Le Développement rébral, embryonnaire et immédiatement post-natal

 

Son étude est  capitale, bien qu'elle puisse paraître sortir du strict domaine de la neuropsychologie. Elle étudie  en  effet  le  point  de  départ  du  psychisme,  elle  règle  la  question  de  toutes  les  structures psychologiques, fantasmes  archaïques, symboles  oblis  et autres concepts  linguistiques  a priori, qui sont  sens  précéder  le  vécu  au  contact  de  l'environnement.  Elle  permet  d'affirmer  le  caractère purement transitif du discours. Elle traduit  un extraordinaire mole expérimental de veloppement autonome, applicable à d'autres évolutions plus difficiles à analyser.

 

 

Le point de départ théorique  :

 

A partir de la fin du XVIIème siècle, les savants ont  recherché des explications au veloppement pré- natal. Durant plus de deux siècles se sont opposés :

-les partisans d'une "forme" préexistante dans l'œuf, réglant le veloppement ultérieur,

-les partisans de l'épigenèse, niant les "formes" pré-existantes, et affirmant sans explication, l'apparition progressive des structures.

Les arguments présentés par les uns et les autres ne dépassaient guère les critiques des thèses adverses.

 

 

La situation est beaucoup plus claire aujourd'hui :

 

1) On a pris finitivement  conscience que le veloppement initial  vivipare est  aussi indépendant d'instructions  externes  que  le  développement  ovipare.  Les  preuves  sont  très  nombreuses,  trop longues  à  présenter  ici.  En  dehors  d'influences  létères  possibles,  la  mère  du  vivipare  ne  fait  que renouveler   l'apport   énergétique   et   assurer   l'élimination   des   déchets.   Chez  l'oiseau,  ovipare,  la neurulation, premier stade de la mise en place du cerveau s'établit entre 24 et 36 heures après le début de l'incubation,  et  ne  peut  évidemment  s'effectuer  que  selon  un  mécanisme  autonome.  Dans  l'espèce humaine,  la neurulation  apparaît  durant la quatrième semaine après la conception alors que l'embryon ne mesure que quelques millimètres de long, mais le mécanisme et la morphologie sont manifestement identiques. Après la neurulation, l'embryon humain et l'embryon d'oiseau présentent le même aspect.

 

 

 

 

Le  développement embryonnaire  humain est donc nécessairement autonome, c'est  à  dire assuré par l'organisme lui-même, sans instructions venues de l'extérieur. Cela rend cruciale la question de l'existence éventuelle d'une pré-forme.

 

2)La préforme, si  elle existait, ne  pourrait  être qu'un  programme qui  se dédouble à chaque division cellulaire, puisque si l'on coupe un œuf qui s'est divi deux fois en quatre cellules, chacune des cellules donne un sujet  complet.  Une seule cellule  d’un organisme  mature peut même  suffire à  nérer un individu complet comme le prouvent les clones réussis.

La chaîne d'A.D.N. aurait pu être un bon candidat de programme. Mais son analyse complète, terminée il y a quelques années seulement, prouve qu'elle n'est pas un programme taillé, mais un "dictionnaire", c'est à dire une simple suite linéaire et accolée de 30 000 à 40 000 nes anatomiquement indépendants les uns des autres, dont 98 % au moins servent uniquement au fonctionnement de chaque cellule, ou sont communs à de très nombreuses espèces. Un ne n'est  que le programme d'une protéine qui agit en tout ou rien et de fon très variable selon l'environnement rencontré. Comme le mot du dictionnaire, le sens du gène demande à être précisé en fonction du contexte, donc du développement ultérieur. On peut donc dire que le sens du gène dépend autant du développement qu'il ne le permet.

L'information nétique contenue dans l'œuf, est donc initialement ridiculement limitée et fort peu spécifique :

-  quantitativement,  le  programme  génétique  de  la  souris  est  sensiblement  de  la  même  taille  que  le programme humain alors même que le cerveau de souris est environ 3000 fois plus petit que le cerveau humain, et qu'il n'y a pas à expliquer éventuellement des compétences linguistiques innées.

- les gènes humains ne sont distincts de ceux du chimpanzé qu'à la hauteur de un   pour cent seulement des maillons de la chaîne d'A.D.N. totale.

En aucun cas,  la chaîne d'A.D.N. ne pourrait  contenir des  informations suffisantes  pour expliquer des

"fantasmes originaires" ou un corpus inné de signifiants.

Il est donc parfaitement incorrect d'attribuer à l'exécution d'un programme ou à une forme innée, des structures qui résultent en fait d'une construction vécue. Cela s'applique tout particulièrement à tous les aspects de langage et autres aspects symboliques supposés précéder l'exrience.

 

En un mot, il faut  donc passer le préformisme comme l'épigenèse, et envisager le développement pré-natal  dans la perspective de ce  que Piaget appelle  le  tertium  du veloppement, appuyé sur la reconnaissance de l'autonomie biologique :

 

1) un tel veloppement  est assuré par un sujet, c'est  à dire "un être qui existe non seulement en soi, mais pour soi, et qui, ne se bornant pas à être un objet visible du dehors ou délimité par des contours logiques, n'a sa ritable réalité qu'en contribuant à se faire lui-même, à partir sans nul doute d'une nature donnée et selon des exigences intimement subies, mais par un devenir volontaire et une conquête personnelle. Le sujet  n'est pas comme du fini ; il croît in infinitum.(M. Blondel)".

Ce  sujet  est  nécessairement  préalable  au  développement,  et  ne  peut  naître  que  d'un  seul  coup, notamment  par  la duplication d'une structure  présente chez un ou deux  sujets  parents, à la fois  tout monté en temps que sujet,  mais  riche  d'un  énorme  potentiel  de veloppement. Ces  caractéristiques s'appliquent  parfaitement  à l'°uf. On  peut  comparer la situation  à celle d'un  musicien  qui  disposerait d'un  recueil d'accords et  qui  construirait  une mélodie au fur et  à mesure qu'il  la jouerait (J.C. Tabary, 1974). Ou encore celle de Racine devant son écritoire, disposant d'un corpus linguistique d'un millier de mots, et  construisant  ses  différentes tragédies en  faisant  varier le choix et l'articulation  entre  ces  mots, sans que l'une ou l'autre de ces tragédies soit écrite à l'avance.

 

 

2)  le fonctionnement  de ce  sujet est  assuré initialement  par un  ensemble de  lois  internes  qui régissent

conjointement  l'équilibre entres les différents systèmes internes  et les  rapports  avec  l'environnement.

Ces lois  sont  initialement  très peu différentes des  lois qui régissent  le fonctionnement  autonome  d'une bactérie. C'est très progressivement que des lois plus complexes apparaissent, rivées d'une "réflexion" sur l'activi et les conséquences mémorisées de cette activité.

 

3)  la dynamique du veloppement pré-natal  est à trouver dans  un  déséquilibre interne  qui  n'est pas immédiatement  tabli. L'oeuf-sujet  est fini par un ensemble de systèmes fournissant des réponses aux exigences  résultant de  différentes  conditions  d'environnement rencontrées, pour  maintenir  constant  un milieu interne quel que soit  le milieu externe (Claude Bernard). Mais le principe de Claude Bernard ne s'applique pas seulement  aux  relations  entre l'œuf  et son  environnement. Il  s'applique aussi, selon  un principe  de  subsidiarité,  aux  interactions entre systèmes locaux  distincts. Les réponses internes sont, elles-mêmes, cause de déséquilibre dans  les relations entre systèmes. La simple  poursuite  du  vécu  est donc déséquilibrante. La recherche d'un nouvel état d'équilibre ne peut être qu'une "découverte" résultant d'un   tâtonnement   aléatoire,   à   la   manière   de   l'homéostat   d'Ashby,   sinon   l'équilibre   aurait   été immédiatement  et  automatiquement  tabli. Inversement, grâce au mécanisme de la réaction  circulaire qui enregistre les effets du tâtonnement aléatoire, celui-ci  est riche de progrès, permettant de découvrir des  situations  d'équilibre  relativement  stable.  C'est  le  principe  de  la  structure  dissipative,  décrit  par Prigogine.

 

4) le veloppement  est marqué par une  morisation des  modifications  comportementales  efficaces pour  une  adaptation à  la  situation renconte, et  une intégration dans la structure. Les réorganisations successives, rendues nécessaires par l'accumulation des données mémorisées, finissent une succession d'étapes en  cascade, l'exercice à  chaque étape étant  réglé par les étapes précédentes et  préparant les étapes suivantes.    En dehors des structures nées  initialement par duplication  et présentes  à  l'origine, toutes  les structures résultent  d'une correction active rétablissant  un équilibre,  soit  entre les différentes parties  de  l'organisme(développement  prénatal),  soit  entre  l'organisme  entier  et  son  environnement

(développement post-natal).

 

5)  le  veloppement  se  fait  par  une  suite  de  organisations,  chaque nouvelle organisation  étant  la conséquence  de  l'activité  de  l'organisme  durant  l'organisation  précédente.  Il  est  parfois  difficile  de préciser dans quelle mesure une étape est un moyen commode de description (stades piagétiens p.e.), et

dans quelle mesure elle est une dimension authentique du développement, mais il y a manifestement des

"explosions" successives authentiques qui signent les changements d'étape.

 

Ces  cinq  points  marquent  tous  les  développements  autonomes,  phylogénétiques,  ontogénétiques  ou culturels. C'est l'abstraction réfléchissante finie par Jean Piaget, il y a près d'un siècle, où le sujet se développe  en  intégrant le résultat de ses  activités  positives  sur l'environnement. C'est également  plus récemment  "the activity-dependant development" des auteurs anglo-saxons (L.C. Katz et C.J. Shatz) qui  est  en  fait  le  stricte  équivalent  de  l'abstraction  fléchissante.  Il  faut  noter  que  le  mécanisme s'applique aussi bien à l'organisme entier qu'aux sous systèmes internes, chaque sous système étant une uni autonome dont l'environnement immédiat est constitué par un voisinage interne.

 

Dans le cas  de l'oeuf/cellule initiale, il y a nécessairement, comme pour tout  organisme  autonome, des flux d'échange  dans la  relation avec  l'environnement.  Ces flux sont différents selon que la cellule est isolée ou accolée à une autre cellule. Les expériences de Driesch et de Speeman montrent qu'il y a là l'explication  nécessaire  et  suffisante,  de  l'amorce  du  veloppement  embryonnaire.  Il  faut trouver chez Driesch, l'expérience fondamentale qui établit la validi a priori universelle, de l'explication des développements autonomes quels qu'ils soient.

 

 

 

 

Par la suite, la multiplication incontrôlée des cellules aboutit  successivement  à la formation d'une petite mure creuse, et  à une différenciation des  interactions  entre cellules. Une  invagination  fait apparaître automatiquement trois feuillets, finissant une "forme" primitive qui n'a exi aucune programmation.

Au niveau du cerveau, un  développement identique sur le plan  théorique, est  observé.  Des  structures sont simplement ébauchées de façon quasi aléatoire, et le contact nouveau entre structures nouvelles est initialement facteur de séquilibre, puis d'organisation.

Les  interactions  entre  structures  corrigent  les  déséquilibres,  les  font    évoluer  vers  une  complexité croissante  qui  est  mémorisée.  En  fin  de  compte,  les  neurones  cérébraux  sont  disposés  de  façon extmement  précise et  immuable.  Le cortex cérébral  est constit de  six  cents  millions  de colonnes juxtaposées de 110 neurones chacune. La disposition des colonnes est parfaitement organisée.

 

 

L'organisation cérébrale primitive

 

Le mécanisme de mise en place initiale a été préci au niveau du tube neural primitif qui dans l'espèce  humaine  apparaît  durant  la  quatrième  semaine  après  la  conception  alors  que  l'embryon  ne mesure que quelques millimètres de long.  Comme je le dis  plus  haut, la  comparaison  avec  l'oiseau permet d'affirmer un veloppement autonome, mais il est possible d'aller plus loin sur le mécanisme en cause, compensant l'absence de programmation :

 

 

 

                                                                                                                                                                                       

 

Comment    une    structure    rébrale    organisée    peut émerger,      sans      programme,      d'un      développement anarchique.

1)dans la zone ventriculaire, de nouveaux neurones apparaissent de façon anarchique, par divisions cellulaires répétées

2)les  nouveaux  neurones  migrent  vers  la  surface  corticale,  le long des fibres gliales radiales

3)arrivé à  destination,  le neurone,  devenu  neurone cortical,  occupe une partie définie de la surface corticale

4)l'accumulation  des  neurones  fait  que  toute  la  surface  corticale finit par être occupée, dessinant une trame régulière.

5)les   derniers   neurones   formés  qui  ne  trouvent   plus  de  place, meurent, respectant l'arrangement existant.

 

 

 

 

 

 

 

C'est  un  mécanisme  analogue  qui  assure  la  mise  en  forme  du  squelette. Il  n'y  a pas de dessin préétabli   des   os,   seulement   une   multiplication   anarchique   des   cellules   cartilagineuses   qui   se transformeront  en  cellule osseuse (A).  Ce sont  les contractions musculaires du f°tus qui  créent des déformations, sources de lignes de force électriques (B) selon lesquelles les cellules se disposent en deux couches (C), assurant secondairement une cavité articulaire entre ces couches, et ainsi la forme des os et des articulations.

 

 

 

 

Remarque : la naissance humaine est très prématurée si on la compare à celle du jeune macaque Pour expliquer  le  fait,  les  auteurs  sitent  entre  des  limites  dans  la  capaci nourricière  du  placenta,  ou l'étroitesse du troit  supérieur de l'os du bassin chez la mère, qui ne laisserait pas passer une tête plus développée.  Les  conséquences  sont  importantes. Il y a une longue période après la naissance pendant laquelle  le  veloppement   de  type  embryonnaire  prédomine  par  rapport   à  l'apprentissage,   alors qu'inversement  il y a possibilité de quelques acquisitions folkloriques  avant la  naissance  (mémorisation du basson de Pierre et  le loup),  et surtout  une intégration des effets d'environnement  dès les premiers jours de la vie.

 

Il  est  donc impossible de tracer une ligne nette entre un veloppement de type  embryonnaire par interactions intracébrales entre structures, et un veloppement  post-natal établi sur les relations avec l'environnement  physique et  social.  Après la naissance, coexistent durant plusieurs mois  la  poursuite d'un développement  de type embryonnaire qui permet  à l'enfant  humain  de rejoindre le  macaque de  la naissance, et  un  début d'apprentissage  du  milieu  environnant, faisant  intervenir  la  perception  bien  plus que  la  motricité.   L'accommodation  visuelle  à  la  distance  n'apparaît  qu'à  six  semaines,  la  vision binoculaire  qu'à quatre mois. Inversement  un  tampon  porté sur l'épaule par la personne qui  s'occupe régulièrement  du nouveau-né est différencié d'autres tampons, à moins de huit  jours de vie. La voix de cette personne,  non nécessairement la mère, est différenciée à moins de six semaines de vie.

 

 

-----------------

 

Conclusions

 

1)  Le   développement  embryonnaire   est  un  modèle   applicable  à   tous   les   développements autonomes, notamment  le veloppement  psychologique post-natal. Dans le même esprit  que Maurice Blondel, le pape Paul VI a écrit " L'homme n'est vraiment homme que dans la mesure où, maître de ses actions et juge de leur valeur, il est lui-me l'auteur de son progrès, en conformité avec la nature que lui  a  donné  son  Créateur  et  dont  il  assume  librement  les  possibilités  et  les  exigences."  A  moins d'adopter un point de vue dualiste, il faut, en psychologie, considérer comme peu valide, le schéma d'un psychisme  initialement tout monté, capable  d'assimiler  immédiatement certaines  données d'environnement   au   moins,   et   qui   pourrait   évoluer   seulement   négativement   sous   l'effet d'influences sociales  extérieures  contraignantes  et déformantes. Il faut  plutôt  se tourner vers un schéma centré sur un psychisme crée progressivement à partir des effets autonomes d'initiative et de  correction  personnelle  des  déséquilibres.  Les  difficultés  rencontrées  au  contact  du  monde physique et des personnes n'altèrent pas un psychisme antérieurement intact, mais sont en fait la clef du développement psychique.

Par ailleurs, comme Claparède  l'avait  suggéré,  il y a continuité entre les étapes de l'organisation neurologique pré-natale, les développements psychologiques pré-verbaux des premiers mois, et les étapes du développement du discours.

 

2) La signification et la genèse des "formes" doivent être repensées. La formule de Piaget, "Formes d'accord,  mais formes qui  ont eu une  histoire" est un peu  insuffisante.    En fait, toute forme, dans quelques  domaines  que  ce  soit,  est  totalement  réductible  à  la  trace  rennisée  d'une  activité antérieure du sujet,  à la  façon  dont la  "forme"  de l'Aphrodite  de Cnide rennise l'activité de Praxitèle.  Comme y  insiste Jean  Ullmo,  l'activité de l'arpenteur a précédé et généré  le concept de longueur.  La "forme" du cerveau ou d'un  os ne sont  rien  d'autre que la trace pérennie  de l'activité embryonnaire.

 

3)  Pratiquement  aucune  des  "formes"  dont  l'articulation  assure  l'activité  psychique,  ne  sont présentes à la naissance. La seule exception, tout spécialement duite chez l'homme, ne peut concerner que des  "formes"  comportementales  résultant d'une  expérience  vécue  d'interaction  interne  entre  aires cérébrales distinctes (intermodalité).

Ce constat  est  une conséquence logique du mécanisme du veloppement pré-natal.  Le  psychisme, verbal ou non,  ne peut résulter de l'exécution d'un programme prétabli puisque celui-ci n'existe pas.  Les  "formes"  psychiques  doivent  donc  toutes  être  rivées  de  l'exrience. Cela est  tout spécialement  vrai  des  images  parentales  ou  sexuelles,  mais  cela  peut  être  générali  à  toutes  les fonctions ou concepts. Il n'y a pas de "réalité psychique" au sens freudien du terme chez le nouveau-né et  dans les premiers mois. Il ne peut y avoir de fantasmes originaires, archaïques ou relevant d'un système de valeur précédant l'expérience vécue. Il ne peut y avoir un corpus prétabli d'interdits ou de signifiants.

 

Le point est évident et peu discuté en ce qui concerne les formes verbales, en dehors de Lacan. Même M. Klein ou  O.  Rank  qui  ont  postulé une activi psychologique très précoce, nont  affirmé le caractère verbal  de cette activité. H.  Wallon, inspirateur trahi  de Lacan pour lactivité mentale du tout  petit, reporte le début de lactivité verbale à 18/20 mois, reliant ce retard par rapport à la naissance, à labsence initiale  de  myélinisation  des  aires  cérébrales  du  langage,  explication  qui  ne   tient  du  reste   plus aujourd’hui. On peut  remarquer  par ailleurs, que les concepts et les  valeurs  psychologiques  verbales traduisent  pratiquement  toutes  une  relation avec l'environnement  physique ou social, et  ne pourraient donc précéder cette relation que si elles étaient dictées par un programme préalable.

 

Apparaît   ainsi  une  période  d’activité  psychologique  plus  ou  moins  complètement  intériorisée,  se prolongeant de nombreux mois avant le but du langage, et donc sans contenu verbal.

Cette période est marquée chez lenfant :

-     par une riche activi opératoire, lintelligence perceptivo-motrice de Piaget et Wallon

-     par  de  riches  réactions  affectives,  ayant  conduit  Wallon à  parler  d’un stade  émotif s l'âge  de trois mois

-     par une communication interindividuelle non verbale, ts veloppée, portant notamment sur la mélodie du langage.

 

En revanche,  il  nest  pas  possible,  nous l’avons vu  plus  haut,  d’évoquer  des « formes », fantasmes originaires,  archaïques  ou  autre,  catalogue  de  signifiants,  interdits,  relevant  d'un  système  de  valeur précédant l'expérience vécue. Il y a donc là une difficul majeure qu'il convient de dépasser.

Les observations de Harlow chez le jeune macaque, publiées vers 1950, apportent un début de ponse, et  on comprend aiment  qu'elles aient  pu impressionner les psychanalystes anglais, notamment Bowlby et  même Anna Freud. De jeunes macaques, de sexe différent, élevés ensemble depuis la naissance, sans parents et sans  aucun  contact  avec  des animaux  plus âgés,  développent un  riche  système  de  relations socio-affectives, leur permettant de sintégrer immédiatement au groupe social rencont ultérieurement. En  revanche,  le  jeune  macaque  élevé  en  isolement  total  depuis  la  naissance,  présente  des  troubles considérables  et  une  incapacité  totale  et  quasi-définitive  d’intégration  sociale.  Les  jeunes  animaux, mâles ou femelles, élevés au seul contact de leur mère, présentent un tableau intermédiaire, très loin de la norme.

 

 

Ces  observations  prennent  toute  leur  signification  lorsqu'elles  sont  confrontées  à  limpossibilité  de

« formes »   précédant   l’exrience   vécue.   Les   explications   de   comportements   par   l'instinct   ou   la maturation  doivent  rejoindre le rayon des licornes, et laisser place à la construction individuelle. Toute

« forme » cognitive,  toute évaluation affective,  quelles que soient  leur  nature,  résulte d’une acquisition historique individuelle par accumulation des mémorisations de l’activi vécue, où chaque étape est une modification quantitative des transmissions synaptiques.

 

 

-------------------------

 

 

Applications

 

 

a)l'origine de la conscience de soi et de l'autre.

 

Elle doit se construire préalablement à toute représentation du moi, d'un autre et d'une relation entre le moi et un autre. Ce préalable vaut en fait pour toutes les fonctions psychologiques.

Le premier temps de l'activité de la conscience, après la naissance,  est strictement neurologique, ce que Baldwin appelait  la conscience adualistique, ce  qu'Edelman  appelle  aujourd'hui la  conscience  primaire, et qui est seule présente chez l'animal, sauf peut-être chez les grands singes.

La conscience primaire traduit le fait qu'une modification perceptive de l'environnement est reliée par le sujet  à  sa  propre  action  immédiatement  antérieure.  Ce  sujet  peut  donc  attribuer  à  sa  conduite  les modifications  perceptives  qu'il  provoque,  et  analyser  les  effets  de  sa  conduite,  mais  il  le  fait  sans représentation du moi, comme la poule face à un problème de détour.

En  coordonnant   plusieurs  situations,  le  sujet   dont   l'organisation   neurologique  est  suffisamment puissante, finit cependant par opposer :

-l'ensemble des modifications d'environnement qui suivent une action de sa part, c'est l'origine du moi

-l'ensemble  des modifications qui  surviennent  indépendamment de son action, c'est l'origine du non moi.

Parallèlement,  s'est  préci l'isolement  de l'objet,  d'une  fon  différente de  ce  qu'avait pressenti  Jean Piaget.   L'indépendance  de  l'objet  vis  à  vis  des  actions  et  de  l'environnement  est  pratiquement immédiate  à  la  naissance,  assurée  comme  je  le  dis  ailleurs,  par  les  fonctions  perceptives  innées, visuelles,  auditives  et  olfactives.  La  permanence  de  l'objet   s'établit   progressivement   à  partir  de deux/trois mois, même si elle n'est complète que vers 10 mois.

Ainsi se font les constructions qui permettent finalement le sens de l'autre, et donc la genèse d'une image parentale.  Celle-ci  est  ensuite  qualifiée,  non  pas  selon  des  directions  pré-établies,  mais  à  partir  des propres  évaluations  de  l'enfant,  et  formées  selon  son  propre  système  de  valeur.  L'évolution  se  fait spontanément  sur  le plan  de la fonction, donc    indépendamment  du type de vécu, mais les  valeurs


particulières rencontrées sont  intégrées.  Il n'y a  absolument aucune indication d'une  différence  sexuelle initiale des images parentales, et  l'éthologie apporterait  plutôt  l'image du contraire, notamment dans la rupture de l'empreinte chez l'oiseau coureur.

Remarque : un «sentiment » durable vis à vis d’un autre, ne peut pas s’établir avant la conscience du soi et de lautre, cest à dire avant quatre ou cinq mois post-natals.

 

 

b)la construction des images parentales est progressive :

 

 

-la reconnaissance des particularités perceptivesbute quelques jours après la naissance

-les réactions spécifiques à la vue des étrangers culminent à cinq mois, ce qui montre la prédominance encore  à cet âge des aspects purement perceptifs des images parentales

-le    stade émotif  de Wallon, entre trois et  six mois,    traduit  une évolution capitale :   l'enfant attend quelque chose de son entourage. Donc certains objets du non-moi sont en train de devenir des personnes avec qui avoir des relations, sans spécifici de sexe mais à partir de l'intérêt.

-le chiffre de huit  mois donné par le psychanalyste René Spitz pour l'apparition  de  l'image  maternelle, est en quelque sorte une bonne moyenne.

-c'est  la disparition  possible du deuil  de séparation  vers dix  mois qui  traduit  l'ultime proprié de  la permanence des parents en l'absence de toute perception.

 

 

c) le développement du langage.

 

Sa construction bute dès la naissance à partir de fonctions perceptives innées, mais jusqu'à vingt mois, seule est prise en compte la musique du parlé. Le jargon de l'enfant de huit mois est une tentative de communication par la mélodie,  dans  laquelle il  est possible de  reconnaître une imitation  de structure, comme le montre l'étude des nourrissons dans les milieux bilingues.

Les  premiers  mots  du  langage,  passés  18  mois,  décrivent  une "forme"  initialement non  verbale, perceptivo-motrice, de  l'environnement, construite  antérieurement. L'enfant dit  "ouah-ouah"  devant  la simple image d'un chien.  Il n'y a pas de concepts a priori. C'est l'usage du langage qui crée ensuite de nouveaux concepts, et surtout, rend ouvert aux concepts proposés par l'entourage social, tout cela à partir d’un  propre  système  d'évaluation.  "Les  êtres  abstraits  n'existent  pas,  il  y  a  seulement  des  activités d'abstraction auxquelles on accroche un mot (Korzybski)".

Il y a là une conclusion manifeste, bien que difficile et rarement acceptée : "Personne ne croit plus aux

"idées" de Platon, mais cette mythologie intellectuelle a pris rang dans les moyens de pensée de tout le monde  (P.  Valéry)".  Je paraphraserais volontiers P. Valéry  en  disant  que personne ne croit vraiment  aux fantasmes originaires ou à la préexistence des signifiants en tant  que tels, mais que cette mythologie intellectuelle a pris rang dans les moyens de pensée de beaucoup.

 

 

La construction du langage associe plusieurs mécanismes :

 

-la catégorisation, appelée abstraction par Korzybski,   basée sur une ressemblance perceptive. La vue de plusieurs chiens distincts conduit à un schème unifiant non verbal, de chien. La catégorisation verbale des actions (trois ans) est plus tardive que celle des objets (deux ans) dans le test de Dague et Léger.

 

-l'association arbitraire mais principalement empruntée à l'entourage social entre un schème auditif et un schème visuel, selon les critères de l'enfant. L'analyse du sens du mot "mensonge" pour l'enfant de 4/5 ans est particulièrement monstrative (Piaget).

 

-l'indépendance  et  la  permanence  des  schèmes  ainsi  formés  permettent  l'articulation  de  la  phrase  et l'apparition de mots de plus en plus abstraits, ainsi que l'oubli de l'origine des mots. Le discours acquière alors une indépendance qui explique l'acceptation implicite  d'une  existence ontologique des "idées", au sens platonicien du terme.

 

Le  retour  aux  sources, pourtant indispensable, est le stade ultime d'une  bonne pratique  du  langage, malheureusement  bien  rarement  rencontré.  Le  langage  n'est  rien  de  plus  qu'un  code  arbitraire  qui


transforme des données non  verbales  à  fin  de transmission  et de  communication.  Il  ne  prend  de sens qu'en  retournant ensuite  à  des  données  non  verbales. "Le rôle du langage est essentiel, mais il  est transitif, c'est à dire qu'on ne peut s'y arrêter. Tout finalement doit pouvoir se réduire en ceci que je touche du doigt en prononçant un mot, en cela que je fais ou mime en prononçant un mot (P. Valéry)".  Il  faudrait  ajouter  "en cela que fait  ce que je touche du doigt  en  prononçant  des  mots".(je touche la cloche qui sonne).

Le discours est un code commode mais il n'a pas de réali propre en dehors de cela.

 

 

d) les capacités de perception.

 

Elles sont  immédiates, reposant  sur des mécanismes innés. Seule la  "prématurité"  de  l'enfant humain explique un retard à la naissance par rapport au macaque. La qualité de perception innée explique que le nouveau-né de quelques jours, peut tirer la langue par imitation, sans intention agressive bien sûr. C'est la grande correction à apporter aux descriptions de Piaget concernant le très jeune nourrisson.

 

 

e) la question des significations.

 

Il  n'y  a pas d'informations, pas de  significations  qui aient une  valeur "en soi", une valeur ontologique disent les philosophes. L'affirmation de Saussure, "les mots n'ont pas de sens, ils n'ont que des emplois", vaut  autant  pour  les  signifiants  que  pour  les  signifiés,  ce  qui  justifie  paradoxalement  l'autonomie lacanienne du signifiant par rapport  au signifié. En  revanche,  Lacan commet une grave erreur lorsqu'il tente  d'affirmer  que  le  signifiant  précède  à  la  fois  le  signifié  et  le  sujet  humain  (P.  Guyomard, E.U.S.H.14, pg 2639b). Il s'agit d'un retour totalement gratuit à une variété de réalisme platonicien, avec toutes  les  difficultés  inhérentes,  un  choix  dualiste,  et   donc  une  opposition  de  fond  à  l'approche neuropsychologique.

En   fait,   la   férence   primaire   des   significations   de   chacun   est   à   trouver   dans   l'enveloppe comportementale non verbale de chacun. La concordance interindividuelle entre signifiants comme entre signifiés, doit  être apprise, au même titre que les signifiants et les signifiés eux-mêmes.  Elle  repose  à l'origine sur la communauté des organisations neurologiques, ensuite sur la communau des expériences physiques et  sociales. Le grand intérêt  des études de Lacan est  d'avoir souligné  que, sauf chez le  très jeune enfant,  la communication  interindividuelle bute souvent par une tentative de  compréhension d'un   signifiant   nouveau,   appris   par   c°ur   sans   élaboration   correcte   du   signifié   correspondant. L'incompréhension  interindividuelle  trouve  alors  souvent  son  origine  dans  le  fait  que  les  individus placent un signifié différent derrière un même signifiant. Le "bon mot" de l'enfant de quatre ans, qui fait rire, est en fait lié à une erreur dans la transcription signifiant/signifié.

 

Au  total,  l'étude  du  veloppement   précoce  fournit   une  solide  argumentation   en   faveur  d'un constructivisme radical et d'une intelligence perceptivo-motrice sans langage,  précédant  ce dernier, et expliquant le passage de l'organisation neurologique innée à l'organisation psychologique parlée.

La lon essentielle à tirer du veloppement embryonnaire vient du fait que l'°uf se fait seul  nouveau- né, avec un cerveau dépourvu de significations a priori, mais doté d'extraordinaires outils de perception immédiate, et  d'une conscience primaire.  Le chemin  parcouru avant la  naissance  est largement aussi important  que celui  qui  suit, et  qui, partant  du nouveau-né, parvient  à l'apparition  du psychisme et à l'intégration du milieu social  rencont,  marquant  le développement ultérieur de  l'enfant. Il  n'est donc nullement   absurde  de   considérer   que  l'enfant  lui-même  est  le  véritable  maître  d'°uvre  de   son épanouissement.

 

 

-----------------

 

 

Aperçu sur le veloppement post-natal

 

 

Oublions un instant qu'il existe un chevauchement durant quelques  mois entre le développement de type embryonnaire  cent  sur  les  interactions  entre  différentes  régions  cérébrales,  et  le  veloppement


authentiquement post-natal cent sur les interactions entre l'individu et son environnement. Envisageons une frontière nette.

 

A)Le   développement    physique   post-natal    est   marqué   par   une   influence   très   limitée   de l'environnement,  ce  qui  est  souligné  notamment  par  le  fait  qu'entre  la  naissance  et  deux  ans,  le nourrisson  rattrape  la  taille  imposée  par  ses  nes  et  fait  disparaître  les  effets  maternels  durant  la grossesse. Au Japon, les effets de la sous-alimentation dans les années d'après-guerre, ont été compensés par la suite. De même, la terrible famine qu'ont connue les grandes villes des Pays Bas en 1944/45, ont provoqué une forte chute du poids à la naissance, qui a été totalement compensée par la suite.

 

 

On peut relever deux facteurs de croissance, conciliables avec le veloppement autonome :

1)une   multiplication   anarchique,   donc   non   programmée,   des   cellules   cartilagineuses   agissant notamment sur la longueur des os longs. L'exercice musculaire crée et maintient la "forme" osseuse. La croissance musculaire "suit" automatiquement la croissance osseuse (J.C. Tabary).

2)une reprise du développement nital vers 9/10 ans, arrêté temporairement à la naissance. Il y a une interaction manifeste entre ces deux veloppements.

 

B)Le développement psychologique:  C'est  avant  tout  une  spécialisation du fonctionnement rébral, selon le milieu physique et social rencontré. Certains potentiels innés sont définitivement altérés, comme par exemple l'analyse phonétique des langues non entendues, cela au profit de la ou des langues usuelles, dont l'analyse est considérablement améliorée.

Les unités comportementales lectionnées (les "schèmes" piagétiens), initialement reconstituées en situation,  deviennent à l'usage répété, de plus en plus indépendants des situations, et de plus en plus permanents, en l'absence de ces situations. Ils deviennent alors mobiles, et peuvent s’articuler entre eux.

 

Larticulation des schèmes  fait apparaître, étape après étape, un authentique nouveau. L'articulation d'un schème-image et d'un schème-action permet l'activi intérieure que nous appelons pensée, et qui précède le langage. L'articulation entre un schème-image auditif et un schème comportemental non

auditif ouvre au langage, vers 20 mois.  ( en moyenne, 22 mots  compris à 18 mois, 118 à 21 mois, 272 à

24 mois, 446 à 30 mois. (Heath 1932). L'apparition du langage ouvre à son tour des dimensions nouvelles, celle du dialogue avec l'autre et avec la culture du groupe, et celle des stades de la structuration logique.

Parallèlement s'installe le réalisme naïf, par oubli de l'origine des schèmes. Des schèmes non personnellement acquis par expérience personnelle, peuvent être directement intégrés avec les avantages et les dangers qui en résultent. Le psychisme est donc une manière de fonctionner du cerveau, de l'organisation neurologique initiale, mais qui a acquis son autonomie par rapport aux modes initiaux de fonctionnement.

 

Le départ : il ne peut y avoir avant expérience, aucune valeur concernant un point d'environnement, aucun concept qui ne dérive d'une activi perceptivo-motrice ou de concepts antérieurs. Tout doit être rivé de l'exrience.

 

 

Le but : une meilleure adaptation à l'environnement effectivement rencontré.

 

Le mécanisme : la mémorisation des adaptations nouvelles réussies. C'est l'abstraction fléchissante, et c'est donc la mémoire qui recrée à nouveau les données culturelles psychiques chez chaque individu. Cest le time-binding de Korzybski, portant tout autant sur les données positives que sur les données imbéciles (Bachelard)

 

La relative autonomie : elle est soulignée par l'immense travail de Defries dans le Colorado Project portant sur les enfants adoptés, finitivement séparés de leurs parents biologiques depuis les deux premiers jours de la vie. Un lien de leurs capacités cognitives avec celui de leurs parents,  est sensiblement égal à quatre ans avec les parents biologiques et les parents adoptants. Ce lien va ensuite


aller en décroissant avec les parents adoptants, croissant avec les parents biologiques, jusqu'à atteindre à 20 ans entre enfants adoptés et parents biologiques, la même intensité qu'entre parents biologiques et leurs propres enfants qu'ils ont élevés.

 

 

---------------