Ce quĠaiment les hommes, ce que tu aimes, ce nĠest pas conna”tre, ce nĠest pas savoir, : cĠest osciller entre deux vŽritŽs ou deux mensonges.

 

                                                 Jean Giraudoux

 

 

Depuis une dizaine dĠannŽes, et la retraite de mes autres activitŽs, je me suis consacrŽ ˆ lĠexpertise psychiatrique, notamment celle de la responsabilitŽ pŽnale.

Ds quĠau dŽbut de mon internat, jĠai pensŽ mĠorienter vers la neurologie et la psychiatrie, jĠai estimŽ indispensable dĠacquŽrir une formation conjointe en psychologie et en neuro-psycho-physiologie. Ce que jĠai fait en France et ˆ lĠŽtranger. Cela a profondŽment marquŽ mon approche professionnelle.

Cela, associŽ ˆ lĠexpŽrience de lĠexpertise pŽnale durant une vingtaine dĠannŽes, me conduit ˆ quelques  rŽflexions que je souhaite proposer.

 

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ResponsabilitŽ pŽnale et expertise psychiatrique

 

Au cÏur de l'expertise psychiatrique d'un mis en cause, il y a une Žvaluation de sa responsabilitŽ pŽnale, comme au cÏur de l'examen mŽdico-psychologique d'une victime ayant portŽ plainte, il y a une Žvaluation de sa crŽdibilitŽ.

 

En dernier ressort, c'est le magistrat qui dŽcide, et l'expert n'est chargŽ que de fournir les ŽlŽments aussi objectifs que possible, pour orienter la dŽcision.

Il me semble alors que l'expert est tenu, non seulement d'exposer ses conclusions, mais Žgalement dĠindiquer les critres  sur lesquels il s'est appuyŽ pour Žtablir ces conclusions, ce que je fais ici.

 

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La notion mme de responsabilitŽ pŽnale prte beaucoup plus ˆ discussion qu'on ne le croit gŽnŽralement. Mon ami Pierre Chabran, ancien prŽsident de Cour  de Cassation, rŽcemment dŽcŽdŽ, pensait mme qu'il est vain de pouvoir dŽterminer une responsabilitŽ pŽnale, et que la justice doit surtout se soucier de protŽger la sociŽtŽ en gŽnŽral, et les particuliers qui la composent. Cette opinion qui traduit une rŽserve sur la validitŽ de lĠexpertise, est, ˆ mon avis, abusive, mais en partie justifiŽe, pose problme, et souligne ˆ quel point, la dŽtermination de la responsabilitŽ pŽnale Ç vraie È est dŽlicate pour qui veut bien y rŽflŽchir.

 

En premier lieu, il y a nŽcessairement, dans le travail de lĠexpert, des points de dŽpart implicites qui relvent en grande partie d'un choix personnel, dont lĠexpert nĠest pas toujours conscient quĠil a fait un choix. Ce choix repose sur des donnŽes beaucoup plus gŽnŽrales que la psychiatrie elle-mme,  qui devraient faire partie du bagage de Ç lĠhonnte homme È actuel. Les consŽquences sont lourdes car elles dŽterminent lĠexistence de plusieurs Žcoles qui peuvent aboutir dans un cas particulier, ˆ des conclusions trs diffŽrentes, voire mme opposŽes.

 

Il y  principalement un choix ˆ faire entre trois options :

 

- selon une premire option, il y aurait un systme de rŽfŽrence inhŽrent ˆ la nature humaine, qui rglerait de faon fortement dŽterminŽe et universelle, les aspects principaux de tous les rapports sociaux, notamment les rapports ˆ consonance parentale ou sexuelle. C'est la position adoptŽe le plus souvent aujourdĠhui en France par les psychiatres et les psychologues, qui s'accordent, en plus, une capacitŽ d'interprŽtation des comportements qu'ils seraient seuls ˆ possŽder, parce quĠeux seuls connaitraient les rgles.

 

- selon une seconde option, une place de choix est accordŽe ˆ un dŽterminisme social, tel que l'envisageaient les Žcoles amŽricaines ou russes, issues du pavlovisme, et qui a ŽtŽ reprise plus rŽcemment en France par Pierre Bourdieu. Les dŽcisions prises par un individu le sont  en fonction des habitudes qu'il a contractŽes, selon le principe dĠun conditionnement, avec une forte dŽtermination par le milieu familial. Toute diffŽrence constitutionnelle est rŽcusŽe.

 

- selon une troisime option, de vŽritables capacitŽs d'autonomie sont accordŽes ˆ l'individu, ce qui le rend en partie du moins, indŽpendant des influences sociales prŽsentes. Ces capacitŽs d'autonomie ne sont pas Žgales pour tous, et on est conduit ˆ reconna”tre lĠimportance dĠune variance de personnalitŽ.

 

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Analyse critique dĠun systme naturel de rŽfŽrence, prŽcŽdent lĠexpŽrience :

 

Ce systme suppose que les individus naissent tous psychologiquement organisŽs, et Žquivalents en dehors d'un nombre trs limitŽ de cas marquŽs par une grave pathologie cŽrŽbrale,  dont les limites sont en fait assez floues.

 

Le type mme de cette approche  est la conception psychanalytique, formulŽe initialement par Freud, et reprise plus rŽcemment en France par Jacques Lacan. Ce dernier a du reste reconnu peu de temps avant sa mort, qu'il s'agissait d'une escroquerie.

De prs ou de loin, il est fait rŽfŽrence ˆ des relations avec le milieu extŽrieur, principalement socio-affectif, qui sont dŽterminŽes, au moins en partie, par des rgles de fonctionnement  prŽcdant le vŽcu, et le primant de ce fait.

Par ailleurs, il est accordŽ aux symboles et au mot, une valeur Ç en soi È, ce qui rejoint implicitement le rŽalisme platonicien.

 

En fait, comme Marcel Gauchet lĠa bien montrŽ (LĠInconscient CŽrŽbral), il nĠy a aucune originalitŽ dans lĠapproche psychanalytique, mais un choix de supposŽs implicites bien individualisŽs avant Freud, et trs marquŽs par les processus de pensŽe de 1895. Or tous ces supposŽs implicites sont condamnŽs aujourdĠhui par les progrs des neurosciences depuis une cinquantaine d'annŽes. Le maintien dĠune cohŽrence exigerait alors le recours ˆ un dualisme corps/esprit, implicite ou explicite,  avec toutes les difficultŽs que cela entra”nerait.

 

Trois points critiques essentiels devraient tre opposŽs ˆ lĠidŽe dĠun systme de rŽfŽrence prŽcŽdant lĠexpŽrience :

 

-l'inconscient existe bien, mais il est initialement vide de tout contenu, et il est privŽ de toute possibilitŽ de dŽcision et de fixation mnŽsique.

 

Il faut lire, ˆ ce propos, "Le Nouvel Inconscient" de Lionel Naccache, ancien Žlve de lĠEcole Normale SupŽrieure, chercheur au CNRS, qui mŽriterait dĠtre beaucoup plus connu et reconnu quĠil ne lĠest.

 

-le contenu d'information des gnes est infiniment plus rŽduit que ne le pensait Freud,

 

Il est trs diffŽrent de ce que supposait initialement la science de la GŽnŽtique, dans la suite de Mendel. Le lien entre un gne dŽterminŽ et un caractre de lĠindividu achevŽ, appara”t aujourdĠhui infiniment plus complexe quĠil ne lĠŽtait pour Freud, dans la suite du seul Mendel.

 

Ds 1964, alors que la nature des gnes commenait tout juste ˆ tre prŽcisŽe, le grand embryologiste anglais Waddincton dŽclarait quĠun systme prŽdŽterminŽ dans lĠA.D.N. Žtait inacceptable pour lĠembryologie

 

(A titre dĠexemple particulirement significatif, vers lĠannŽe 2000, il a pu tre dŽmontrŽ que le gne FoxP2 avait des consŽquences incalculables sur lĠaptitude au langage de lĠhomme, du grand singe et des autres animaux. Une variation portant sur un ou deux acides aminŽs de ce gne, a des effets dramatiques, et pourtant, le gne lui-mme nĠa absolument aucun contenu sŽmantique propre, sous aucune forme. Lire sur le WEB : Des gnes nŽcessaires ˆ la parole.)

 

En 2007,  James Watson, lĠun des deux dŽcouvreurs de la structure linŽaire de lĠADN, Žcrivait : Ç Ce sont les diffŽrences dans les rŽgulations aprs coup, bien plus que lĠidentitŽ des gnes dans un gŽnome, qui dŽterminent le phŽnotype. È  Ce nĠŽtait pas des paroles en lĠair quand il est bien Žtabli aujourdĠhui que le gŽnome de la mouche du vinaigre et celui de lĠhomme sont de taille voisine et ont environ la moitiŽ de leurs gnes en commun. La similitude serait encore beaucoup plus proche si la comparaison Žtait faite sur les seuls gnes de structure, en excluant justement les gnes de rŽgulation. [1]

 

En fait, aucune des Ç formes È ŽlaborŽes caractŽrisant la nature humaine et son fonctionnement, ne sont prŽsentes dans lĠÏuf humain.

Ces Ç formes È apparaissent toutes secondairement durant le dŽveloppement prŽ-natal, et sont le rŽsultat dĠune Ç histoire È figeant une dynamique totalement interne, durant ce dŽveloppement.

 

a)cette dynamique se dŽroule ˆ lĠabri du monde extŽrieur et ne peut donc introduire secondairement  aucune Ç forme È de ce monde extŽrieur.

 

b)cette dynamique est comparable ˆ celle dĠun encha”nement de thŽormes gŽomŽtriques, o chacun est rendu nŽcessaire par lĠensemble des prŽcŽdents, sans tre contenu dans des axiomes de dŽpart (Waddington citŽ par Piaget, 1964).

 

-le cerveau ˆ la naissance est nŽcessairement vide de toute signification concernant l'environnement physique et social.

 

Le contenu des gnes Žtant ce quĠil est, il ne peut en tre autrement. En revanche, ce cerveau ˆ la naissance est admirablement construit, et prt ˆ rapidement tirer partie de toutes les expŽriences. Une comparaison peut tre faite avec l'ordinateur sorti d'usine ˆ Taiwan, et qui n'a mme pas encore reu de systme d'exploitation, Windows ou autres.

 

-les notions dĠinstinct, de conditionnement, dĠinconscient et de conscient, qui, ˆ la grande Žpoque de Freud Žtaient considŽrŽes en contradiction, sont vues aujourdĠhui comme diffŽrentes facettes agissant en synergie pour effectuer ou expliquer le comportement.

 

LĠŽthologie, notamment, ne peut Žvacuer tous les aspects de Ç conscience È, au moins rudimentaires.

 

Cette rŽcusation des points de vue qui constituent la base de la conception psychanalytique a de trs lourdes consŽquences sur lĠexpertise. La psychanalyse Žtait la seule conception proposant un systme de rŽfŽrence, avant et en dehors du vŽcu, le prŽcŽdant, acceptant donc implicitement ce quĠil est convenu dĠappeler un rŽalisme platonicien, cĠest ˆ dire une existence Ç en soi È des concepts, des symboles, des jeux de mots, des orientations comportementales Ç originaires È, indŽpendamment dĠune construction personnelle, directe ou transmise par lĠentourage.

 

 La rŽcusation de la psychanalyse conduit ˆ constater quĠil nĠy a en fait aucun systme de rŽfŽrence pour expliquer le comportement. Dans la recherche dĠune Ç vŽritŽ È, lĠexpert ne dispose donc aucunement dĠune supŽrioritŽ vis ˆ vis de lĠenqute policire. Il est mme beaucoup moins bien placŽ pour lĠaccs auprs des tiers qui permettent les recoupements.

 

Les donnŽes qui condamnent une rŽfŽrence prŽcŽdant lĠexpŽrience, condamnent du mme coup, toutes les formes de rŽalisme platonicien,  ˆ peine mises au gožt du jour, qui faisaient les dŽlices de GrŽgory Bateson dans Ç La Nature et la PensŽe È, et plus encore ceux de Jacques Lacan dans toute son oeuvre

 

 En fait, ce sont toutes les  approches de type psychanalytique, reposant sur un rŽalisme mŽtaphysique implicite ou explicite, qui se trouvent rŽcusŽes sur le plan scientifique : lĠinconscient collectif, les fantasmes originaires et leur dynamique, les jeux de mots de portŽe universelle Žmerveillant les gogos comme Ç jĠouie sens È pour jouissance, les lapsus significatifs, le symbolisme sexuel freudien, lĠinconscient langagier de Lacan. Ds lors, une approche acceptant des significations sur lĠenvironnement, prŽcŽdant et rŽgulant dĠemblŽe  la relation avec lĠenvironnement, se trouve ramenŽe sur le plan spŽcifique de lĠexpertise, ˆ une nouvelle forme dĠart divinatoire. Il y a les mmes motivations dĠargent et de puissance. Mise part lĠaspect trs positif de la relation humaine, la validitŽ nĠest pas plus ŽlevŽe que celle de lĠastrologie qui a pour elle, lĠavantage dĠune durŽe de vie dĠau moins 5000 ans. Mme les haruspices ont eu sept sicles de succs.

 

La seule dŽfense thŽorique possible de ces approches, serait lĠadoption dĠun dualisme corps/esprit, ce qui est tout ˆ fait acceptable dans une approche mŽtaphysique, mais pas dans une approche scientifique et mŽdicale. Ce dualisme fait appara”tre dĠautres problmes insolubles.

 

Au total, sans mme se soucier de rechercher Ç la tortue du bas È, reprŽsentant de faon imagŽe, les bases de la connaissance, cette approche acceptant un systme naturel de rŽfŽrence  prŽcŽdant lĠexpŽrience, a de graves inconvŽnients :

 

-il y a en quelque sorte, une condamnation dĠune Žvaluation de responsabilitŽ pŽnale puisque le mis en cause est censŽ avoir eu une orientation comportementale dŽterminŽe. Les conclusions de lĠexpert sur la responsabilitŽ, sont donc un leurre.

 

-tout critre de distinction entre les effets constitutionnels et les effets environnementaux dispara”t. La simple affirmation quĠil faut reconna”tre parfois malgrŽ tout, des facteurs constitutionnels comme dans la dŽbilitŽ qui marque la trisomie 21, revient ˆ expliquer ˆ la faon du mŽdecin de Molire, Ç pourquoi votre fille est muette È.

 

La question de lĠexistence ou non dĠun systme naturel de rŽfŽrence, prŽcŽdant lĠexpŽrience, est donc absolument cruciale. Elle relve de la culture gŽnŽrale de Ç lĠhonnte homme È dĠaujourdĠhui, une culture plus scientifique sur la nature du fonctionnement psychologique humain, quĠelle ne lĠŽtait au XVIIme sicle. Une rŽponse ˆ cette question devrait tre un prŽalable pour tous, et plus encore pour quiconque pense pouvoir aborder le sujet de la responsabilitŽ pŽnale. En revanche, ce sujet devrait laisser totalement ouvert toute approche mŽtaphysique, religieuse ou non.

 

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Analyse critique du conditionnement social:

 

Ds 1937, Lorenz montrait que les thŽories du conditionnement ne permettaient mme pas de prŽvoir le comportement ŽlŽmentaire du rat blanc en laboratoire, ˆ plus forte raison les comportements complexes dans un milieu ouvert. Il ouvrait la possibilitŽ de dŽterminants comportementaux innŽs, de faon abusive du reste.

 

En fait, il est bien Žtabli aujourdĠhui, sur le plan de l'Žthologie, quĠun organisme aussi simple que la mouche du vinaigre, apprend ˆ Žviter tout ce qui est de couleur bleu, aprs un choc douloureux unique dans une ambiance bleue, ce qui Žlimine totalement la gŽnŽralisation du conditionnement par rŽpŽtition, seul moyen de faire l'impasse d'un vŽritable "jugement" lors de la rencontre avec un stimulus. Ce cas extrme est particulirement parlant, mais il nĠest quĠun exemple. Depuis 1950, une conscience qui juge et dŽcide, est devenue une pice centrale et maitresse dans lĠexplication Žthologique chez lĠanimal.

 

            Pierre Bourdieu basait ses idŽes sur une extrapolation injustifiŽe de points de vue statistiques. Un garon nŽ dans une famille de cadre supŽrieur habitant Neuilly sur Seine, a effectivement beaucoup plus de chance de finir ˆ Polytechnique qu'un garon nŽ ˆ Sarcelles dans un milieu ouvrier immigrant. Ce faisant, Pierre Bourdieu simplifiait outrageusement la question. Il y a des garons nŽs ˆ Sarcelles dans des familles modestes qui finissent dans une grande Žcole. Il y en a mme plus dans les familles maghrŽbines que dans les familles mŽtropolitaines de mme classe sociale. Les exemples sont trs nombreux, d'individus partis de rien et parvenus au plus haut, sur le plan politique comme Suger ou le pape Jules II, sur le plan scientifique comme d'Alembert, Gauss ou Wernicke.

 

Pierre Bourdieu nŽgligeait totalement la migration sŽlective qui explique que la rŽussite sociale est sanctionnŽe par une tendance au dŽmŽnagement ˆ Neuilly ou au dŽpart de Sarcelles, quĠinversement, lĠŽchec social a une tendance ˆ entrainer le dŽpart de Neuilly et lĠarrivŽe ˆ Sarcelles.

Il existe en fait de nombreux cas de dŽbilitŽ absolument inexpliquŽs ˆ Neuilly. du reste particulirement douloureux pour les familles.

Ds 1971, J. Waller prouvait dans une Žtude remarquable, le changement de milieu social des fils dont lĠintelligence sĠŽcartait franchement de celle de leurs pres, ce qui est un fait trs courant et trs significatif.

 

Seule la France conserve encore de nombreux disciples de Jean-Jacques Rousseau qui avait certainement raison de rŽdiger ˆ son Žpoque, "Le discours sur les origines de l'inŽgalitŽ", mais beaucoup moins ˆ la n™tre.

 

Lˆ encore, sans mme se soucier de rechercher Ç la tortue du bas È, cette approche prŽsente les mmes inconvŽnients que la prŽcŽdente :

-il y a en quelque sorte, une condamnation dĠune Žvaluation de responsabilitŽ pŽnale puisque le mis en cause est censŽ avoir eu une orientation comportementale dŽterminŽe par son milieu. Les conclusions de lĠexpert sont donc ˆ nouveau un leurre.

-tout critre de distinction entre les effets constitutionnels et les effets environnementaux dispara”t autant que dans lĠoption prŽcŽdente.

Franois Jacob qui, ignorant le premier mot du constructivisme radical, ne voyait pas comment un examen de quelques dizaines de minutes, pouvait prŽciser une efficience intellectuelle chez un enfant, reconna”t cependant, dans Ç Le jeu du possible È que la variance gŽnŽtique de lĠintelligence est trs vraisemblable.

 

La remise en cause de ces deux premires approches, rŽcusant toute forme de dŽterminisme, bouleverse compltement lĠapproche de lĠexpertise pŽnale. Toute Ç interprŽtation È devient suspecte.

La portŽe de conclusions issues de lĠanalyse du vŽcu particulier antŽrieur du mis en cause et du contexte, se trouve considŽrablement rŽduite.

 

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Analyse critique de l'autonomie :

 

L'inconsistance des deux approches prŽcŽdentes conduit inŽvitablement ˆ admettre un minimum d'autonomie dans le comportement individuel, justifiant donc la notion de responsabilitŽ pŽnale. Ce n'est pas pour autant que les liens entre autonomie et responsabilitŽ sont Žvidents et univoques. Une chose est certaine, cĠest que lĠabandon du dŽterminisme, biologique ou social, et lĠacceptation dĠune authentique autonomie, compliquent considŽrablement lĠanalyse du comportement individuel, et limitent du mme coup, la portŽe dĠune Žvaluation expertale.

 

Pierre Vendrys a remarquablement ŽtudiŽ la notion de libre arbitre dans le cadre de lĠautonomie. LĠautonomie, dit-il, cĠest la capacitŽ de nĠobŽir quĠˆ ses propres lois, et le libre arbitre, prŽsent chez lĠanimal,  traduit cette capacitŽ. De ce fait deux temps sont ˆ considŽrer :

 

-       le premier est celui de la capacitŽ ˆ intŽgrer des lois comportementales internes, base notamment de la morale, ce qui implique en particulier lĠefficience intellectuelle et un Žquilibre psychologique

 

-       le second est le fait dĠavoir effectivement suivi ce qui dŽcoulait de la rŽflexion.  Celle-ci confronte certaines de ces lois et aboutit ˆ une dŽcision morale ou immorale en connaissance de cause ; cĠest lˆ que devrait rŽsidŽ le vŽritable facteur de responsabilitŽ pŽnale. Le choix entre deux possibilitŽs comportementales, comme par exemple la sincŽritŽ et le mensonge, est donc le rŽsultat dĠune vŽritable dŽcision personnelle selon des lois propres, ˆ partir de motifs propres, et non dŽterminŽ par des principes universels.[2]

 

Il y a donc un lien trs Žtroit entre la responsabilitŽ pŽnale et une Ç capacitŽ È dĠautonomie. Cette capacitŽ est liŽe ˆ lĠ‰ge, ˆ lĠefficience intellectuelle, mais, de plus, elle peut tre altŽrŽe par un trouble mental, et cĠest essentiellement lˆ quĠintervient le psychiatre.

 

Cette approche, la seule cohŽrente ˆ mon avis, fait appara”tre des difficultŽs techniques. Elle rend habituellement trs difficile la dŽtection du mensonge ˆ partir de la seule analyse dĠun premier discours, fait par une personne intelligente qui a pu bŽnŽficier de temps et de rŽflexions pour construire son mensonge.

 

La confrontation des discours, donnŽ par un mme individu et surtout par des tiers, peut faire appara”tre de prŽcieuses contradictions, mais lĠexpert psychiatre ne peut se targuer dĠaucune supŽrioritŽ par rapport ˆ tout enquteur expŽrimentŽ.

 

Il faut souligner quĠil y a une forte concordance entre lĠautonomie et le constructivisme radical qui affirme que chaque individu se fait psychologiquement lui-mme ˆ partir de zŽro sur le plan des significations. LĠenfant dŽveloppe une personnalitŽ en accumulant des dŽcisions concluant les relations avec lĠenvironnement qui ont posŽ problme. CĠest Ç lĠabstraction rŽflŽchissante È dŽcrite par Jean Piaget, qui, contrairement ˆ la psychanalyse, reoit un appui croissant des neurosciences.

 Il est maintenant bien admis que toute modification durable de lĠorganisation cŽrŽbrale, sauf peut-tre et encore, les conduites trs fortement rŽpŽtitives, passent par une analyse et une dŽcision conscientes.

 

 

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Devant un choix qui devrait sĠimposer, la solution la plus frŽquemment adoptŽe par les experts, est de ne pas faire de choix, mais dĠÇ osciller ˆ la demande, entre deux vŽritŽs ou deux mensonges È (Jean Giraudoux). Le moins quĠon puisse dire est quĠune telle attitude pour un expert, nĠest ni trs honnte, ni trs scientifique.

 

Je pense quĠaucune activitŽ expertale en matire de responsabilitŽ pŽnale, aucune interprŽtation dĠexpertise en responsabilitŽ pŽnale, ne devrait tre conduites avant que ne soient approndies au mieux, et indiquŽes, les raisons dĠun choix entre les trois options exposŽes.

 

Le choix ne peut tre justifiŽ quĠaprs saturation des connaissances nouvellement acquises en neuro-sciences. Le choix doit tre communiquŽ en mme temps que lĠexpertise.

 

Mon choix personnel de la troisime option me semble trs solidement argumentŽ, et je souhaite dŽvelopper ses consŽquences.

 

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            Parmi les facteurs dŽterminant un degrŽ d'autonomie, et ds lors que la situation nĠest pas celle dĠune abolition plus ou moins Žvidente du discernement, un seul est manifeste et facilement mesurable, l'efficience intellectuelle.

 

Aucune Žchelle dĠintensitŽ de la pression de la pulsion sexuelle nĠa ŽtŽ Žtablie. Le seul moyen dĠŽvaluation dĠune tendance de caractre autre que lĠintelligence, et du mme coup, un  dŽsordre de personnalitŽ, est le Ç questionnaire È dont les rŽponses en situation dĠŽvaluation de responsabilitŽ pŽnale, sont facilement faussŽes.

 

L'efficience intellectuelle :

 

A c™tŽ de lĠexpŽrience, la capacitŽ intellectuelle joue un r™le majeur dans lĠŽvaluation anticipŽe des comportements. DĠaprs les travaux de Cattell, seule la dimension de forte empathie au p™le positif, de manque dĠempathie au p™le nŽgatif, est dĠimportance comparable.

 

Quelques points peuvent tre soulignŽs :

 

1)La capacitŽ intellectuelle est de distribution gaussienne, les individus moyens Žtant les plus nombreux. Le pourcentage se situant en dessous ou en dessus de la moyenne, diminue dĠautant plus lorsqu'on s'Žloigne de la moyenne. Il y a longtemps quĠil a ŽtŽ observŽ que la capacitŽ intellectuelle des dŽlinquants se situait en moyenne, assez nettement en dessous de la moyenne gŽnŽrale, le plus souvent proche de -1 Žcart type, cĠest ˆ dire le seuil des 85% les moins efficaces. [3]

 

2)La capacitŽ intellectuelle se mesure avec beaucoup de prŽcision, et cela d'autant plus que les individus sont plus ‰gŽs. Ainsi, les vrais jumeaux ŽlevŽs totalement sŽparŽment pendant 60 ans et qui se retrouvent, rŽussissent identiquement aux tests avec une prŽcision surprenante.

 

3)La capacitŽ intellectuelle a une forte composante gŽnŽtique qui appara”t nettement lorsque sont comparŽs entre eux, des individus appartenant au mme groupe ethnique et culturel, par exemple s'Žtant vu offrir au dŽpart, des conditions de scolaritŽ identiques.

 

4)La capacitŽ intellectuelle se caractŽrise de deux faons :

- lĠ‰ge mental qui traduit la rŽussite dĠun sujet moyen dĠun ‰ge chronologique donnŽ. CĠest la forme la plus parlante, mais elle ne vaut que jusquĠˆ 13/14 ans dĠ‰ge mental. Deux individus qui ont tous deux  dix ans dĠ‰ge mental, auront beaucoup de points communs sur le plan du jugement moral, mme si lĠun dĠeux, a huit ans dĠ‰ge chronologique, et lĠautre trente cinq.

-la place de lĠindividu dans la population de son ‰ge. Ainsi, lĠOMS dŽfinit le seuil de lĠintelligence normale comme celui qui est franchi par 98 % de la population de lĠ‰ge.

 

A partir de cela, et en faisant appel aux analyses de l'O.M.S., je distingue personnellement trois groupes :

 

- les individus qui au mieux de leur dŽveloppement n'atteindront pas 6 ans d'‰ge mental ou ne l'atteignent plus, et qui reprŽsentent peut-tre cinq pour mille de la population, mais quĠon rencontre rarement dans le milieu totalement ouvert. Un diagnostic d'irresponsabilitŽ totale devrait alors thŽoriquement gŽnŽralement s'imposer, au mme titre que chez les enfants moyens de 6 ans dĠ‰ge chronologique. Mais comme pour les enfants de moins de 6 ans dĠ‰ge mental, il se pose la question des consŽquences trs abusives de lĠindulgence que lĠenfant de deux ans dĠ‰ge mental peroit dŽjˆ et qui a une portŽe contre-Žducative. Pour cette seule raison, je reconnais le plus souvent une responsabilitŽ pŽnale attŽnuŽe, en indiquant mes raisons.

 

- les individus qui se classent en dessus des prŽcŽdents, mais ne dŽpassent pas le seuil des deux centiles les moins bons de la population de l'‰ge, selon la dŽfinition par l'OMS d'un seuil de l'intelligence normale. Cela correspond chez lĠadulte jeune, ˆ un ‰ge mental de moins de huit ans et un niveau scolaire ne dŽpassant pas une fin de CE1. Je conclus ˆ une responsabilitŽ attŽnuŽe, le problme du cas prŽcŽdent ne se posant pas.

 

- les individus qui se classent encore en dessus des prŽcŽdents. Ils ne sont pas tous Žquivalents sur le plan dĠune responsabilitŽ, mais au minimum, ils ont la capacitŽ d'intŽgrer les interdits sociaux et de comprendre la sanction pŽnale

Ensuite, plus les scores sont ŽlevŽs, plus l'explication de l'infraction est indŽpendante de l'efficience intellectuelle.

 

Un cas ˆ part concerne les enfants et les adolescents. Les affections mentales altŽrant le discernement et respectant l'efficience intellectuelle, sont absolument exceptionnelles avant 15 ans. Je pense que Ç la psychose infantile È nĠexiste pratiquement pas au delˆ dĠune tentative totalement arbitraire dĠexplication psychanalytique de toute faiblesse intellectuelle.

De ce fait, la capacitŽ de discernement est alors encore plus fortement reliŽe au niveau intellectuel. De mme, la capacitŽ de formuler un tŽmoignage cohŽrent, avec de solides rŽfŽrences spatio-temporelles, le sens de l'intention et de la responsabilitŽ, sont Žtroitement liŽs ˆ l'‰ge mental.

 

A lĠautre extrme de la vie, et du fait dĠune dŽtŽrioration intellectuelle en quelque sorte physiologique, lĠŽvaluation de lĠefficience intellectuelle rŽcupre une importance essentielle. Les rŽfŽrences juridiques sont malheureusement trs mal prŽcisŽes. CĠest faute dĠautres donnŽes que je prends personnellement comme rŽfŽrence, la dŽfinition de lĠOMS qui fixe le seuil de lĠintelligence normale ˆ la limite supŽrieure de lĠavant dernier centile dans la distribution de la population gŽnŽrale ˆ 40 ans, ‰ge de lĠoptimum intellectuel psychomŽtrique.

Il y a cependant une justification thŽorique ˆ cette manire de voir. Il est en effet Žvident et aisŽment comprŽhensible que lĠŽvolution de la dŽtŽrioration se fasse selon les mmes Žtapes, en sens inverse Žvidemment, que le dŽveloppement cognitif de lĠenfant.

 

Les facteurs autres que l'efficience intellectuelle :

 

Ils sont certains mais beaucoup plus difficiles ˆ caractŽriser, en dehors des cas manifestes de maladie mentale sŽvre. Ils sont regroupŽs avec raison sous le terme d'altŽration du discernement, avec la prŽcision indispensable que les cas o lĠaltŽration du discernement est liŽe ˆ un toxique absorbŽ en connaissance de cause, ne constituent pas, le plus souvent, une irresponsabilitŽ.

 

Ce dernier cas, prŽvu par le Code Romain et non repris par les Codes qui se sont succŽdŽs en France, est doublement intŽressant ˆ considŽrer :

-la responsabilitŽ pŽnale est reportŽe sur la dŽcision d'une consommation illicite

-il dŽmontre comment le dysfonctionnement cŽrŽbral entra”ne une altŽration du discernement.

 

Cela dit, quelques prŽcisions s'imposent dans lĠapproche des facteurs autres que lĠefficience intellectuelle :

 

-il n'y a pas de vŽritables marqueurs biologiques directs des affections mentales, d'autant plus que les agents Žventuellement en cause et les mŽdicaments utilisŽs comme traitement, sont de mme catŽgorie. Sur ce plan, la psychiatrie est trs, trs en retard sur les autres branches de la mŽdecine. On pourrait presquĠˆ nouveau, invoquer le mŽdecin de Molire.[4]

 

-les marqueurs thŽrapeutiques sont, pour le moins, dĠinterprŽtation trs dŽlicate (une mŽta analyse rŽcente sur les antidŽpresseurs, a conclu quĠils nĠŽtaient pas plus efficaces quĠun placebo, terme dŽsignant un traitement seulement apparent et dŽnuŽ de toute efficacitŽ rŽelle)

 

-les marqueurs gŽnŽtiques ne sont probants que dans un nombre trs limitŽ de cas ˆ lĠŽchelle des individus, psychose bi-polaire en premier lieu.

Les marqueurs gŽnŽtiques, authentiques mais statistiques, sont inutilisables ˆ lĠŽchelon de lĠapprŽciation individuelle. A ce propos, l'attention avait  ŽtŽ portŽe sur le fait que la formule gŽnŽtique masculine XYY, au lieu de la formule normale XY, Žtait retrouvŽe plus frŽquemment dans la population carcŽrale. D'aucuns avaient cru pouvoir conclure ˆ une relation entre dŽlinquance et une soi-disant Ç hypervirilitŽ È. Une analyse plus fine a dŽmontrŽ que la diffŽrence s'expliquait totalement par une moindre efficience intellectuelle chez les XYY, comme pour la moyenne des dŽtenus.

 

-les marqueurs non biologiques, comme par exemple les questionnaires, sont peu fiables en cas d'expertise pŽnale, car ils sont trs ouverts ˆ la tricherie.

 

Il y a des cas manifestes, ne posant aucun problme, mais sĠils sont tels pour le psychiatre, ils le sont souvent aussi pour lĠofficier de police judiciaire.  Cela mĠarrive trs rŽgulirement et ne me vexe nullement, bien au contraire. Le r™le de lĠexpert se limite alors ˆ officialiser et garantir lĠŽvidence.

De mme, quĠil accepte de lĠavouer ou non, lĠexpert est rassurŽ devant une dŽcision ˆ prendre chez un individu ayant un long passŽ psychiatrique Žvident, ou devant un dŽlire indiscutable.

 

Ce sont les cas moins Žvidents qui posent problmes, et le premier dĠentre eux est de savoir ce qui doit tre qualifiŽ de psychiatrique et ce qui ne lĠest pas. Sur ce plan, je suis trs opposŽ ˆ lĠantipsychiatrie actuelle o le sympt™me pathologique est expliquŽ par le vŽcu antŽrieur, et je suis restŽ fidle ˆ la faon de voir dĠavant 1968, o il nĠy avait pas de spŽcialitŽ psychiatrique, mais seulement des neuro-psychiatres. Je souligne que la plupart des Žtudes censŽes avoir Žtabli un lien entre un trouble mental et une forme de vŽcu, sont des Žtudes rŽtrospectives pratiquement sans valeur. Seules les Žtudes prospectives sont valides.

 

Je pense quĠil nĠy a lieu de parler de psychiatrie quĠau cas o un dysfonctionnement cŽrŽbral est probable. En cela, je rejoins la manire de voir du DSM IV,(Diagnostical and Statistical Manual of mental disorders). NĠy sont traitŽs cependant que les cas rŽfŽrencŽs.

 

Dans la pratique, lĠhumilitŽ sĠimpose au premier chef, et il faut reconna”tre que la dŽbrouille et lĠexpŽrience individuelle ne peuvent tre ŽvitŽes.

Il est rare quĠun comportement dŽlinquant puisse tre classŽ dĠemblŽe comme psychiatrique ou non psychiatrique, et il faut y adjoindre des caractres existentiels :

-le fait est-il unique ou rŽpŽtŽ ? En fait, la reconstitution biographique, factuelle et Žchappant ˆ l'interprŽtation, est essentielle.

-une opinion hostile est-elle portŽe sur une seule personne (plut™t existentiel) ou gŽnŽralisŽe (plut™t psychiatrique)

-le sujet ne se comporte plus gŽnŽralement  comme il se comportait antŽrieurement. CĠest le cas manifeste pour le dŽbut dĠun Žpisode maniaque dans une psychose bipolaire, ou Ç  le coup de tonnerre soudain dans un ciel serein È qui marque trs souvent le dŽbut dĠune schizophrŽnie.[5]

 

Avant de terminer, je voudrais Žvoquer deux exemples des difficultŽs rencontrŽes, qui marquent en fait, les limites dĠune notion de responsabilitŽ. Dans les deux cas, il sĠagit de troubles rŽpertoriŽs dans le DSM IV parmi les dŽsordres de personnalitŽ, et ce sont les deux dŽsordres rencontrŽs le plus frŽquemment en situation dĠinfraction suspectŽe :

 

Le psychopathe : il sĠagit dĠun individu qui, entre autre, accumule les dŽlits et qui est particulirement insensible sur le plan affectif et moral, dŽpourvu notamment de toute empathie.

LĠidŽe quĠil pouvait sĠagir dĠune dŽviance constitutionnelle de personnalitŽ a ŽtŽ ŽvoquŽe, non sans de trs sŽrieuses raisons, vers les annŽes 1950. Il sĠen est suivi un climat dĠindulgence dont il a ŽtŽ possible de constater quĠil Žtait tout sauf positif. AujourdĠhui, la dŽviance constitutionnelle de personnalitŽ est au moins envisagŽe, mais la responsabilitŽ pŽnale du psychopathe est tout aussi affirmŽe. Ce faisant, on se rapproche de la position du PrŽsident Chabran, rŽfutant, comme je lĠai dit, la possibilitŽ dĠapprŽcier objectivement la responsabilitŽ pŽnale.

Je souligne que lĠŽchelle de psychopathie de Hare, parfaitement comprŽhensible par le non-spŽcialiste,  est de trs grande valeur.

 

La parano•a : lĠadjectif Ç parano•de È  est utilisŽ pour traduire une psychose ou un dŽlire, ˆ caractre de persŽcution. Cela ne pose aucun problme, ni pratique, ni thŽorique, si ce nĠest que la protection dĠautrui prime alors largement la notion de responsabilitŽ pŽnale.

 

Le terme de parano•a caractŽrise en France, plut™t un dŽsordre de personnalitŽ, sans dŽlire, avec des idŽes de mŽfiance, de jalousie morbide. Je suis personnellement persuadŽ que la parano•a sĠexplique, au moins en partie, ˆ partir de facteurs constitutionnels, trs probablement en partie gŽnŽtiques. Pourtant, la jurisprudence fait une distinction trs nette entre les cas o il existe un dŽlire et ceux o il nĠy a pas de dŽlire manifeste. Il faut reconna”tre que lˆ encore, cette attitude nĠest cohŽrente que dans la position du PrŽsident Chabran.

 

Ces deux exemples soulignent combien il est vain de penser pouvoir porter un jugement sur la responsabilitŽ pŽnale, qui reposerait uniquement sur des arguments objectifs de responsabilitŽ individuelle. L'expert psychiatre n'a non seulement aucune raison de s'approprier une capacitŽ particulire pour dŽfinir les circonstances attŽnuantes qui relvent de l'autoritŽ du Parquet, mais il se doit mme de rester modeste dans sa capacitŽ ˆ apprŽcier une responsabilitŽ pŽnale. Par ailleurs, tous les aspects d'interprŽtation ˆ partir d'une conception thŽorique particulire de la psychologie sont ˆ proscrire, et avec elle, toute certitude.

Je reconnais que la validitŽ a priori de lĠexpertise se trouve ainsi sŽrieusement ŽbrŽchŽe. Mais je pense que la volontŽ dĠavoir fait au mieux pour remplir la t‰che confiŽe, est beaucoup plus positive que des certitudes reposant sur des implicites dont le mieux quĠon puisse en dire, est quĠils ne sont pas dŽmontrŽs.

 

Il reste ˆ considŽrer que la situation aujourd'hui ne doit pas conduire ˆ prŽjuger de la situation pour demain. Les progrs de la biologie et des neurosciences Žvolueront certainement de faon exponentielle dans les annŽes ˆ venir, fournissant des points de vue objectifs nouveaux, conduisant ˆ revoir la dŽtermination de la responsabilitŽ pŽnale.

 

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(NB : CĠest lĠimportance relative accordŽe ˆ des Ç formes È communes universelles qui assure la diversitŽ du vivant. Cette idŽe, formulŽe par Geoffroy Saint Hilaire, il y a prs de deux sicles, est revenue dĠactualitŽ. La diversitŽ du vivant nĠappara”t donc que secondairement au cours du dŽveloppement prŽ-natal ) [1]

 

[1]

[2] (N.B. Si lĠon voulait aller plus loin, il ne peut tre exclu que le choix final dĠun comportement ne soit pas dŽterminŽ, mais il sĠagit dĠun point inaccessible et dĠun problme insoluble pour lĠacteur, et encore plus pour lĠobservateur quĠest lĠexpert. En philosophie, cela sĠappelle Ç LĠUnivers irrŽsolu È, dŽcrit par Karl Popper.)

 

[3] (N.B. La question pourrait se poser de savoir si un tel fait ne sĠexplique pas parce que les dŽlinquants de faible efficience sont plus facilement repŽrŽs et convaincus ! Personnellement je ne le pense pas)

 

 

[4] LĠouvrage de Gaston Bachelard, Ç La formation de lĠesprit scientifique È, est passionnant sur ce plan.

[5] (il y a 70 ans, il Žtait classique dĠajouter que si le sujet lui-mme est le premier ˆ sĠapercevoir de lĠapparition dĠun trouble, cĠest une nŽvrose ; si lĠentourage fait le diagnostic le premier, cĠest une psychose, et que la psychiatrie sŽrieuse ne va pas plus loin)