DŽmocrite et le sous-marin

 

Dans le foisonnement de rŽflexions qui suivit les dŽbuts du miracle grec initiŽ par ThalŽs, Leucippe et DŽmocrite, penseurs plus ou moins mythiques, comme Thals d reste, se distingurent par une conception atomistique du monde : celui-ci est rŽductible en atomes insŽcables dont la combinaison explique ˆ elle seule, la variation de tous les objets perus.

CĠest DŽmocrite, semble-t-il, qui formula le premier, lĠidŽe que les objets perus associent des qualitŽs premires, dites objectives,  et des qualitŽs secondes dites subjectives, qui nĠapparaissent quĠau travers de lĠactivitŽ perceptive. Les qualitŽs premires incluent principalement lĠŽtendue, lĠinertie, la densitŽ, la duretŽ. Les qualitŽs secondes incluent notamment la couleur, le gožt, lĠodeur.

Il y a donc chez DŽmocrite, deux idŽes distinctes et tout aussi essentielles, celle de lĠatome et celle de la construction subjective de certaines des qualitŽs que nous attribuons au Monde environnant.

 

Ces conclusions remarquables ne doivent rien ˆ une approche expŽrimentale, et tout ˆ une Ç rŽflexion È sur lĠactivitŽ rŽductionniste  de la pensŽe. QuoiquĠil en soit, cette rŽflexion de DŽmocrite a attirŽ lĠattention et provoquŽ lĠadmiration dĠErwin Schršdinger, lĠun des papes de la mŽcanique quantique, notamment dans Ç Mind and Matter È (1958, soit trois ans avant sa mort), affirmant en introduction que le monde est une construction subjective de nos sensations, perception, mŽmoires.

 

Il me semble intŽressant de confronter DŽmocrite et Schršdinger, ˆ la notion de Ç cl™ture organisationnelle È, formulŽe ˆ ma connaissance pour la premire fois par Francisco Varela, en 1979  (Principles of Biological Autonomy, North Holland), et prŽcŽdŽs de quelques articles depuis 1975, notamment une publication conjointe avec Humberto Maturana. Varela cite de nombreux travaux dĠautres auteurs, tous postŽrieurs au dŽcs de Schršdinger. Varela prŽsente la notion de cl™ture organisationnelle comme un guide heuristique basŽ sur des Žvidences empiriques : tout systme autonome, dont lĠesprit humain dans une Žvaluation de son environnement, est nŽcessairement un systme clos sur le plan de lĠorganisation. La parabole du sous-marin, accessible sur le mme site, rŽsume cette idŽe de cl™ture organisationnelle sur le plan de quelques applications pratiques.

 

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Les bases neurofonctionnelles.

 

Elles constituent un point de dŽpart essentiel, et se situent ˆ deux Žchelons de lĠorganisation biologique. LĠŽchelon neuronique a ŽtŽ proposŽ le premier par Johanns MŸller aux environs de 1830. Le second Žchelon, ˆ lĠŽchelle de la membrane cellulaire, ne sĠest vraiment dŽveloppŽ que dans la deuxime moitiŽ du XXme sicle, et se poursuit actuellement comme lĠindique le Prix Nobel de chimie attribuŽ cette annŽe ˆ Robert Lefkowitz et Brian Kobilka, pour leurs travaux sur les rŽcepteurs membranaires couplŽs avec les protŽines G. Fait exceptionnel, la publication essentielle pour lĠattribution du Nobel datait dĠˆ peine un an.

 

A)LĠatome de connaissance ˆ lĠŽchelon du neurone.

 

Johanns Muller, trs connu en Allemagne mais trs peu connu en France, est un personnage fascinant. NŽ en 1801, issu dĠun milieu social extrmement modeste, sa trs brillante intelligence fut heureusement notŽe trs prŽcocement par son entourage extra-familial,  lui permettant des Žtudes plus quĠŽlŽmentaires. MŸller put se tourner vers la physiologie ˆ lĠ‰ge de 18 ans, et trs curieux, il fut intŽressŽ par la dŽcouverte toute rŽcente de Bell et Magendie Žmise en 1822 sur les racines motrices et sensorielles des nerfs rachidiens.

 

CĠest dans cette optique que MŸller aborda lĠŽtude de lĠinflux nerveux en rŽponse ˆ une excitation de lĠÏil complexe de crustacŽs, bien quĠen lĠoccurrence, les crustacŽs nĠaient pas de moelle Žpinire. On peut penser que MŸller dŽcouvrit que cet influx Žtait constant, quel que soit lĠexcitant qui le provoquait. QuoiquĠil en soit, MŸller se posa la question fondamentale, opposant deux hypothses :

 

-       la rŽponse sensorielle ˆ une excitation inclut-elle des renseignements sur les particularitŽs physiques de lĠexcitant ˆ lĠorigine de lĠexcitation du rŽcepteur ?

 

-       au contraire, la rŽponse sensorielle est-elle toujours identique ˆ elle-mme , et donc indŽpendante des particularitŽs physiques de lĠexcitant ?. En ce cas, la variation des sensations exige que tous les rŽcepteurs sensoriels ne donnent pas une rŽponse identique devant un mme ŽvŽnement. MŸller a nŽgligŽ les consŽquences dĠun emplacement diffŽrent ˆ la surface du corps, pourtant essentielles pour toutes les sensations en dehors de celles qui relvent de lĠodorat et du gožt. Il sĠest concentrŽ sur la diffŽrence de sensibilitŽ des diffŽrents rŽcepteurs sensoriels, face ˆ lĠŽnergie physique variŽe des diffŽrents excitants.

 

MŸller a fait le choix heureux de la seconde hypothse. La valeur de ce choix fut confirmŽ par les travaux de son Žlve Herman von Helmholtz, et nĠappara”t pas discutable aujourdĠhui.

 

Une prŽcision a cependant ŽtŽ apportŽe. La plupart des rŽcepteurs rŽpondent ˆ des excitants de nature variŽe, mais le seuil nŽcessaire pour provoquer une rŽponse est beaucoup plus bas pour une forme particulire dĠŽnergie physique. Ainsi, un coup de poing dans lĠÏil provoque la dŽcharge des rŽcepteurs visuels et fait voir 36 chandelles, mais lĠŽnergie dŽpensŽe par le coup de poing est des milliards de fois plus ŽlevŽe que le rayonnement lumineux permettant dĠobtenir la mme rŽponse.

 

Dans le dŽtail et la loi du tout ou rien :

 

Les progrs considŽrables dans lĠanalyse de la rŽponse des rŽcepteurs ˆ un excitant physique affinent lĠimmense portŽe du choix de MŸller.

 

Lorsque les effets dĠun excitant quelconque sur un rŽcepteur sensoriel sont ŽtudiŽs, il appara”t que de trs nombreux excitants, dĠŽnergie variŽe, provoquent une variation de potentiel Žlectrique entre le rŽcepteur et son environnement. Mais cette variation se dissipe rapidement et est dŽfinitivement perdue, lorsque elle est infŽrieure ˆ un certain seuil.

En revanche, lorsque ce seuil est atteint, le rŽcepteur considŽrŽ gŽnre un influx nerveux, et cet influx est totalement identique ˆ lui-mme, quel que soit lĠexcitant qui lĠa fait na”tre. Autrement dit, un rŽcepteur fournit une rŽponse toujours identique ou il ne rŽpond pas, cĠest une loi de tout ou rien qui devrait tre ˆ la base de toute approche ŽpistŽmologique, puisquĠelle substitue ˆ lĠarrivŽe de lĠexcitant externe, une modification ponctuelle de lĠŽtat interne.

 

Un exemple concret a une Žnorme valeur dĠexplication, permettant dĠaccepter plus facilement un transfert ŽpistŽmologique radical dĠun ŽvŽnement sensŽ appartenir ˆ une rŽalitŽ extŽrieure en une pure modification interne ˆ lĠorganisme, et cĠest lĠexemple du clavier dĠordinateur et de la frappe sur lĠune de ses touches.

En ce cas, toutes les variables existentielles concernant lĠauteur de la frappe et son geste, sont perdues et nŽgligŽes. Seule est retenu le fait que la frappe dĠune touche a franchi un seuil de rŽponse. Le rŽsultat utile de cette frappe est limitŽ ˆ un changement dĠŽquilibre local dans le fonctionnement global de lĠordinateur.

 

Les consŽquences philosophiques :

 

Reprenons ce dernier exemple. La rŽponse des rŽcepteurs visuels est qualitativement identique, que cette rŽponse traduise lĠŽnergie considŽrable du coup de poing ou lĠŽnergie minimale dĠun rayonnement lumineux. Autrement dit, si la question du seuil diffŽrent est mise ˆ part, la rŽponse ˆ lĠexcitation dŽpend uniquement de la nature du rŽcepteur, et est indŽpendante des caractres de lĠexcitant.

De ce fait, la sensation est rŽductible ˆ une modification ponctuelle dĠŽtat dans propre organisation, et le principe de la cl™ture organisationnelle est totalement respectŽ.

Helmholtz avait parfaitement intŽgrŽ cette rŽvolution ŽpistŽmologique essentielle lorsquĠil a Žcrit : Ò Nous appelons sensation  les impressions produites sur nos sens, en tant qu'elles nous apparaissent seulement comme des Žtats particuliers de notre corps (surtout de nos appareils nerveux) ; nous leur donnons au contraire le nom de perception lorsqu'elles nous servent ˆ nous former des reprŽsentations des objets extŽrieurs È (ThŽorie physiologique de la musique). Il faudrait pour bien faire y associer cette citation dĠErwin Schršdinger par Paul Watzlawick : Ç Every manĠs world picture is and always remain a construct of his mind and cannot be proved to have any other existence. È (in Mind and Matter 1958) (La conception que tout individu a du monde est et reste une construction de son esprit, et on ne peut jamais prouver quĠelle ait une quelconque autre  existence).

 

Il est ˆ noter que ce changement dĠoptique devrait recouvrir la totalitŽ des thŽories de lĠinformation et de la communication. Tout signal quel quĠil soit ne peut tre qualifiŽ que par la modification interne du systme rŽcepteur quĠil a provoquŽ. Comme je le verrai plus loin, le rŽcepteur membranaire illustre tout particulirement cette Žvolution ŽpistŽmologique.

 

LĠatome, grain de rŽalitŽ ou grain de connaissance de la rŽalitŽ ?

 

Ce qui dŽfinit lĠatome, et comme son nom lĠindique, est son caractre insŽcable. Mme le couteau le plus fin ne peut pas le diviser en partie, prŽcise DŽmocrite. En revanche, une question essentielle appara”t ˆ laquelle il nĠest pas immŽdiat de rŽpondre : lĠatome est-il un grain plus ou moins insŽcable de la rŽalitŽ, ou un grain insŽcable de la connaissance que nous avons de cette rŽalitŽ. Dans lĠun de ses ouvrages, Werner Heisenberg sĠesbaudit  sur la description de la liaison atomique en termes de bouton pression. Mais comment Heisenberg peut-il tre certain que sa propre description de lĠatome nĠŽgayera pas tout autant dans quelques dizaines dĠannŽes ?

 

Toute difficultŽ dispara”t si nous acceptons lĠidŽe que la notion dĠatome concerne, non  la rŽalitŽ mais la reprŽsentation que nous en construisons. Ainsi, lĠatome de Dalton en 1808 est pratiquement identique ˆ celui de DŽmocrite. En revanche, toutes les descriptions modernes font dispara”tre le caractre insŽcable de ce qui ne mŽrite plus le nom Ç dĠatome È. Je reprends la richissime mŽtaphore dĠAlfred Korzybski, opposant Ç la carte È et Ç le territoire È. Ç A map is not the territory it represents, but, if correct, it has a similar structure to the territory, which accounts for its usefulness. È (Une carte nĠest pas le territoire quĠelle reprŽsente, mais si elle est correcte, elle a une structure semblable qui rend compte de son utilitŽ). Autrement dit, la carte est une faon dĠtre du cerveau qui rŽsume correctement toute la connaissance acquise sur le territoire, sans aucunement tre ce territoire.

 

En revanche, la notion dĠ Ç atome È peut tre attribuŽ ˆ lĠinflux nŽ de la dŽcharge dĠun neurone sensoriel puisque cet influx, rŽpondant ˆ une loi de tout ou rien, est insŽcable, et quĠinversement toute reprŽsentation de la rŽalitŽ repose sur une combinaison de sensations ŽlŽmentaires ˆ lĠŽchelon neuronique.

 

Il est ˆ noter que tout cela ne signifie nullement que la rŽalitŽ nĠexiste pas, et le solipsisme est dŽnuŽ de tout fondement. En revanche, il importe de distinguer la rŽalitŽ et la construction ŽpistŽmologique  subjective la plus Ç utile È possible de cette rŽalitŽ, Ç utile È au sens de William James et dĠAlfred Korzybski.

 

Selon ce mme critre dĠutilitŽ, il est intŽressant de voir si la rŽponse unitaire du neurone sensoriel nĠest pas fractionnable, et en tirer sur le plan ŽpistŽmologique, un bŽnŽfice comparable ˆ celui quĠa apportŽ le fractionnement de lĠatome de DŽmocrite et Dalton.

 

           B)LĠatome de connaissance ˆ lĠŽchelon subneuronique.

 

Mme dans une perspective trs lointaine, il y a toutes chances pour que la dŽcharge explosive dĠun neurone sensoriel demeure lĠunitŽ Ç atomique È de toute sensation, et donc de toute construction ŽpistŽmologique dĠune connaissance de la rŽalitŽ. En revanche, il y a place pour un dŽveloppement concernant les mŽcanismes qui permettent au neurone de gŽnŽrer cette dŽcharge. Une question essentielle qui se pose alors sur un plan systŽmique est celle de savoir doit tre considŽrŽ lui-mme comme un systme autonome complet au sein de systmes autonomes plus complexes dont il constitue un rouage. Arthur Koestler notamment a beaucoup insistŽ sur cet aspect hiŽrarchisŽ des systmes, et lĠaspect Ç janus È de tout systme autonome, associant une fonction autopo•etique propre tournŽe vers lĠintŽrieur, et une fonction extŽrieure de participation au fonctionnement dĠun systme plus large auquel il appartient. Anatomiquement, cette disposition est Žvidente : le neurone semble bien avoir un fonctionnement autonome, mais toute sa signification foncionnelle est liŽe ˆ son r™le dans des organisations multineuroniques. Mais si le neurone sensoriel est rŽellement un systme autonome, il doit en avoir lĠarchitecture. Il doit obŽir a principe de cl™ture organisationnelle, et avoir paralllement des Žchanges rŽgulŽs avec son environnement. QuĠen est-il dans la pratique ? Les dŽcouvertes effectuŽes, notamment  durant le dernier demi-sicle, dŽmontrent ˆ lĠŽvidence que le neurone sensoriel, comme toute cellule de lĠorganisme, prŽsente bien toutes les caractŽristiques dĠun systme autonome :

 

1)La cl™ture

 

Elle se dŽfinit uniquement par rapport ˆ lĠenvironnement extra-neuronique immŽdiat. Elle est assurŽ par une membrane complexe en quatre couches, deux couches protŽiniques et deux couches phospholipidique. Elle vise fondamentalement la cl™ture chimique.

 

Cette cl™ture est continue mais elle prŽsente des Ç portes È permettant un passage Ç contr™lŽ È de produits essentiels et dĠinformations.

 

2)Le recueil dĠinformation

 

Il est assurŽ par les diffŽrents types de rŽcepteurs membranaires, notamment ceux rattachŽs aux protŽines G qui ont ŽtŽ lĠobjet du prix Nobel de chimie de 2012. Il existe de nombreux types distincts de rŽcepteurs, mais du point de vue systŽmique et ŽpistŽmologique, ils sont Žquivalents. Ils traversent la membrane et prŽsentent deux p™les, lĠun extracellulaire prt ˆ recevoir un signal, lĠautre intracellulaire prt ˆ agir sur une protŽine Ç rŽpondante È, ce qui assure la rŽponse au signal. En (a) de lĠillustration sous-jacente, le rŽcepteur est en attente, la protŽine rŽpondante est inactive. En (b) de lĠillustration, le mme rŽcepteur a intŽgrŽ le signal qui se prŽsente comme un Ç ligand È venant se fixer sur le Ç domaine È  qui lui est rŽservŽ. Il en rŽsulte une modification de la configuration tridimensionnelle du rŽcepteur. Cette modification agit ˆ son tour sur la protŽine Ç rŽpondante È qui passe de lĠŽtat inactif ˆ lĠŽtat actif. Une cascade de rŽactions chimiques complexe sĠen suit.

(Pour qui souhaiterait le savoir, la rŽaction, comme toute transmission dĠinformation,  consomme de lĠŽnergie. Celle-ci Žtait tenue en rŽserve par la formation prŽalable dĠune molŽcule ATP ˆ partir dĠune molŽcule ADP, et se trouve libŽrŽe par la transformation dĠATD en ADP)

 

                                   (a)                                                                 (b)


in  Scott F. Gilbert, 2006 et 2009

 

 

Ce processus est le premier temps obligatoire de la gense de toute sensation et rŽsume lĠintŽgration de tout signal externe par un organisme biologique, de lĠamibe ˆ lĠhomme.

 

Fait tout aussi capital, il appara”t nettement que ce nĠest pas le signal lui-mme qui est physiquement intŽgrŽ, mais bien la transformation de lĠŽtat dĠune protŽine propre ˆ lĠorganisme, passant de lĠŽtat inactif ˆ lĠŽtat actif. On pourrait dire en quelque sorte, que lĠorganisme Ç ne voit pas ou ne ressend pas È le ligand, pas plus sue lĠordinateur Ç ne voit È lĠinformaticien qui a appuyŽ sur une touche de son clavier.

 

Bien entendu, tout ce que je rapporte lˆ, concerne la Ç carte È et pas Ç le territoire È. Tous les concepts utilisŽs, les produits, rŽactions ou fonctions dŽcrits, concernent la carte et pas le territoire lui-mme qui demeure directement inaccessible.

 

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Conclusion

 

Cet article doit tre abordŽ dans la continuitŽ de la parabole du sous-marin, et est destinŽ ˆ Žtoffer cette parabole, autour de cette notion quĠil ne faut pas confondre la carte et le territoire, lĠinvention dĠune rŽalitŽ et cette rŽalitŽ elle-mme. Lorsque Schršdinger affirme la relativitŽ dĠune conception du monde ˆ une construction de lĠesprit humain, il nĠaffirme pas pour autant la relativitŽ de la rŽalitŽ elle-mme, cette dernire sĠaffirmant gr‰ce aux relevŽs croisŽs, chers ˆ Winston Churchill, Karl Popper et bien dĠautres. En revanche, la recherche dĠune meilleure cohŽrence dans lĠinvention nous para”t essentielle. CĠest en ce sens que la reprise de la notion dĠatome caractŽrisant, non la rŽalitŽ, mais la connaissance de cette rŽalitŽ, nous semble trs positive.

 

1)LĠinflux nerveux nŽ de la dŽcharge dĠun neurone sensoriel est le vŽritable atome, non de la rŽalitŽ mais de la connaissance de cette rŽalitŽ. Les diffŽrentes qualitŽs premires ou secondes de DŽmocrite sont liŽs ˆ lĠexistence de diffŽrents types de neurones sensoriels, sans quĠil y ait lieu du reste dĠŽtablir cette distinction, les qualitŽs premires apparaissant aujourdĠhui Žgalement comme des crŽations de lĠesprit.

Toute connaissance doit donc bien en fin de compte rŽduite ˆ une combinaison particulire dĠinflux neuronique. Ce nĠest du reste quĠun pas de plus aprs Saint Thomas dĠAcquin qui affirmait que toute connaissance na”t historiquement des sensations. Ç Gestalts dĠaccord, mais gestalts qui ont une histoire humaine È Žcrivait Jean Piaget dans Ç Logique et connaissance È en 1967.

Cette approche Ç atomistique È est importante, pour aborder des aspects complŽmentaires sur les mŽcanismes de la connaissance.

 

2)LĠesprit humain est un systme autonome au sens donnŽ par Pierre Vendrys, cĠest ˆ dire que cet esprit nĠobŽit  quĠˆ ses propres lois (DŽterminisme et autonomie, 1956). La description de Vendrys est elle-mme, comme Vendrys lui-mme y insiste, empruntŽe ˆ Claude Bernard ( Leons sur les phŽnomnes de la vie, 1878). Le point de vue atomistique demeure donc tout au long du dŽveloppement de lĠesprit et de lĠinvention dĠune rŽalitŽ.

La conception atomistique aide ˆ comprendre la constitution de lĠesprit humain, systme autonome fait de lĠemboitement hiŽrarchique de systmes plus simples, tous Žgalement autonomes avec une double face de janus, lĠune tournŽe vers une Žquilibration interne propre, lĠautre tournŽe vers lĠŽquilibration du systme autonome plus large dont le premier constitue une partie. LĠinflux neuronique est lĠŽchelon le plus ŽlŽmentaire sur le plan des significations, mais pas sur celui du fonctionnement biologique. Une comparaison utile peut tre faite avec lĠatome matŽriel, Žvoluant depuis lĠaspect insŽcable de DŽmocrite et Dalton jusquĠˆ sa partition dans le cadre de la physique moderne.

 

3)Le principe de cl™ture organisationnelle sĠimpose absolument ˆ lĠŽchelon du neurone sensoriel, et cela conduit ˆ redŽfinir la transmission de lĠinformation ˆ tous les niveaux. A la conception dĠun signal pŽnŽtrant dans le systme considŽrŽ, il faut substituer une modification ponctuelle de lĠorganisation interne dont il nĠy a pas ˆ se prŽoccuper outre mesure comme elle sĠest produite, mais qui retentit sur tout le systme et exige une rŽŽquilibration. Ainsi se trouve justifiŽe une fois de plus la parabole du sous-marin, o la modification ponctuelle dĠun rŽcepteur est premire, ˆ la fois en importance et chronologiquement, dans la construction (Jean Piaget) ou lĠinvention (Watlawick) dĠune rŽalitŽ.