage oral,
permettant une analyse fine de ce dernier, et surtout de son volution
historique.
LĠutilisation des pithtes qui peut paratre abusive chez Homre est
manifestement lie la pauvret des concepts abstraits dsignant des
Ç ides È.
Les concepts ont une histoire qui peut tre repre, sauf les concepts les plus
concrets dcrivant lĠenvironnement immdiat, qui sont videmment les plus
anciens.
La comparaison
des dictionnaires au travers des ges dmontre un enrichissement continu.
De nombreux
mots abstraits peuvent dsigner des concepts opposs.
CĠest alors seul
le contexte prcise le sens. Paul Valry a longuement dissert sur ce point
dans son Journal.
Je citerai
volontiers comme exemple personnel, lĠadjectif Ç raliste È qui peut
dsigner deux concepts absolument oppos : dĠune part, lĠadhsion aux
thses du ralisme platonicien, et dĠautre part une capitulation devant la
pression des impratifs sociaux.
En dfinitive,
la sensation est donc bien la seule source de connaissance pour lĠintelligence.
Il ne faudrait pas pour autant adopter une attitude solipsiste qui nierait la
ralit. La rsistance des relevs croiss qui s Ôimposent nous, le
dmontre. Par ailleurs, le solipsisme est une aberration logique puisque le
Ç moi È est lui seul une ralit. La solution qui sĠimpoe ne
concerne donc pas lĠexistence dĠune ralit qui sĠimpose, et vis vis de
laquelle se dfinit lĠautonomie, mais les limites obliges dans la prise de conscience
de cette ralit. Comme Cornelius Castoriadis, nous pouvons cependant affirmer
que la ralit est fractionnable en aspects particuliers, accessible la
connaissance
Mais cĠest
surtout la comparaison entre la phylogense et lĠontogense qui apporte des
lueurs nouvelles sur la ralit.
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Autonomie
et Constructivisme Radical
Haeckel
fut le premier tablir un parallle entre lĠvolution des espces ou
phylogense, et le dveloppement de lĠindividu, ou ontogense. La position de
Haeckel tait outrancire mais trs stimulante. CĠest en 1937 que Jean Piaget a
commenc parler de Ç construction du rel È, en vitant, sans doute
trs consciemment, de fixer des limites entre une approche psychologique et une
approche mtaphysique.
Piaget
a repris la question de la comparaison entre phylogense et ontogense dans
lĠouvrage particulirement remarquable que constitue Ç Biologie et
Connaissance È. Il tait cependant encore trop tt pour que Piaget puisse
profiter de la rvolution en gntique, que devait constituer la dcouverte de
lĠADN, remettant sa vritable place, la signification fonctionnelle dĠun
gne, fauss par lĠapproche mendlienne, aussi positive quĠelle fut par de
nombreux cts.
Le gne de
Grgor Mendel est strictement dfini par une fonction. Cela conduit les hritiers continuer sur cette
voie, y compris toutes les lucubrations du freudisme, en attribuant au cerveau
la naissance, un contenu de
nombreuses significations comportementales orientant toute lĠvolution
psychologique ultrieure.
AujourdĠhui,
lĠanalyse de la structure des gnes dmontre quĠils sont avant tout des
Ç briques È entrant dans la formation de structures plus ou moins
complexes, et quĠils ont rarement une signification comportementale directe. Au
plus, les gnes peuvent explique plus ou moins directement une
Ç propension È antrieure,
cĠest dire une tendance ragir, de faon imprvue, plus intensment,
en ngatif ou en positif, que le sujet ne sĠy attendait. Mais la signification
ne nait quĠaprs une pratique.
Il faut retenir
que la propension appartient en propre lĠorganisation interne du sujet
connaissant, indpendamment des particularits de lĠUnivers.
Au
total, la connaissance sĠinclut totalement dans lĠautonomie, lie totalement
la constitution et lĠactivit du sujet autonome : Ç Il ne faut plus considrer la connaissance comme la recherche de la reprsentation
iconique d'une ralit ontologique, mais comme la recherche de la manire de se
comporter et de penser qui convienne. La connaissance devient alors quelque
chose que l'organisme construit dans le but de crer de lĠintelligibilit dans
le flux de l'exprience." (von Glasersfeld, 1981)
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Clture
organisationnelle et principe de subsidiarit
La notion de
clture organisationnelle ne peut prendre sa pleine signification que dans le
cadre du principe de subsidiarit.
Dfinition et
Historique de la subsidiarit :
Gnralis, le
principe de subsidiarit consiste confier une responsabilit la plus petite
unit capable de rsoudre une difficult, au sein dĠun systme hirarchis. Il
revient donc reconnatre lĠautonomie des parties leur niveau, mais
nullement ncessairement une priorit de pouvoir. Bien plus, si les units plus
complexes sont autonomes au mme
titre que leurs parties constitutives, lĠexercice du pouvoir est donc
ncessairement partag.
La notion de subsidiarit traduit la recherche dĠun quilibre des pouvoirs. Elle est surtout connue aujourdĠhui comme mot d'ordre de lĠUnion Europenne, mais elle trouve sa vulgarisation dans la doctrine sociale de lĠEglise catholique en Europe, au XIXme sicle.
La Rvolution
franaise avait aboli le grand pouvoir du Clerg sous lĠAncien Rgime. Le
Premier Empire, la Restauration, la Monarchie constitutionnelle de Louis
Philippe, le Second Empire, furent lĠoccasion dĠune reprise dĠune partie du
pouvoir perdu, contre lequel se dressa une opposition dont les noms les plus
connus sont Lamenais et Lacordaire.
Le Pape Pie IX,
initialement trs ouvert aux ides nouvelles, inversa son attitude aprs les
excs des rvolutions librales qui envahirent lĠEurope en 1848, devenant
ractionnaire. Le Pape Lon XIII qui lui succda, fut beaucoup plus ouvert,
formula une doctrine sociale de lĠEglise, et cĠest dans ce cadre quĠil voqua le principe de
subsidiarit. Cela se traduisit notamment par une tentative dĠinclure les lacs
dans lĠapproche thologique. Cela du reste, ne fut pas un succs car Lon XIII choisit comme modle Saint Thomas
dĠAquin, probablement le plus
grand penseur de son temps, mais mal adapt aux rvolutions empiristes et
scientifiques du XXme sicle.
Ce choix de Lon
XIIl nĠaltre cependant nullement lĠimportance du principe de subsidiarit qui
se prte notamment tout fait aux applications biologiques.
Par ailleurs, ce
nĠest pas, mon avis, un hasard que le principe de subsidiarit se soit
dvelopp dans un cadre dĠglise, car il est au cÏur de la doctrine chrtienne.
La
gnralisation de la disposition hirarchise :
Signale
par Herbert Simon, reprise par Arthur Koestler, la disposition hirarchique
apparait aujourdĠhui, la fois universelle et bnfique en Biologie. Claude
Bernard nĠen parle pas, vraisemblablement parce que le principe en tait encore
mal connu son poque.
Fait capital,
les lments constitutifs les plus simples apparaissent dj comme clos sur le
plan comportemental, au sein dĠun environnement proche constitu par un
systme, lui-mme clos. Il y a donc bien ouverture au principe de subsidiarit.
Au bas de
lĠchelle, on trouve :
- les protines
complexes, assemblage particulier dĠacides amins, tabli linairement par la
lecture dĠun segment dĠADN. Ds la fin de la lecture, la protine acquiert
spontanment une forme fonctionnelle qui lui est propre, assurant ses
proprits comportementales, significatives seulement pour le milieu cellulaire
auquel elle appartient, et retrouvant par elle-mme sa forme aprs dformation
par les mouvements molculaires.
- un chelon immdiatement suprieur, le cas
de la mitochondrie est particulirement illustratif.
Presque tous les organismes biologiques
complexes possdent ce type dĠorganelle intracellulaire, parfois prsent
plusieurs dizaines de millier dĠexemplaires pour une seule cellule. Ce sont les
seules mitochondries, qui confrent la cellule, la possibilit hautement
profitable, d'une dgradation des sources d'nergie en prsence d'oxygne. Le
rendement nergtique est peu prs dix fois suprieur celui d'une
dgradation sans oxygne. Or la mitochondrie est un organisme autonome qui
prsente ses propres capacits de duplication. Il est admis gnralement que la
mitochondrie est une ancienne bactrie entre en symbiose avec un organisme
monocellulaire procaryote plus complexe, mais ne disposant pas de la capacit
d'utiliser l'oxygne. Les consquences de cette symbiose ont t hautement
profitables aux deux organismes. La mitochondrie a acquis un espoir de survie
beaucoup plus lev l'intrieur d'une cellule. Inversement, jamais les
cellules eucaryotes n'auraient pu donner naissances aux organismes
multicellulaires complexes sans le bnfice apport par les mitochondries.
- un chelon
moyen, se trouve la cellule :
Elle apparait
toute monte par des organismes antrieurs parents, lors de la fcondation, et
assure par sa multiplication, plusieurs centaines de milliard de fois chez
lĠhomme, la constitution dĠun tre vivant autonome. La cellule constitue
elle-mme un organisme autonome.
Conflit ou
synergie ?
Dans son analyse
des relations entre milieu intrieur et milieu extrieur, Claude Bernard
insiste sur lĠaspect de conflit. Il a en grande partie raison, mais il aurait
d tout autant insister sur lĠaspect de synergie quĠil pouvait dj connatre,
par exemple dans la fonction glycognique du foie, quĠil avait tout
particulirement tudie.
En fait, le
fonctionnent global dĠun organisme dpend totalement du fonctionnement de ses
parties.
Le principe de
subsidiarit apparat donc spontan et omniprsent. Cela nĠallait pas de soi,
et sĠexplique par lĠvolution biologique, conservant de prfrence les bonnes
solutions dcouvertes par ttonnement. Les lignes de grosses cellules
parasites par des mitochondries avaient plus de chance de durer.
Il me semble
trs important de considrer que lĠharmonisation des hirarchies biologiques
est le rsultat dĠune histoire et dĠune conqute.
LĠtude bien
comprise des niveaux dĠorganisation lmentaires, nĠapporte que des exemples
destins prciser comment peut tre aborder lĠchelon dĠorganisation le plus
lev, celui de lĠhomme au sein des diffrents groupes sociaux auxquels il
appartient par ncessit, et o le principe de subsidiarit nĠest pas dĠapplication vidente, pas
encore dirait un grand optimiste.
Le principe
de subsidiarit dans lĠorganisation sociale.
La
hirarchisation va de soi dans lĠorganisation sociale, mais cela nĠimplique
nullement quĠelle soit spontanment optimise. Une meilleure application du
principe de subsidiarit est probablement un moyen essentiel dĠvolution
positive :
- sur le plan
familial, deux aspects sont essentiels :
celui du partage
dĠautorit entre chacun de deux parents, et des enfants en train de construire
trs progressivement leur autonomie sociale
celui de la
gestion des biens propres dĠune pouse par lĠpouse, lĠorganisation
patrimoniale traditionnelle, centre sur le mari tant heureusement en train de
disparatre.
- sur le plan
militaire, la ncessit est vidente, mais lĠintrt dĠune approche est limit
dans la conjoncture actuelle, du moins en France.
- sur le plan de
lĠorganisation du travail collectif, cĠest le point capital.
Subsidiarit
et patrimoine.
Je ne suis pas
arriv remonter lĠtymologie de patrimoine au del du mot latin patrimonium, si ce nĠest que la racine
Ç pre È y est indiscutablement prsente. Il est probable que le
capitulaire de Quierzy en 877, assurant une transmission de pre fils du bien
de production, correspondait une attitude bien plus ancienne, et il nĠest pas
tonnant quĠelle ait envahi les Ç codes È jusquĠ une priode trs
rcente.
AujourdĠhui, ce
privilge de principe du pre, tend perdre toute justification mais laisse un
vide juridique partiel, et promulgue la ncessit de mieux dfinir les droits
rciproques du pre et de la mre dans la gestion patrimoniale.
Subsidiarit
et organisation collective du travail et de la production
Karl Marx est
bien connu pour ses critiques sur lĠorganisation collective du travail et de la
production. Il part de points corrects la plupart du temps, mais ses
propos sont sans grand intrt car
il nĠy a aucune confrontation avec lĠintrt et la ncessit de cette
organisation collective. Georges Marchais, communiste, avait senti la ncessit
de corriger le tir, et parl de bnfices Ç exagrs È du Capital,
reconnaissant implicitement la ncessit de ce dernier.
Or, considrons
lĠinverse, la Rpublique Dmocratique du Congo, pays thoriquement trs
fertile et parfaitement arros. Environ la moiti de sa population de 50
millions dĠhabitants, vit en situation dĠagriculture de subsistance, sans
pratiquement aucune organisation collective extra-familiale du travail. Or le
revenu annuel mdian par habitant, en terme de parit de pouvoir dĠachat,
tourne autour de 150 dollars, soit environ 200 fois moins que le franais
mdian, et 50 fois moins que le terrien mdian. Encore faudrait-il prendre en
compte que nombre des Ç outils È utiliss en agriculture de
subsistance, sont acquis pour un prix qui impose une fabrication en
organisation collective.
LĠimportance de
lĠmigration vers Kinshasa et les pays europens indiquent que ce statut
dĠagriculteur indpendant, ne provoque pas lĠenthousiasme pour les pris en
compte.
Il est donc
vident que lĠorganisation collective, malgr ses dfauts, est trs hautement
positive. Cela nĠexclut videmment pas lĠintrt de tenter de corriger ces dfauts.
Je pense que
lĠapplication du principe de subsidiarit est la voie royale pour cette
correction.
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Conclusions :
les limites du libre arbitre et la notion de mrite et dmrite personnels
Toutes les
rflexions prcdentes se voudraient dmontrer la validit des notions de
Clture et dĠAutonomie sur le plan dĠune approche rationnelle, mais elles ne
rsolvent pas vritablement la question du libre arbitre qui demeure un
problme mtaphysique, certes essentiel mais strictement mtaphysique :
lĠhomme peut-il tre dmontr pleinement responsable de ses choix de conduite
en situation dlicate ?
LĠautonomie
internalise en quelque sorte la dcision en la basant sur des motifs internes
et personnels, lĠabri des pressions dĠorigine externe, ce qui dfinit
lĠautonomie, mais cela nĠexclut nullement le fait que le choix de conduite
retenu puisse tre Ç dtermin È par des rgles internes propres
chaque individu.
Scientifiquement,
il sĠensuit un problme insoluble au mme titre que de savoir si lĠespace est
infini ou born. Logiquement, cela conduit diffrentier deux aspects
distincts de lĠautonomie, lĠun scientifique, lĠautre mtaphysique.
Il apparat donc
des options dans la rponse la question, qui ont une signification sur le
plan mtaphysique et religieux, mais non scientifique.
Historiquement,
la situation est au cÏur de lĠopposition entre Plage et Saint Augustin au
dbut du IVme sicle. Elle rapparait rgulirement dans les thses
ultrieures de prdestination, notamment chez Luther, et surtout Calvin. Je
souligne quĠil sĠagit dĠune question strictement mtaphysique, au sens donn
par Pierre Duhem, cĠest dire venant aprs la science et en dehors dĠelle.
Cette question nĠa de signification quĠaprs et en fonction, dĠune adhsion de
principe des ralits supranaturelles ou leur refus. LĠengagement de la
Ç Foi È conserve donc toute sa signification.
Cependant,
cela nĠexclut nullement le principe dĠutilit, pos notamment brillamment par
William James, et le plus souvent, mal compris.
Il
est ainsi Ç utile È pour le repos de lĠme, dĠagir en dcidant que
nous sommes matre de nos dcisions. De mme et sur le seul plan des quilibres
sociaux et collectifs, nĠen dplaise Diderot, qui semble avoir oubli que le
prcepte de Castiglione Ç Perdnando troppo a qui falla, si fa inglustizia
a chi non falla È, (En pardonnant trop qui a failli, on fait injustice
qui nĠa pas failli), la sanction dĠun mis en cause convaincu sans une
impossible certitude absolue, est Ç utile È.