Du Cerveau à la Pensée:
Théorie de la Connaissance et Autonomie Biologique
par Jean-Claude Tabary
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CHAPITRE VIII : THEORIE DE L'INFORMATION ET AUTONOMIE BIOLOGIQUE




"Une information n'a d'existence que relativement à une autre, il n'existe pas d'information absolue.....Une information n'existe qu'en fonction du contexte dans lequel elle se situe. Il est donc vain de dichotomiser le réel à l'infini pour l'explorer. Il est nécessaire de mettre en évidence les thèmes, les relations de position qui relient les observables étudiés puisqu'il ne saurait être d'information naturelle qu'holoscopique."


GérardPinson



Résumé : La notion d'information objective, évoquée par les travaux de Shannon et Weaver, intéressante sur le plan d'une étude de la transmission, est insuffisante sur le plan de la signification, surtout lorsque le réalisme de natures est récusé.


1.Définition de l'information.


La définition de l'information par Shannon, comme levée d'incertitude sur la nature d'un événement, doit prendre en compte la nature discontinue ou continue de l'espace de probabilité où s'exerce l'information. La clôture organisationnelle* qui marque un système autonome fait que pour ce système, l'environnement ne peut être pré-découpé et se présente obligatoirement comme un espace continu de probabilité. Le système autonome doit donc assurer lui-même un découpage de l'espace continu de probabilité que constitue l'environnement, avant même de pouvoir utiliser une information. Cette information est alors obligatoirement relative au découpage effectué par le sujet. Cependant si le découpage est nécessaire, il n'est pas suffisant. Il faut encore que l'information soit mobilisable comme une totalité indépendante. Enfin l'information est encore qualifiée par le "regard" particulier que le système autonome porte sur l'environnement, regard qui qualifie les objets découpés. L'information devient ainsi pleinement relative au système qui la manipule.


2.Information liée et information transmise.


En distinguant ces deux types d'information, G.Pinson a introduit une nouvelle approche essentielle.

- l'information liée appartient en propre à l'événement ou à l'objet rencontrés et elle est donc définie indépendamment de l'observateur. Elle n'est pas mesurable et seulement potentielle.

- l'information transmise est l'information utilisable et utilisée, transfert de signification entre deux systèmes ou deux éléments d'un même système, et caractéristique de ce transfert.

La connaissance est la forme particulière d'information transmise qui traduit la relation fonctionnelle entre objet et sujet de connaissance. L'objet peut présenter bien d'autres aspects d'informations transmises.


L'information transmise naît avec la rencontre des systèmes, ne préexiste pas à cette rencontre. L'influence des écrans d'interface est donc essentielle, interface émettrice parfois, interface réceptrice toujours.


3. La nature de l'Information transmise.


L'idéalisme kantien revu par Lange et Helmholtz est une bonne introduction. L'information transmise naît avec la rencontre d'un sujet et d'un objet de connaissance et suppose une assimilation physique des données extérieures. Cette assimilation a ses propres règles, notamment d'interface, qui qualifie l'information naissante.

L'opposition entre assimilation et accommodation est un préalable indispensable, introduit par Piaget et qui définit deux temps de l'adaptation, auxquels correspondent deux types d'information, l'une étant l'identification d'un événement ou d'un objet, et l'autre, la valeur adaptative d'un comportement.


4. L'élaboration dynamique de l'information transmise et le concept de la nature ternaire de l'Information.


P. Demant et G.Pinson ont insisté sur la nature ternaire de l'information, qui inclut :

- une valeur physique du message, reliée arbitrairement à l'information et dont la seule propriété essentielle sur le plan de l'identification est le caractère discret, mobilisable et bien défini.

- une référence spatiale et temporelle concernant la situation de l'information unitaire au sein d'un ensemble spatio-temporel d'informations

- un contexte de règles, éventuellement arbitraires, qui assure une liaison entre identification et signification.

Au contexte explicite d'une information, s'associe le contexte implicite d'un système cognitif complet chez le sujet. Toute information peut être rapportée à une relation, le contexte de règles est un graphe.


La configuration, reliant des données élémentaires, est au cœur de l'information. Ces configurations doivent être conservées quelque part. Un catalogue est donc nécessaire :

- la solution du dictionnaire fermé est celle d'un catalogue fini de configurations. Elle est peu satisfaisante.

- la solution d'un catalogue limité au départ et ouvert aux additions est beaucoup plus positive, habituelle en biologie.

- le développement du catalogue ouvert se fait par une dynamique de transformation des configurations déjà existantes.


5. Le sens de l'Information transmise.


Le réalisme considère que l'information est descriptive d'un objet. Il nous semble que ce point de vue réaliste a été renforcé dans le rapprochement proposé entre information et néguentropie*. Vers les années trente fut discutée une équivalence stricte entre l'information et la diminution d'entropie*. Mais en fait la reprise de l'exemple du démon de Maxwell démontre qu'on ne peut établir une correspondance qualitative ou quantitative équivalente en toutes circonstances. La réaction néguentropique* fondamentale de la vie est celle qui implique la captation du rayonnement solaire par la chlorophylle pour exciter un électron. Or cette réaction ne définit pas strictement une information au moment où elle se produit.


Une information est en fait une donnée modulant le fonctionnement d'un mécanisme pré-existant dans le récepteur. Elle est donc relative au récepteur. De ce fait, et si l'information initiale modifie le récepteur, l'information transmise n'est pas normalement stable, elle peut s'altérer ou s'enrichir.


6. L'Information et les connaissances humaines.


Le dernier point de vue envisagé est celui du passage d'une approche universelle de l'information, commune à tout système, à l'information spécifiquement humaine. La référence fondamentale de l'information humaine est d'abord celle d'une information perceptivo-motrice, pratiquement organisée à la naissance et seule présente initialement. Ce premier système informatif, perceptif et non-verbal, est complet, proposant une "interprétation" pour tout événement. Seule est très pauvre, la transmission à autrui. Le second temps est celui de l'information réfléchie. Certaines des combinaisons formées durant le temps précédent sont pérennisées en tant que telles et deviennent des modèles, des images internes de l'environnement ou du moi.


Le troisième temps est celui du codage de l'information réfléchie, qui devient nécessaire dès que sont précisées des relations entre perceptions distantes. Il se fait en deux étapes :

- mise en place à l'intérieur du cerveau, d'un ensemble de relations bijectives entre une image réfléchie et un comportement moteur communicable, essentiellement par le moyen de l'activité bucco-laryngée et l'émission de schémas sonores.

- mise en place entre individus de conventions qui conduisent à appliquer aussi exactement que possible les même s relations entre une image sonore et l'information transmise réfléchie correspondante.

Le caractère fondamental de l'information transmise est totalement conservé mais au cours des transformations successives, il apparaît un taux élevé d'équivoque* et d'ambiguïté* et il est essentiel d'en tenir compte dans toute théorie de l'information à l'échelle humaine.

Chemin faisant, tant sur le plan biologique, que sur le plan du fonctionnement mental, il est montré que le véritable rôle de l'information n'est pas de définir un comportement mais d'imposer le choix d'un comportement particulier au sein de l'enveloppe de comportements déjà connus et disponibles .


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Reprenant les idées de Shannon sur l'information (187), Weaver, en complet accord avec Shannon, a bien insisté sur le fait que ces idées se limitaient aux "problème s techniques" de transmission d'une information existante, sans considérer le "problème sémantique" ni la connaissance effectivement transmise d'un interlocuteur à un autre. Ces auteurs considéraient une théorie de la communication, voire une simple étude de la transmission des messages.


Il n'en reste pas moins que Shannon et Weaver ont paru apporté une caution mathématique à la conception réaliste et naïve d'une information objective. Une telle information existerait "en soi" indépendamment des sujets qui la manipulent, et serait contenue à la fois dans les objets de connaissance et dans le "logos". Or nous avons pu souligner la fragilité de cette conception. Critiquée dès l'antiquité et le haut moyen-âge par les écoles nominalistes, le réalisme a dû sa survie au fait qu'il répond à l'intuition naïve et qu'aucune théorie cohérente n'a pu longtemps lui être opposée. Même l'idéalisme kantien, pourtant bien étayé par de nombreux côtés, présentait trop de faiblesses dans son aspect traditionnel pour triompher du réalisme.


Du point de vue d'une théorie de l'information, les deux acceptions du réalisme se confortent l'une l'autre :

- les objets de connaissance ont des propriétés par eux-mêmes, indépendamment de la connaissance actuelle que peut en prendre un sujet de connaissance. L'information porte sur ces propriétés ontologiques des objets.

- les idées et les mots qui qualifient les objets de connaissance et forment la base de l'information, sont au moins aussi réels que les objets qu'ils qualifient.

Dans une telle conception, l'information objective est parfaitement définie dans sa nature mais rien n'est dit sur les mécanismes qui permettent aux sujets de connaissance, d'acquérir et de manipuler cette information. Si elle est innée, pourquoi le sujet connaissant ne peut-il utiliser immédiatement toute l'information objective dont il dispose ? Comment expliquer les variations de cette information selon l'âge, la culture, l'époque ? Si l'information doit être préalablement assimilée par le sujet avant d'être utilisable, le mécanisme d'assimilation devient aussi important à considérer pour une théorie de l'information que l'information elle-même , présente a priori mais non immédiatement utilisable.


Si l'information objective est récusée et que l'accent est mis sur l'assimilation subjective de la connaissance, les difficultés du réalisme disparaissent mais l'information assimilée est obligatoirement marquée par les mécanismes d'assimilation du sujet, et diffère d'un organisme à l'autre.


1. Définition de l'information.


La définition de l'information, telle qu'on peut la déduire des analyses de Shannon, nous parait demeurer essentielle: une information désigne un événement particulier parmi un ensemble fini d'événements possibles. Ainsi, l'information ne peut être définie que par rapport à un choix, et transforme en certitude, ce qui ne comportait antérieurement qu'une certaine probabilité. Par exemple l'information qu'apporte le fait de retourner une carte d'un jeu habituel transforme en certitude ce qui n'était qu'une probabilité de 1/52Ème.


1.1. Information et probabilités généralisées.


Mais la grande insuffisance de cette définition est de ne pas préciser qu'elle fait suite à un découpage antérieur particulier de l'espace continu des événements, découpage qui a véritablement créé l'information. L'information est une levée d'indétermination qui fait suite à une définition préalable du champ de cette indétermination. L'information est en quelque sorte une réponse à une question préalable. Elle est encore une donnée qui fera fonctionner de façon particulière un algorithme préexistant. Il est possible de constater alors à quel point la définition de Shannon "per se" est dépendante de l'acceptation ou du refus du réalisme de natures, assurant un découpage pré-établi des espaces de probabilités événementiels. Si le réalisme de natures est récusé, il devient indispensable de préciser la nature de l'information lorsque le découpage réaliste préalable n'a pas eu lieu. Autrement dit, quelle serait l'information apportée à un martien qui retournerait une carte d'un jeu, dans l'ignorance totale du contenu d'un jeu de carte ? Quelle est l'information apportée à un individu qui tire un "objet" d'une urne dans l'ignorance totale de ce que contient l'urne ?


En fait, les théories de la probabilité ont largement apporté une réponse à cette interrogation en faisant une distinction fondamentale entre:


- un espace de probabilité hétérogène , discontinu, pré-découpé, où le sujet qui calcule une probabilité connaît le découpage. En épistémologie, l'acceptation du réalisme de natures correspond à cette éventualité.


- un espace de probabilité continu bien qu'hétérogène , qui n'est marqué par aucun découpage contraignant. Il est évident qu'il n'est possible de rien dire, rien calculer dans un tel espace, sans démarche préalable. Or, en raison de la clôture organisationnelle* qui isole le sujet de l'environnement, ce dernier est bien au départ pour l'observateur, un espace continu de probabilité, dont l'hétérogénéité peut être postulée mais non analysée. Bien plus, pour la conscience réfléchie, elle-même initialement close vis à vis du fonctionnement interne de l'organisme auquel elle appartient, la situation est identique; environnement et organisation interne forment donc ensemble pour le sujet de connaissance, un espace continu et hétérogène de probabilité proposé à la réflexion qui cherche à connaître.


Le caractère nécessairement hétérogène de l'environnement nous paraît poser un problème essentiel dans la mesure où il ne nous semble pas que les mathématiciens se soient penchés sur la question. Un ensemble infini au sens de Cantor réunit des éléments qui sont considérés comme tous identiques. Un segment de droite constitue un ensemble continu de points tous identiques. Au contraire, l'environnement est un ensemble non limité d'éléments qui ne sont pas postulés comme identiques et toute formalisation devrait prendre le fait en compte. Mais du point de vue cognitif, le sujet de connaissance ne peut avoir accès à l'analyse de l'hétérogénéité de l'environnement. Il doit donc recouvrir cet environnement d'un découpage qui lui est propre et qui est seul pris en compte. Cette réserve exprimée, il est manifeste que l'environnement est, pour un sujet de connaissance, plus proche d'un espace continu de probabilité, que d'un espace découpé.


Les théoriciens de la probabilité, tout en soulignant qu'il n'était effectivement possible de rien tirer au départ d'un espace continu de probabilité (, ont montré qu'il était néanmoins possible d'y effectuer des partitions, conduisant alors à la pratique classique des probabilités. On peut ainsi isoler dans l'ensemble des sous ensembles de ( une "tribu" Par tribu (, on entend une classe de parties de ( possédant les propriétés suivantes :

- ( contient ( et l'ensemble vide,

- ( contient encore des parties qui résultent d'un découpage et sur lesquelles il est possible de répartir des probabilités; les opérations de réunion, d'intersection, de complémentarité, peuvent être appliquées à ces parties. Pour deux parties disjointes, la probabilité de la réunion de deux parties A et B est égale à la somme des probabilités de A et de B. Toute la question est alors celle du découpage de ( réalisant la tribu (


1.2. Information et découpage.


Le découpage peut être existentiel, réalisé par le déroulement d'événements et ensuite pérennisé: "la mémoire est bien la fonction générale de la matière organisée (071)" selon l'expression de Hering. Se retrouvent ainsi les particules atomiques ou subatomiques au sein du continuum d'espace/temps et apparues peu après le big bang, ou encore le système A.D.N. de synthèse des protéines. Ce découpage pourrait être qualifié d'objectif si nous oubliions pour un temps qu'il a été "découvert" historiquement pour ne pas dire inventé. En fait, ce découpage existentiel ne peut être que postulé et il doit être associé à un découpage "modèle" qui est notre fait et dont nous supposons qu'il est équivalent au découpage existentiel; une validation secondaire est alors nécessaire pour assurer le bien fondé de l'équivalence, qui demeure au mieux "vraisemblable".


Le découpage peut être épistémologique, effectué par un sujet de connaissance au sein de l'espace ( qu'il veut connaître. M. Mugur-Schachter a largement développé cette application des conceptions modernes des théories de la probabilité à l'approche cognitive (135), retrouvant du reste les analyses de R. Vallée(208,209). Le découpage prend la valeur d'un opérateur particulier et à ce découpage, s'associe un autre opérateur qui traduit un "regard" particulier sur le monde, regard qualifiant les objets découpés, en leur attribuant un "aspect". Nous serions tenté d'ajouter aux analyses de M. Mugur-Schachter que s'il est légitime de distinguer dans l'analyse, les opérateurs de découpage et ceux du regard, il faut accorder la plus grande attention au fait que ces deux opérateurs peuvent être fortement reliés entre eux et interdépendants. Mais, reliés ou non, si les opérateurs de découpage et de regard étaient adoptés arbitrairement par un observateur, ils auraient aussi peu de chance d'apporter des effets cognitifs positifs que les signes du zodiaque de prédire l'avenir.


Entre ces deux possibilités, il y a une voie de passage qui est en fait pratiquement obligatoire à l'élaboration de connaissance. Dans cette voie, l'observateur ( est doté constitutionnellement, existentiellement, d'un système de découpage d'(, associé à un système de regard défini, les deux systèmes étant reliés et interdépendants. Cela permet la genèse immédiate d'informations approximatives. Dans le cas de l'observateur humain, un tel découpage est effectivement réalisé par les interfaces élémentaires et les organisations perceptives constitutionnelles placées en aval de ces interfaces. Parallèlement, un regard est déterminé par quelques liaisons contraignantes entre configurations perceptives et réponses adaptatives, les déterminants innés du comportement de K. Lorenz. Les résultats de sa propre activité au contact de (, signifiée par le découpage et le regard constitutionnel, conduisent alors le sujet à élaborer en complément, un découpage et un regard épistémologiques. Le découpage nouveau n'est pas choisi arbitrairement mais progressivement dégagé de la pratique du découpage constitutionnel. Cette façon de faire est la seule capable de fournir une information réfléchie efficace.


Il faut encore souligner qu'il peut y avoir une certaine ambiguïté* sur le terme découpage. Prenons comme exemple de découpage, la reproduction d'un tableau de maître sur laquelle s'inscriraient des traits dessinant des morceaux de puzzle. Un tel découpage n'a pratiquement aucune valeur cognitive. Il est indispensable que chaque élément cognitif, chaque morceau du puzzle soient empiriquement ou perceptivement isolables et manipulables, pour être transférés d'un système à un autre, confrontés à d'autres éléments cognitifs. La conception ternaire de l'information, que nous abordons plus loin, démontre que seul un élément mobilisable peut recevoir une qualification d'information.


1.3. Information et regroupement.


Cependant, si le découpage est essentiel et indispensable à l'information, il n'est pas suffisant. Si le découpage est grossier au sein d'un espace continu, l'information disponible sera très limitée. Si le découpage est très fin, l'objet découpé risque de n'avoir guère de signification par lui-même . Or nous avons vu et nous ne devons jamais oublié, que l'abandon de la notion de substance conduit à tout signifier par la relation. Aux opérateurs de découpage doivent donc s'associer des opérateurs d'assemblage des objets découpés faisant naître des informations nouvelles. Cependant, il est essentiel de souligner que les opérateurs d'assemblages sont originaux et ne doivent pas être considérés comme de simples opérateurs inverses des opérateurs de découpage. Sur ce plan, le terme de regroupement que nous utiliserons souvent par commodité ne doit pas porter à équivoque. Le découpage étant propre au sujet, le "regroupement" d'éléments découpés ne reconstitue pas un graphe pré-existant mais établit une configuration originale.


Les distinctions entre le niveau constitutionnel et le niveau épistémologique que nous venons de préciser à propos du découpage, s'appliquent intégralement à l'assemblage. Notamment, la mémorisation créatrice de l'objet organisé associe découpage et assemblage. Sur le plan épistémologique, le découpage optimum devrait être conduit jusqu'au niveau d'éléments qui n'ont guère comme propriété que d'exister ou de ne dégager que quelques bits d'information dans les meilleurs cas d'observation. Dès lors, le regroupement de tels éléments par assemblage est très porteur de signification et génère des informations complémentaires.


Mais par ailleurs, nous avons vu (V-) que la perception humaine s'effectuait au travers de canaux superposés ayant chacun un niveau de définition propre, une fréquence spatiale* particulière, le tout dessinant des maillages de différentes finesses. Nous verrons plus loin (IX-) que cette superposition des maillages est d'un apport considérable pour l'analyse épistémologique. Dès lors, le découpage et le regroupement doivent s'envisager à plusieurs échelles superposées et sont indissociables: un découpage selon une fréquence spatiale* faible traduit le regroupement d'éléments définis par un découpage selon une fréquence spatiale* élevée. Ainsi, la caméra de télévision découpe une scène extérieure en pixels dont chacun n'est porteur que d'une information très limitée. L'observateur humain signifie la scène reproduite sur son écran de télévision en découpant le contenu de l'écran et en regroupant de nombreux pixels pour former des images d'objet significatives; le découpage significatif de l'écran correspond à des regroupements locaux de pixels.


1.4. Information et subjectivité.


Il devient alors évident que l'information est fondamentalement subjective:


- l'information unitaire postulée au sein de systèmes existants est totalement relative à ces systèmes. Elle est "isolée" par les systèmes et se ramène à une donnée faisant fonctionner un algorithme des systèmes; elle est totalement définie par rapport à cet algorithme.


- l'information cognitive fournie par les systèmes constitutionnels de découpage est exactement de même type. De plus, cette information traduit un découpage au sein du système connaisseur lui-même , dans son système d'interface. Le découpage traduit simultanément et de façon équivalente, un fractionnement du continuum d'environnement et un fractionnement du système d'interface; l'information porte donc simultanément sur le moi et sur l'environnement. Le regroupement de données élémentaires d'interface, tel que le réalisent les systèmes perceptifs constitutionnels accentuent encore ce caractère subjectif. N'oublions pas que "nous pouvons observer et voir ce qui se passe dans notre tête, et que nous ne pouvons observer ni voir rien d'autre. Le ciel étoilé que nous fait connaître la sensation visuelle est à l'intérieur de nous. Le ciel étoilé auquel nous croyons est inféré(181)." Ce qui vaut pour la perception visuelle vaut pour toute information d'origine constitutionnelle mais en pratique également pour toute information quelle qu'elle soit.


- l'information résultant du découpage/assemblage épistémologique est doublement subjective. Elle repose sur le découpage et l'assemblage d'origine constitutionnelle dont elle ne se dégage jamais totalement. Elle résulte d'une validation a posteriori des paris cognitifs pris par le sujet.


Il est très important de réviser le time-binding* (109) de Korzybski en fonction de cette dernière analyse: l'évolution culturelle ajoute au découpage et au regroupement constitutionnels, le bénéfice de découpages et regroupements validés globalement par les générations précédentes. Ces découpages et regroupements sont extrêmement positifs même s'ils contiennent des erreurs, par rapport aux seuls efforts de découpage ou regroupement dont serait capable l'individu laissé à ses seules expériences. Ainsi peut s'élaborer un regard sur le monde, beaucoup plus efficace.


Par ailleurs, les aspects probabilistes liés aux analyses de Shannon se retrouvent, bien que sous un aspect un peu différent. Il y a certes des aspects de probabilités traditionnelles dans la connaissance mais il s'y ajoute la probabilité d'effectuer un découpage ou un regroupement effectivement "utiles" au sein de . Les deux aspects probabilistes se rejoignent dans les activités "stratégiques" : ce sont les informations probabilistes traditionnelles qui orientent le choix d'une stratégie mais celle-ci constitue elle-même un pari d'efficience cognitive.


En définitive, l'information désigne bien un événement particulier parmi un ensemble fini d'événements possibles, mais ces événements révèlent l'action d'opérateurs de découpage et de regroupement qui ont agi préalablement au sein d', découpage et regroupement arbitraires en soi, particuliers au sujet de connaissance, et dont l'intérêt doit être démontré par une validation ultérieure. A ce découpage/regroupement doit être associé un "regard" particulier de l'observateur pour qualifier les "objets" résultants. Toute utilisation de l'information doit donc faire référence au "regard" particulier qui a généré cette information par découpage et formation d'une tribu*, puis par assemblage des éléments découpés. Il nous semble cependant que dans la pratique, il nous faut surtout trouver dans cette approche théorique de l'information, une protection contre des extrapolations abusives. Sauf dans les cas particuliers du début du développement cognitif et à l'inverse dans la recherche théorique à la pointe du progrès épistémologique, la thèse d'une information bien définie dans un espace de probabilité pré-découpé et pré-organisé est approximativement acceptable. Cependant, la relativité de l'information à un découpage préalable de l'espace continu

doit rester présente. C'est le cas dans les analyses de Pinson distinguant l'information liée et l'information transmise, et qui sont une approche d'une même réalité cognitive sous un angle légèrement différent, plus directement en rapport avec les préoccupations de l'épistémologie.


2.Information liée et Information transmise.


G. Pinson a proposé de distinguer deux formes d'informations, qu'il dénomme l'information liée et l'information transmise. Cela permet de ne pas totalement rejeter tout aspect de réalisme, tout en résolvant les questions soulevées par le réalisme traditionnel. Il y a en effet une confusion sur la nature de l'information, qui correspond en fait à une double réalité:


- l'information peut traduire un échange significatif entre deux systèmes dont l'un devient capable de réagir en fonction des propriétés de l'autre, et réciproquement. C'est ce que G. Pinson appelle l'information transmise. La nécessité de la mobilité de l'information devient en ce cas évidente.


- l'information peut décrire les arrangements internes d'un système, précisant à la fois la nature des éléments irréductibles, les relations structurales permanentes entre ces éléments et toutes les interactions variables dans le temps entre éléments et sous-systèmes. C'est ce que G. Pinson appelle l'information liée.


2.1. L'Information liée.


C 'est l'information supposée qui appartiendrait en propre à l'événement ou à l'objet rencontrés ; elle est donc définie indépendamment de tout observateur. Elle correspond assez bien à l'information objective du réalisme et aux propriétés nouménales de Kant. Mais ce type d'information est inanalysable et intransmissible, donc immédiatement inutilisable, puisqu'elle est conçue en indépendance du découpage d'un espace continu. L'information liée est donc continue dans toutes les dimensions de l'espace et du temps, et incommensurable aussi bien qu'inqualifiable. Elle est essentiellement virtuelle, simplement postulée, mythique, limitée en quelque sorte à l'affirmation que le réel est qualifiable dans ses régularités. Elle traduit avant tout une potentialité.


Si nous avons bien compris les analyses de G. Pinson, il nous semble que l'auteur considère l'information liée comme une "forme" qui pourrait être éprouvée de façon immédiate par un observateur intérieur; le caractère récursif de la conscience, "on pense que l'on pense...", en ferait le type même de l'observateur intérieur. Nous ne pouvons suivre G. Pinson sur ce plan. La conscience est une fenêtre étroite qui regarde "du dehors" et un à un, certains aspects ponctuels du fonctionnement cérébral immédiatement antérieur, à la façon dont l'unité centrale de traitement d'un ordinateur peut explorer la valeur présente d'une case mémoire signifiée antérieurement. La conscience est donc un observateur extérieur, condamnée elle aussi à construire un "modèle" du moi, à partir d'informations transmises qui sont seules à lui parvenir. L'observateur intérieur est donc obligatoirement mythique et l'information liée l'est aussi. Paul Valéry a bien décrit cette inconsistance de l'observateur interne en insistant sur le fait que la conscience est réductible à un fonctionnement (208).


Le recours à une information liée n'a donc pas d'intérêt direct en ce sens que cette information est essentiellement inaccessible. Tout au plus, l'information transmise, seule connaissable, permet-elle de construire un modèle approximatif de l'information liée. Cependant, la notion d'information liée est intéressante en ce qu'elle définit l'enveloppe potentielle de toute l'information qui pourrait théoriquement être extraite d'un système. Cela permet de préciser les restrictions qui caractérisent en contraste les particularités de l'information transmise.


2.2. L'Information transmise.


C'est l'information utilisable et utilisée. Elle est un transfert de signification entre deux systèmes ou deux éléments d'un même système, ce qui implique qu'elle est mobilisable et significative pourl e système émetteur ou objet de connaissance, comme pour le système récepteur ou sujet de connaissance. Elle est bien définie, discrète, mais peut s'étendre dans plus d'une dimension d'espace. Elle ne préexiste pas et doit être élaborée par un système à partir d'une information liée

, par découpage et mobilisation. Il faut y ajouter cette propriété fondamentale que ne mentionne pas G. Pinson, qui est d'être spécifique à la fois d'un type d'émetteur et d'un type de récepteur, de caractériser la rencontre entre émetteur et récepteur. Il est remarquable que ces particularités sont à la fois implicites et "oubliées" dans toutes les théories analysant une information dite "objective".


Une théorie de l'information est en fait nécessairement une théorie de l'information transmise mais elle doit comprendre une explication du passage de l'information liée à l'information transmise.


2.3. Information transmise et Connaissance.


Avant d'analyser ce passage, une remarque essentielle s'impose. Le fait que l'information transmise n'ait pas d'existence première et qu'elle soit spécifique d'un émetteur et d'un récepteur, a une conséquence essentielle en épistémologie. L'information qui traduit la connaissance d'un objet de connaissance par un sujet est spécifique d'une relation fonctionnelle entre le sujet et l'objet. Cette information est donc habituellement différente de celle qui peut apparaître au niveau de l'objet en dehors de la relation de connaissance avec le sujet, notamment dans le fonctionnement interne. Ainsi l'information génétique contenue dans une chaîne d'A.D.N. n'est pas la même pour un pion de la machinerie intra-cellulaire qui entre en relation avec cette chaîne et pour l'expérimentateur biologiste. La différence d'information est particulièrement évidente au niveau des phénomènes quantiques et peut rendre compte de descriptions qui surprennent. Le quark, particule sub-atomique, se résume pour le physicien, aux résultats des expériences qui ont mis ce quark en évidence; cela n'exclut nullement une information de nature différente caractérisant les relations du quark avec d'autres particules en dehors de ces expériences, cela pour autant que le quark ait une existence. Le fait est encore plus évident en psychologie. Les informations que nous pouvons rassembler sur un individu, résument les relations directes et indirectes que nous avons eu avec lui; ces informations ont en fait peu à voir avec les informations concernant le fonctionnement interne de cet individu ou même les relations qu'il a pu avoir avec d'autres individus et que nous pouvons totalement ignorer. La distinction entre information liée et information transmise souligne à quel point, il est vain de définir la quantité d'information que représente un système. Il est tout aussi vain de penser que l'information que nous pouvons effectivement accumuler sur un objet, résume toutes les informations transmises qui peuvent provenir de cet objet.


On est donc conduit à une distinction essentielle entre deux types d'information transmise :


- l'information transmise qui apparaît dans la relation entre deux systèmes, deux éléments d'un même système, le tout extérieur au sujet qui observe et qui connaît. Cette information transmise est postulée, généralement inaccessible directement par le sujet connaisseur. Ce sujet peut tout au plus construire un modèle des systèmes observés, définir une information transmise dans la relation entre les systèmes modélisés et décider d'une équivalence des informations transmises ainsi définies avec des informations transmises réelles.


- l'information transmise qui apparaît dans la relation entre un sujet et un objet de connaissance, pour le sujet de connaissance. C'est cette information transmise qui est seule prise en compte dans l'analyse épistémologique.


Cette distinction revient à opposer l'information transmise existant entre systèmes extérieurs et la connaissance qu'un sujet peut avoir de cette information. Dans la pratique de l'analyse épistémologique, il n'est pas indispensable de toujours rappeler la distinction entre ces deux aspects de l'information transmise, et nous ne le ferrons qu'en cas de risque de confusion.


2.4. La Naissance de l'Information transmise.


L'étude de l'origine de l'information, qui se confond bien souvent avec la pédagogie a toujours été un problème central de la Philosophie. Mais très longtemps, toutes les hypothèses proposées reposaient sur l'acceptation du réalisme de natures. L'information "existait" dans l'environnement et devait simplement être recueillie. C'est l'idéalisme kantien qui introduisit pour la première fois une approche nouvelle. Alternative cohérente au réalisme, elle acceptait implicitement l'opposition entre l'information liée et l'information transmise dans une distinction entre noumène et phénomène ; les objets ont bien une réalité en eux-mêmes, nouménale, mais cette réalité est inaccessible et n'est donc pas source immédiate d'une information définie. L'information utilisable est restreinte à l'apparence phénoménale des objets, ce qui revient à dire, en termes plus systémiques, qu'elle est réduite aux effets perceptifs de l'objet de connaissance sur un sujet de connaissance. L'information phénoménale est synonyme de l'information transmise. Par ailleurs, selon Kant, les connaissances particulières propres à un objet proviennent de l'application de processus subjectifs universels, caractérisant l'esprit a priori, avant toute expérience sensible. Du moins si on se limite aux aspects cognitifs, l'information transmise est alors créée par le sujet de connaissance ; le "cogito" constatatif de Descartes devient le "cogito" constitutif de Kant. Ce dernier aurait donc accueilli avec faveur les analyses de R. Vallée et M. Mugur-Schachter traduisant en termes plus modernes l'activité constitutive du cogito constitutif kantien.


En tenant compte de tous les progrès qui ont marqué la réflexion humaine depuis Kant, un certain nombre de points peuvent être précisés, permettant de mieux définir les particularités de l'information transmise, de sa naissance comme de ses propriétés.


2.4.1. L'influence des écrans d'Interface.


La notion même de "signal" défini séparément de l'objet ou de l'événement qu'il signifie, suppose un écran d'interface, soit au niveau du seul récepteur, soit aux deux niveaux de l'émetteur et du récepteur. L'élaboration de l'information transmise consiste alors en un codage d'une information liée pour la rendre significative et utilisable. Ce codage impose un découpage qui isole les éléments, et un regard particulier.


2.4.1.1. L'interface émettrice. Cette élaboration peut être le fait d'un système émetteur, rédigeant un "message" reproduisant certaines de ses particularités d'état ou de structure. Pour que l'information soit fidèle, il ne faut pas que l'émission du message entraîne elle-même une modification d'état ou de structure de l'émetteur. Il y a évidemment une limite à cette conservation de l'émetteur, limite exprimée notamment par le principe d'incertitude d'Heisenberg.


Cependant, une fois découpé, rendu mobilisable et émis, le message acquiert pour le récepteur, une valeur d'événement. Il est très rare que le message ait exactement la même signification pour le récepteur et pour l'émetteur. C'est le cas de la transmission d'une chaîne d'A.D.N. à partir d'un virus ou au cours de la transmission sexuée. Beaucoup plus souvent, il existe un certain écart de signification entre émetteur et récepteur, ce qui est source de dégénérescence (X-). C'est la situation du langage entre deux interlocuteurs. Enfin, ce qui parait un message à l'émetteur, peut être immédiatement dénué de significations pour d'autres récepteurs. C'est le cas notamment d'un message en langue étrangère et inconnue.

Dans la plupart des cas, le message doit donc être "assimilé" pour acquérir une signification propre au récepteur. La situation n'est donc pas fondamentalement différente de celle d'une assimilation directe à partir d'un événement brut.

2.4.1.2. L'interface réceptrice. Tout message, tout signal, toute information externe ne sont significatifs pour un système qu'au travers des modifications de l'écran d'interface qu'ils produisent. Il n'est pas possible de concevoir une information transmise et une connaissance qui ne soient pas relatives à une interface réceptrice. Pour le récepteur, le système actif, créateur de l'information transmise utilisable, est nécessairement l'organisme récepteur lui-même . Cette création ne peut être neutre. Elle est nécessairement marquée par les mécanismes mis en jeu par l'organisme récepteur lorsqu'il dérive une information transmise à partir de ce qui est initialement une information liée du message. Ce faisant, le système récepteur génère véritablement une information qui est une partie intégrante de lui-même , dans les particularités constitutionnelles et existentielles des systèmes d'interface. Selon l'expression de Paul Valéry, l'information "...n'est pas une entrée ou introduction de quelque chose extérieure, mais une intervention, c'est à dire une transformation interne permise par une modification externe, une variation dans l'état d'un système clos qui forme relais par rapport à un système séparé(208)". De ce fait, toute information transmise est nécessairement subjective et tout autant caractéristique des propriétés du système sujet de connaissance que de l'objet connu. L'information transmise traduit donc une rencontre "avec" un événement, "pour" ce système.


3. La nature de l'Information transmise.


L'idéalisme kantien est une bonne introduction. Il suppose implicitement la naissance de l'information transmise au cours de la encontre avec l'objet, par la dynamique du sujet. Implicitement aussi, l'information apparaît qualifier la rencontre elle-même plus qu'elle ne qualifie l'objet de connaissance. Comme le fait remarquer Heisenberg, l'homme a compris que la connaissance de la nature est en réalité une connaissance des effets de la nature sur lui-même .


En revanche, l'appel kantien à l'à priorisme dans l'activité de l'entendement pose beaucoup plus de problèmes. Le schéma devient difficilement généralisable à des organismes connaissant, autres que l'homme. L'acceptation a priori

des propriétés subjectives assurant la connaissance est une démarche aussi arbitraire que celle du réalisme de natures acceptant a priori l'existence des idées. Cependant, il est aujourd'hui manifeste que les critiques formulées par Piaget à l'égard de l'idéalisme kantien ne sont pas aussi solidement établies qu'il le paraissait il y a une trentaine d'années. Si la formulation kantienne initiale est manifestement insuffisante, l'idée que dans sa nature, l'information transmise traduit des propriétés du système sujet de connaissance, mérite d'être très soigneusement explorée, dans le sens formulé par Helmholtz et F.A. Lange: l'a priori est confondu avec l'inné, l'espace et le temps sont des lois de l'organisation neuropsychologique innée de la perception, l'analyse de la nature de l'information se confond avec l'organisation biologique.


3.1. Le Sens de l'Apparence.


Mais pour aller plus loin dans l'analyse, il est important de revenir sur ce qui se cache sous le terme d'apparence de l'objet, postulé par l'idéalisme kantien. Démocrite supposait que toute connaissance sensible impliquait un contact physique avec l'objet. La notion même d'une information transmise élaborée par le sujet impose ce point de vue. Les mécanismes qui élaborent l'information étant internes au sujet, il faut bien que les données sur lesquelles s'effectue cette élaboration soient mises au contact de ces mécanismes. Nous savons aujourd'hui que l'objection faite par Aristote à Démocrite concernant la vision, ne vaut pas, que les "simulacres" d'Epicure correspondent à une réalité, que les photons émis par l'objet visible, assurent un contact physique tout aussi intense que celui d'une aiguille piquant la peau. La genèse de l'information transmise suppose donc une assimilation physique préalable des données extérieures. Cette assimilation a ses propres règles qui qualifie l'information naissante.


3.2. L'opposition entre Assimilation et Accommodation.


Une définition subjective de l'information conduit à se rapporter aux comportements des systèmes connaissant. Apparaît alors la dichotomie fondamentale introduite par J. Piaget qui recouvre l'opposition de l'assimilation et de l'accommodation. Se plaçant dans une perspective résolument utilitaire, Piaget oriente les relations d'un organisme et de son environnement vers une adaptation, ou autrement dit vers une rééquilibration des échanges entre organisme et environnement, après une perturbation dans l'environnement. Piaget souligne qu'il faut distinguer deux composantes dans l'adaptation.


L'organisme, dit-il est un cycle de processus qui s'engendrent les uns les autres; c'est du reste une définition avant la lettre de l'autopoièse*. Appelons a, b, c, … dit-il, les éléments de ce cycle interne et x, y, z…., des éléments du milieu ambiant. Le cycle des réactions peut s'écrire ainsi :


(a + x) ---> b; (b + y) ---> c; (c + z) ---> a, etc....


"Le rapport qui unit les éléments organisés internes a, b, c, aux éléments de milieu x, y, z, est donc une relation d'assimilation, c'est à dire que le fonctionnement de l'organisme ne détruit pas, mais conserve le cycle d'organisation et coordonne les données du milieu de manière à les incorporer à ce cycle."


Supposons maintenant, dit Piaget, que dans le milieu, une variation se produise qui transforme x

en x'.. Ou bien l'organisme ne s'adapte pas et il y a rupture du cycle, ou bien il y a adaptation, ce qui signifie que le cycle organisé s'est modifié en se refermant sur lui-même :


(a + x)' ---> b'; (b' + y) ---> c; (c + z) ---> a, etc....


"Nous appelons accommodation, la transformation de b en b' qui traduit le résultat des pressions exercées par le milieu et qui rétablit un équilibre."


L'ensemble du processus, dit Piaget, peut consister en réactions chimiques lorsque l'organisme ingère des substances x ou x', qu'il transformera en substances b ou b', faisant partie de sa structure, soit en transformations physiques quelconques, soit enfin, en particulier, en comportements sensori-moteurs lorsqu'un cycle de mouvements corporels a, combinés avec des mouvements extérieurs x oux' aboutissent à un résultat b ou b' entrant lui-même dans le cycle d'organisation.


"La définition s'applique aussi bien à l'intelligence elle-même qui est une assimilation dans la mesure où elle incorpore à ses cadres tout le donné de l'expérience. Que l'intelligence soit perceptivo-motrice en organisant des actes, ou qu'elle soit représentative en pensant ou construisant des formes intérieures, elle assimile les objets extérieurs au sujet. Mais la vie mentale est aussi accommodation au milieu ambiant car l'assimilation ne peut être pure et l'intelligence doit modifier les processus antérieurs existant pour les ajuster aux nouvelles données."


Ce schéma essentiel est universel. Il porte simultanément sur les aspects concrets et sur les informations qui permettent la mise en place des conduites. Mais la description piagétienne est d'abord un point de vue d'observateur et elle serait quelque peu artificielle du point de vue de l'information, si les cycles qui marquent l'assimilation et l'accommodation étaient confondus ou se suivaient de façon obligatoire. En pratique, nous avons vu que les systèmes autonomes performants comportaient des structures différentes pour l'identification des perturbations et les réponses aux perturbations. En ce sens, assimilation et accommodation apparaissent bien concrètement distincts. Mais plus encore, la qualité de l'adaptation exige si possible que l'identification soit définitivement établie avant que la réponse ne soit élaborée. La séparation du temps d'assimilation et du temps d'accommodation devient alors complète.


Ces données s'appliquent à l'information et il faut donc distinguer deux temps informatifs, celui de l'identification ou reconnaissance, celui de la signification ou valeur adaptative. Ces deux temps peuvent être confondus dans les aspects rudimentaires de l'adaptation mais ils sont effectivement distincts dans les formes évoluées de la connaissance.


3.2.1. L'Information d'Assimilation.


Un objet qui se présente dans le champ perceptif peut être identifié par référence à lui-même , c'est à dire simplement "reconnu". Il peut aussi être identifié par l'affirmation d'une équivalence avec d'autres objets connus. Dans l'un ou l'autre cas, les critères qui assurent l'identification définissent des particularités ou des indices mais ne permettent pas ipso facto l'attribution de propriétés ou de significations. Nous pouvons reconnaître avec aisance un visage, sans pour autant être capable de préciser comment nous l'avons reconnu, mais plus encore, sans accorder une signification comportementale à la personne qui porte ce visage. La reconnaissance du visage de la mère est acquise dès les premières semaines de la vie alors que le conflit que présente l'enfant de trois ou quatre ans vient d'une signification encore très floue de ce que sa mère peut représenter pour lui.


3.2.2. L'Information d'accommodation.


Dans une perspective phénoménale, la signification d'un objet est liée aux démarches comportementales que le sujet doit effectué pour demeurer en état d'équilibre au contact de cet objet. La "signification" d'une bactérie pour tous les organismes biologiques qu'elle infecte, réside dans les anticorps capables de neutraliser cette bactérie. Seul le bactériologiste dépasse ce niveau de signification, mais prise individuellement, la bactérie n'est guère pour lui plus qu'un modèle. Piaget résume sous le nom d'accommodation, la capacité de monter une conduite adaptative signifiante au contact d'un objet. Signification devient connaissance réflexive de l'accommodation.


3.2.3. L'Indépendance des Informations d'Assimilation et d'Accommodation.


L'exemple de la réponse à une infestation par une bactérie souligne bien l'indépendance au moins relative entre identification et signification. Dans un premier temps de la réponse immunitaire, 'organisme "reconnaît" la présence d'une bactérie et d'une bactérie insolite ou dénuée de qualités propres immédiatement détectables. Ce temps d'identification semble bien lié à la seule présence de la bactérie et non à ses effets agressifs. Par la suite, il n'y a pas véritablement enrichissement du processus d'identification et l'organisme est probablement incapable d'établir par lui-même une signification de la bactérie en la reliant à la pathologie qu'elle provoque. En revanche, il y a élaboration indépendante d'une signification, par découverte de l'anticorps neutralisant.


L'information transmise est donc une information d'identification d'une part, une information de signification d'autre part. L'assimilation d'identification et l'accommodation de signification relèvent de mécanismes spécifiques propres au système créateur d'information transmise, et jouent un rôle fondamental dans la définition de cette information.


3.2.4. La nature de l'Information d'Identification.


Les conduites d'identification reposent d'une façon très générale sur l'existence des structures d'interface. Aux particularités du système d'interface, telles que nous les avons analysées (V-)correspondent les particularités de l'information transmise d'identification. L'information transmise d'identification est qualifiée essentiellement par les lois propres au système d'interface qui génère l'information. Par ailleurs, le mécanisme même d'une identification par modification d'interface explique que l'identification puisse se faire sans le moindre début de signification.


3.2.5.La nature de l'Information de Signification.


L'acquisition d'une signification ne peut reposer sur des critères objectifs. Dans sa nature comme dans son appréciation, la signification est utilitaire et propre au système qui la génère. La référence de la signification ne réside pas dans les particularités de l'événement mais dans celles de la réponse comportementale efficace du système face à l'événement. Les particularités qui définissent une bactérie pour le système qu'elle agresse, sont ses effets pathologiques mais plus encore, les particularités de l'anticorps qui se montre capables de neutraliser la bactérie. Dans la signification également, l'unité d'information transmise se rapporte à un élément fonctionnel du système, mais dans un corpus de réponses, distinct du corpus d'identification.


4.L'élaboration dynamique de l'Information transmise et le Concept de la nature ternaire de l'Information.


La décharge d'un neurone produisant un bit unique et isolé d'information, est isolément pratiquement sans valeur. Ce point rejoint totalement les analyses de P. Demant et G. Pinson sur la nature ternaire de l'information. Pour ces auteurs que nous suivons totalement sur ce plan, toute information renvoie à une triple nature :

- une valeur physique dont la seule propriété essentielle sur le plan de l'identification est le caractère discret, bien défini et se prêtant à la mobilisation. Toute valeur physique peut porter toute information d'identification. En revanche, cette valeur physique a un sens beaucoup plus spécifique sur le plan de la signification.

- une référence spatiale et temporelle concernant la situation de l'information unitaire au sein d'un ensemble d'informations de même nature disposées dans un champ de n dimensions. Cette référence spatio-temporelle est évidemment à rapprocher des opérateurs de découpage et d'assemblage définissant et isolant les objets à la source de l'information.

- un contexte de règles, éventuellement arbitraires, qui assure notamment une liaison entre identification et signification et correspond au "regard" de l'observateur. Ces règles qui spécifient l'information, supposent sa mobilisation. Appliquer ou vérifier une règle portant sur un élément, c'est assimiler cet élément, le comparer à une référence ou à d'autres informations.


Les conséquences de cette conception de l'information sont multiples et rejoignent les résultats de l'analyse de l'information générée à partir d'un espace de probabilité continu ou quasi continu :

- si le découpage a été poussé très loin, l'élément isolé a une valeur physique mais a rarement une valeur informationnelle importante par lui-même . C'est alors en général la distribution spatio-temporelle de plusieurs éléments qui est créatrice d'information, distribution résultant d'opérateurs de groupement ou assemblage.

- une information n'a de valeur qu'en fonction de son contexte spatio-temporel, c'est à dire qu'elle est relative aux opérateurs de découpage et de groupement qui l'ont générée.

- l'information n'a de valeur qu'en relation avec une référence, celle-ci pouvant être un système global d'information imposant un "regard"; cela exige une mobilisation.


4.1. Une optimisation de la Théorie ternaire.


P. Demant était un ingénieur, G. Pinson est un physicien. La théorie ternaire de l'information a donc été décrite en dehors de soucis précis de psychologie ou même d'épistémologie. Il nous semble donc que quelques précisions sont souhaitables.


4.1.1. Contexte implicite et Contexte explicite.


Le contexte spatio-temporel évoque un contexte informatif sur un plan encore plus général. Toute information prend sa signification en fonction du corpus informatif global de l'émetteur et/ou du récepteur. Le résultat paradoxal est que l'utilisateur est le plus souvent conduit, pour analyser une information, à définir préalablement un corpus informatif plus restreint dont les caractéristiques spatio-temporelles forment un échantillon. Par exemple, l'information obtenue en sortant une boule d'une urne sera très différente selon que l'utilisateur admet que l'urne ne contient que des boules rouges et noires en quantité équivalente ou s'il ignore tout du contenu de l'urne. Le tirage d'une carte d'un jeu de cartes habituel n'apporte environ sept bits d'information qu'à la condition que l'utilisateur connaisse le jeu de cartes habituel et qu'il s'agisse bien d'un jeu de cartes habituel. Ainsi, le contexte de toute information est un contexte global de tout le corpus informatif, le plus souvent fractionné en un contexte explicite réduit mais évoquant un contexte implicite beaucoup plus étendu. Se retrouve l'opposition entre l'espace continu de probabilité et une partie découpée de cet espace.


4.1.2. La Relation, référence de base.


Il nous paraît également possible de définir une référence implicite et une référence explicite de l'information. La référence explicite de l'urne à boules rouges et noires peut être l'élection d'un nouveau membre dans un club très fermé. La référence explicite du jeu de cartes est l'ensemble des activités ludiques que permettent ce jeu. Mais ces références limitées sont elles-mêmes incluses dans des références implicites plus étendues et très habituellement hiérarchisées. L'élection au club fait elle-même référence à tout un tissu social. Le contexte le plus global est celui de l'ensemble des relations de l'émetteur et ou du récepteur avec leur environnement. Dans cette approche comme dans beaucoup d'autres, l'information apparaît caractériser essentiellement une relation subjective.


Ces propositions d'une extension des analyses de P. Demant et G. Pinson ne nous paraît rien supprimer de leur intérêt, et permet en revanche de souligner la similitude de ces analyses avec une approche probabiliste de l'information.


4.2. L'Exemple de l'Information génétique.


L'acquisition d'un sens par confrontation de données ponctuelles disposées dans l'espace et le temps est manifeste lors de l'élaboration des perceptions à partir des éléments ponctuels que constituent les décharges de neurones sensoriels (V-). Le mécanisme est néanmoins encore insuffisamment connu pour qu'on puisse y trouver un modèle général de l'intégration des distributions spatiales. L'analyse de l'information génétique (III-) est plus simple et fournit un exemple tout à fait suggestif o- se rejoignent tous les aspects décrits, tant dans la conception ternaire de l'information que dans l'approche probabiliste.


4.2.1. La Genèse de l'Information génétique.


L'unité d'information y est constituée par un nucléotide, ester phosphorique d'un nucléoside. Le nucléoside est formé par la liaison entre un sucre, ribose pour l'A.R.N. ou désoxyribose pour l'A.D.N., et une base purique ou pyrimidique. Comme il y a deux bases puriques possibles et deux bases pyrimidiques possibles, il y a 4 nucléotides A.R.N. différents et 4 nucléotides A.D.N.


Pris isolément, le nucléotide peut avoir une fonction propre, notamment sous forme cyclique, mais sa valeur informationnelle sur le plan génétique est nulle. Le sens apparaît lorsque se forme une séquence de trois nucléotides, par liaison chimique entre le radical phosphorique d'un nucléotide et le sucre d'un autre nucléotide. Il existe pour ces séquences de trois éléments une correspondance avec l'un des vingt acides aminés qui constituent les protéines, correspondance dégénérée puisque plusieurs séquences différentes d'A.D.N. ou d'A.R.N. peuvent correspondre au même acide aminé.


Le sens d'une séquence de trois nucléotides demeure limité puisqu'il spécifie simplement un acide aminé. En revanche, la liaison en chaîne de plusieurs séquences spécifie une suite d'acides aminés caractéristique d'un gène. Normalement, une séquence d'A.D.N. donne naissance à une séquence d'A.R.N. lui correspondant point à point, et c'est cette séquence d'A.R.N. qui établit une séquence d'acides aminés en informant une machinerie cellulaire. La chaîne d'acides aminés une fois constituée, prend spontanément une configuration tridimensionnelle stable et cette configuration suffit à attribuer une fonction enzymatique à la chaîne. Ainsi, le sens d'un nucléotide particulier ou celui d'un "mot" de trois nucléotides dépendent essentiellement de leur emplacement dans une chaîne séquentielle.


Ces processus sont très généraux en biologie et se retrouvent dans les systèmes artificiels. L'information de luminance concernant un point d'un écran de télévision a une valeur informative qui dépend fondamentalement de son emplacement sur l'écran. La valeur d'une lettre de l'alphabet dépend de son emplacement dans une phrase.


La lecture de l'information transmise se fait très habituellement de façon linéaire et séquentielle. Ce caractère est lié aux propriétés fonctionnelles du récepteur autant qu'à la distribution de l'information elle-même . Cette distribution n'est pas elle-même obligatoirement séquentielle. Le contexte explicite n'est même pas nécessairement ordonné dans l'espace. Un gène n'a une action définie qu'en fonction de l'ensemble des gènes avec lesquels il est associé sans que la séquence des gènes sur la chaîne d'A.D.N. n'intervienne nécessairement. Korsybski, dans une analyse du langage, montre que le mot est une "fonction paramétrée" qui n'acquiert sa pleine signification qu'au sein du discours entier, avec très habituellement la nécessité de récurrence. En un mot, si l'information transmise est habituellement lue de façon séquentielle, elle peut être distribuée de façon holographique, comme l'information liée. Ce fait accentue encore la dépendance de l'information ponctuelle par rapport à son contexte spatio-temporel.


4.2.2.Information génétique et variations synchroniques d'information.


Un grand intérêt de l'exemple génétique de l'information est d'y constater que l'information ne peut être considérée comme une valeur stable et indépendante des mécanismes qui l'utilisent. Si l'on tente de définir une information précise dans une chaîne d'A.D.N., cette information est principalement établie par la succession des nucléotides et paraît mesurable en première approche. En fait, cette mesure n'a pas de signification absolue comme l'ont montré un certain nombre de travaux récents :


- un segment d'A.D.N. peut, à un instant donné, être lisible ou au contraire bloqué vis à vis d'une lecture. Ce blocage peut porter sur une longue distance, au moins un gène, témoignant qu'à un instant donné, il existe dans une chaîne d'A.D.N., des gènes actifs et des gènes inactivés. Le blocage peut porter sur des portions courtes, expliquant le mécanisme de l'épissure qui saute la lecture de courts segments pour reconstituer différents A.R.N. à partir d'un même segment d'A.D.N. Ainsi s'explique qu'un segment relativement court d'A.D.N. puisse générer les A.R.N. de quelques milliards d'anticorps différents.


- un segment d'A.R.N. peut être "édité", c'est à dire qu'une correction intervient sur la lecture des lettres A.D.N.; le segment d'A.R.N. qui naît est alors différent de ce que laissait supposer le segment A.D.N.


- un même gène peut avoir une action précise très différente selon l'organisme dans lequel il se trouve. Un même gène du chromosome Y assure, semble-t-il, la morphologie mâle de l'oiseau à partir d'un embryon indifférencié, et la morphologie mâle très différente du mammifère.


Il s'introduit ainsi une certaine dégénérescence (X-) puisqu'une même chaîne d'A.D.N. peut donner naissance à plusieurs A.R.N. différents ou à des morphologies différentes. Or, c'est le vécu antérieur de l'organisme, modifiant l'environnement de l'A.D.N. qui provoque un effet en retour et qui explique les différences de lecture ou d'effet. C'est donc l'information initiale qui est responsable de sa propre transformation ultérieure. Ainsi s'explique du reste qu'une même chaîne A.D.N. puisse gérer le développement initial de l'œuf, les différentiations cellulaires ultérieures et le fonctionnement d'une cellule spécialisée dans l'organisme achevé, comme un neurone.


4.2.3.Information génétique et variations diachroniques d'information.


Beaucoup plus intéressantes encore sont les variations diachroniques de l'information génétique au cours du développement. Il n'y a aucune comparaison possible, ni quantitative ni qualitative entre l'information contenue dans la chaîne d'A.D.N. de l'œuf et celle dont témoigne l'organisme développé ultérieurement à partir de cette seule information. Cela traduit une variation diachronique :


4.2.3.1. L'information originelle. Au départ, l'information caractéristique est une succession de nucléotides dont la seule signification est une succession d'acides aminés. Lorsque la chaîned'A.D.N. permet la mise en jeu de la machinerie cellulaire, l'information lue assure le renouvellement des constituants cellulaires.


- l'information contenue dans la chaîne d'A.D.N. a la valeur informative qu'on lui attribue, uniquement pour la machinerie cellulaire qui forme la chaîne d'acides aminés.


- l'information traduisant l'activité enzymatique d'une protéine n'était absolument pas présente en tant que telle dans la chaîne initiale. L'information initiale de trois nucléotides caractérisait un acide aminé sans décrire pour autant ses propriétés. Or, ce sont les propriétés de chaque acide aminé qui déterminent l'angle qu'il forme avec ses voisins, et donc la configuration tridimensionnelle finale de la chaîne. Il y a donc au cours de la lecture de la chaîne d'A.D.N. une transformation qualitative et quantitative de l'information. Cette transformation de l'information se poursuit tout au long de la différentiation cellulaire et du développement embryologique. On en a une démonstration particulièrement éclairante lorsqu'on sait qu'un gène unique, dit homéobox, détermine chez l'insecte, l'évolution d'un segment corporel vers la formation d'une aile bien constituée, ou d'une patte bien constituée, sans aucunement contenir une information d'aile ou de patte.


4.2.3.2. L'évolution de l'information. C'est un biais dans la lecture de l'information, provoqué par une modification du milieu cellulaire en réponse au vécu, qui provoque une multiplication de cellules pratiquement identiques, au moins chez les mammifères. Au nombre de cellules près, l'information liée de l'embryon aux premiers stades est encore presque identique à celle de l'œuf initial.


La différence de situation des cellules les unes par rapport aux autres ou un fractionnement différent de la substance initiale de 'œuf induit des lectures de l'A.D.N. différentes d'une cellule à l'autre, provoquant la formation d'un organisme associant des cellules différenciées. Le processus commence à être bien établi. La chaîned'A.D.N. est faite d'une succession de segments qui peuvent être ouverts ou fermés à la lecture. Ce sont les particularités de l'environnement qui déterminent les segments ouverts ou fermés. On peut ainsi définir une information initiale disponible, liée à la composition du milieu initial de l'œuf. Les transformations d'environnement dues aux premiers développements libèrent des produitsq ui ferment la lecture de certains des segments d'A.D.N. préalablement ouverts, et en ouvrent d'autres parmi ceux qui étaient préalablement fermés. L'information disponible est donc partiellement modifiée dans chaque cellule. Mais cette modification suffit à différencier l'activité de l'A.D.N. de chacune des cellules, ce qui aboutit à former des cellules différenciées. Il y a véritablement genèse d'une nouvelle information liée. Ensuite, les différences cellulaires élémentaires provoquent un jeu d'interactions différenciées qui multiplient à l'infini les différences entre cellules. Aucune comparaison n'est plus possible entre l'organisme entier et l'œuf qui lui a donné naissance.


Dans une perspective diachronique, l'information génétique évolue donc considérablement. Le processus est beaucoup plus général qu'on ne pourrait le penser et se reproduit à chaque fois qu'une structuration nouvelle apparaît sous l'action d'algorithmes mis en jeu par une information initiale. Il serait très abusif de dire que le point sur l'écran de télévision contient une partie de l'information contenue dans l'image finale. L'information initiale a servi au mécanisme de balayage électronique pour générer l'image et celle-ci fait apparaître une information nouvelle. Un point d'écran totalement défini à l'instant t par sa luminosité, sa couleur, son emplacement, peut générer aussi bien l'image d'un paysage que celle d'une speakerine. En définitive, la biologie ouvre à l'idée de portée apparemment universelle qu'une information utilisée pour moduler un mécanisme préexistant, se transforme spontanément sur le plan quantitatif et qualitatif.


4.2.4. L'action de restriction comportementale de l'information génétique.


L'analyse de l'information génétique montre que la chaîne d'A.D.N. n'apprend pas à la machinerie cellulaire comment faire une liaison peptidique pour former des protéines. Même si la présence d'un A.R.N. messager quelconque, dérivé d'un segment d'A.D.N. quelconque, est probablement indispensable à la liaison peptitidique, ce n'est pas là que réside sa portée informationnelle fondamentale. L'essentiel de l'information génétique n'est pas de permettre une liaison peptidique quelconque mais bien d'imposer une liaison peptidique particulière. L'information ainsi donnée est considérable. Si nous considérons unechaîne protidique relativement courte d'environ 50 acides aminés, un segment d'A.D.N. imposera une chaîne particulière parmi les 2050 chaînes différentes possibles. Il est donc cohérent de considérer d'une part, une machinerie cellulaire qui sait effectuer n'importe quelle liaison peptidique entre deux des vingt acides aminés, et d'autre part, une information génétique dont le sens est de restreindre les possibilités de la machinerie à une liaison particulière parmi les liaisons possibles. La biologie ouvre donc également à l'idée qu'une information agit en restreignant la variété des comportements exprimés.


4.3. La construction des Structures Informationnelles.


La nature ternaire de l'information conduit à opposer un nombre limité de types distincts d'éléments informatiques unitaires de faible valeur et des combinaisons de ces éléments, en nombre quasi infini et à valeur informative beaucoup plus grande. Mais la question se pose de l'origine de ces combinaisons. Pour conserver leur valeur informative, ces combinaisons ne peuvent être spontanées. Ainsi, en matière de programme génétique, la liaison entre deux nucléotides est hautement endergonique et n'a heureusement pratiquement aucune chance de se produire spontanément. Mais du même coup, l'apparition d'une combinaison est encore plus difficile à expliquer.


Un double problème se pose alors, celui de l'origine des combinaisons mais aussi celui de leur utilisation. Si le nombre des éléments constitutifs différents d'une combinaison s'élève, le nombre des combinaisons possibles s'accroît beaucoup plus vite. La genèse des combinaisons devient vite complexe et l'essai effectif de toutes les combinaisons possibles pour assurer une structure informative ne peut être envisagé.


4.3.1. La solution du Dictionnaire fermé.


Une solution possible serait celle de l'existence d'un catalogue constitutionnel et fini de combinaisons utiles, offrant modèle ou référence pour l'activité d'une machinerie. Toute l'information utilisable par un système serait définie avec la formation du système et le seul temps utilitaire d'information serait une stricte sélection. Chacune des combinaisons du catalogue pourrait être reproduite indéfiniment par duplication pour l'usage. Il s'agirait en quelque sorte d'un espace de probabilité parfaitement discontinu, associant découpages et groupement à plusieurs niveaux hiérarchiques mais à opérateurs stables dans le temps.


Cela ne fait cependant que repousser l'explication ontogénétique par le renvoi à une construction phylogénétique antérieure du catalogue, réglant découpages et groupements. Par ailleurs, un catalogue inné pose lui-même problème :

- s'il est limité en variété, sa mise en place est aisé mais il risque de se révéler insuffisant pour une analyse cognitive efficace.

- s'il est très étendu pour couvrir toutes les éventualités d'adaptation, sa mise en place est inutilement complexe; la plupart des combinaisons, ne correspondant pas à une occasion comportementale, sont inutiles.

Nous retrouvons donc les problème s étudiés dans le cadre du mode sélectif d'acquisition des connaissances (VI-).


4.3.2. Le Catalogue ouvert.


La solution, régulièrement constatée dans les organismes biologiques, est celle d'un catalogue constitutionnel de combinaisons limité, mais qui peut s'enrichir par intégration de combinaisons nouvelles :

- acquises au contact de l'environnement effectivement rencontré et donc spécifiques de cet environnement.

- dérivées par modifications ponctuelles de configurations innées ou de configurations acquises antérieurement.

Cela suppose donc que les opérateurs de découpage et de groupement évoluent dans le temps.


Par ailleurs, cet enrichissement du catalogue ne se limite pas à une dynamique individuelle. Si un catalogue individuel ainsi enrichi est dupliqué, une lignée phylogénétique peut donner naissance à des combinaisons nouvelles nombreuses et complexes que l'expérience d'un seul individu n'aurait su permettre.


4.3.3. Le développement du Catalogue ouvert.


Le point de départ de l'enrichissement comporte nécessairement un catalogue pré-existant puisque toute nouvelle combinaison se conçoit uniquement comme une modification d'une combinaison existante. Tout système utilisant l'information doit donc disposer d'un catalogue élémentaire constitutionnel. Soit d'emblée, soit par construction apprise, ce catalogue est généralement fortement structuré par emboîtements hiérarchisés, et en fonction de nombreux critères distincts. L'emploi du catalogue est ainsi grandement facilité (IX-).


Devant toute rencontre d'un événement, les combinaisons existant dans le catalogue sont essayées pour identification et signification. Les essais ne sont probablement pas organisés de façon purement séquentielle mais orientés par celles des particularités de l'événement qui sont immédiatement identifiées et signifiées, autrement dit par une assimilation du connu existant au sein de l'inconnu. Si l'ajustement entre l'événement et les combinaisons qui paraissent lui correspondre apparaît insuffisant aux yeux du récepteur, les combinaisons sont ponctuellement modifiées jusqu'à obtenir le taux d'ajustement souhaité. La combinaison modifiée peut être pérennisée et intégrée au catalogue existant. C'est la réaction circulaire qui apparaît.


Comme Piaget l'a souligné, ce mécanisme ne se limite pas à la simple adjonction d'une combinaison nouvelle au catalogue. La modification de cette combinaison implique un processus d'analyse qui aboutit à une meilleure connaissance de sa construction, avec trois résultats :

- la combinaison étant partie intégrante du récepteur, son analyse aboutit à un complément d'information sur soi. Le développement du catalogue est à la fois un progrès dans la connaissance de l'environnement et celle du moi, ce qui se traduit par une évolution récursive du "regard".

- les combinaisons analysées sont plus facilement dissociées en leurs constituants, combinées à d'autres, mobilisées, ce qui permet de nouveaux découpages et groupements, plus efficaces que les anciens.

- la structuration du catalogue peut être optimisée au fur et à mesure de son enrichissement.

Ces notions ont été évoquées dans l'approche du développement cognitif(VII-), et soulignent que l'information dont dispose un individu évolue spontanément vers l'enrichissement.


5. Le Sens de l'Information transmise.


Le réalisme considère que l'information est descriptive d'un objet. Il nous semble que ce point de vue réaliste a été renforcé par la façon dont information et néguentropie* ont été rapprochées selon un principe d'équivalence. On pourrait penser inversement qu'un réalisme accepté implicitement a dicté le rapprochement rigide entre information et néguentropie.


5.1. Information transmise et Néguentropie*.


C'est vers les années trente que fut proposée une équivalence entre l'information et la diminution d'entropie. Il est de fait qu'à la suite de l'interprétation de la seconde loi de la thermodynamique par Boltzmann, le gain d'entropie fut considéré non seulement comme une tendance spontanée mais aussi comme une évolution vers un plus grand désordre. L'évolution inverse du désordre vers l'ordre, néguentropique*, devait donc exiger des instructions, c'est à dire de l'information.


5.1.1. Le Démon de Maxwell.


Maxwell avait déjà proposé une relation approximative entre l'information et l'entropie. Il envisageait une enceinte contenant des molécules, les unes rapides et les autres lentes. Un orifice très étroit fait communiquer cette enceinte avec une autre initialement vide. Les molécules rapides et lentes vont traverser l'orifice de façon aléatoire et se répartir également entre les deux enceintes. Maxwell supposa alors la présence d'un "démon" au niveau de l'orifice qui pouvait apprécier la vitesse des molécules et qui disposait d'un clapet pour ouvrir ou fermer l'orifice de communication. Ce démon décidait de laisser passer dans un seul sens, les seules molécules rapides au travers de l'orifice. Plus ou moins vite, l'une des enceintes contiendra uniquement des molécules lentes, la seconde uniquement des molécules rapides. Le résultat final est apparemment une création d'ordre, et correspond certainement à une diminution d'entropie.


En 1929, Silzard remarqua que le démon mettait en jeu une information pour distinguer les molécules rapides des molécules lentes et que l'information utilisée était équivalente à la diminution d'entropie. Cela fut le point de départ d'une mise en correspondance directe entre la quantité d'information contenue dans un système et l'entropie de ce système. Il fut même calculé qu'il fallait 1023 bits d'information pour réduire l'entropie d'un système d'une calorie par mole de gaz et par degré. Il semblait donc possible de donner une définition objective de l'information.


En fait, le calcul n'est valable que pour l'expérience supposée :


- si le démon est remplacé par un dispositif de mesure réel, même en admettant un rendement idéal, on s'aperçoit que ce dispositif doit consommer de l'énergie, notamment pour être réarmé à chaque fois qu'il a détecté une molécule rapide. Il a pu être calculé que cette consommation d'énergie se traduit par un gain d'entropie exactement égal en situation idéale à la diminution d'entropie obtenue (014).L'ensemble du dispositif est donc idéalement stable sur le plan entropique et il ne peut plus être fait de correspondance entre l'information et la néguentropie.


- les calculs effectués révèlent effectivement la valeur énergétique optimale, c'est à dire la plus faible possible, pour obtenir un bit d'information mais cela ne vaut que pour l'expérience considérée. C'est du reste l'opinion émise par L. Brillouin dans un ouvrage particulièrement remarquable (027).


Au total, il y a bien une relation entre l'information et la diminution d'entropie* mais il n'y a guère de sens à établir une même correspondance quantitative en toutes circonstances.


5.1.2. Néguentropie* et Chlorophylle.


L. Brillouin donne de nombreux exemples pour montrer que la relation entre l'information et la néguentropie n'est pas quantitativement définie de façon universelle ou stable. Nous voudrions proposer un autre exemple, plus directement en rapport avec le fonctionnement biologique. La réaction néguentropique fondamentale de la vie est celle qui implique la captation du rayonnement solaire par la chlorophylle pour exciter un électron. Cette réaction n'implique aucune information au moment où elle se produit, si ce n'est la présence effective du rayonnement. Or beaucoup d'autres éléments informatifs sont présents, qu'il faut donc rechercher en amont et en aval de la réaction chlorophyllienne.


- en amont, il s'agit évidemment de la synthèse de la chlorophylle. Or cette synthèse peut être obtenue de différentes façons avec des bilans entropiques variés. Par ailleurs, la chlorophylle n'est pas consommée dans la captation du rayonnement. Une même molécule de chlorophylle peut exciter un nombre indéterminé d'électrons, ce qui rend impossible une correspondance quantitative entre l'information que traduit la molécule de chlorophylle et la diminution d'entropie qui peut en résulter.


- en aval, la néguentropie* produite dépend essentiellement de la présence au contact de la chlorophylle, d'acide adénosinediphosphorique (ADP) et d'un radical phosphorique. Si ces corps sont présents, la néguentropie* produite est maximale; elle est généralement nulle dans le cas contraire. La liaison entre une molécule d'ADP et un radical phosphorique est très néguentropique, mais son utilisation ultérieure traduit un bilan entropique variable. Le gain d'ordre est très important si la réaction sert à une liaison peptidique qui est la base de l'ordre biologique. Le gain d'ordre est beaucoup plus limité si la réaction est utilisée pour synthétiser du glucose à partir de gaz carbonique et d'eau. En ce cas, le bilan entropique dépend de la façon dont l'énergie contenue dans la molécule de glucose est ensuite utilisée.


En définitive, il apparaît bien une liaison qualitative entre la diminution d'entropie, l'information et le gain d'ordre mais cette liaison ne saurait être quantitativement universelle. Elle en fait toujours reliée à l'émetteur d'information et au récepteur d'information. L'analyse physique rejoint donc l'analyse épistémologique pour invalider la notion d'information définie objectivement.


5.2. L'Information relative.


L'analyse physique aussi bien que le rejet du réalisme strict oblige donc à ouvrir la question du sens de l'information. L'analyse d'un programme d'ordinateur offre une possibilité d'explication en révélant une constitution double :

- des algorithmes dont le fonctionnement est défini mais dont le résultat dépend de paramètres variables.

- des données ou variables orientant le fonctionnement des algorithmes vers un résultat particulier.

Ainsi, se retrouve sur un plan très concret, ce que nous a suggéré plus haut une réflexion sur la nature de l'information.


C'est donc ce point qui nous parait caractériser au mieux une information existante : donnée pouvant moduler de façon spécifique le déroulement d'un algorithme pré-existant. On pourrait arguer d'un autre aspect de l'information, celui d'une description des algorithmes. Il s'agirait alors d'une illusion car l'information se ramènerait encore à des données modulant le fonctionnement d'algorithmes primaires dont le résultat serait justement la genèse des algorithmes considérés.


Une information est donc une donnée modulant le fonctionnement d'un mécanisme pré-existant dans le récepteur. Elle est donc relative au récepteur.

Ce point de vue issu du fonctionnement des ordinateurs est généralisable. Un mécanisme biologique connu, celui du développement embryologique, semble bien le prouver. La chaîne d'A.D.N. se réduit à un ensemble de données statiques, sans valeur informative propre, mais capable de moduler très précisément toute une machinerie enzymatique pré-existante. Comme nous venons de le voir, le fait que le résultat de la genèse puisse être le renouvellement ou l'extension de cette machinerie ne modifie en rien l'analyse. Il y a donc bien concordance entre l'approche théorique, l'approche informatique et l'approche biologique pour attribuer son sens profond à toute information.


Nous pouvons encore remarquer que dans un système allonomique, régi par le mode instructif (VI-) de fonctionnement, la nature physique de l'information est distincte du système; c'est le cas pour l'ordinateur qui nous a servi d'exemple. Au contraire dans un système autonome, régi par le mode sélectif, l'information et le système sont de même nature, l'information est partie intégrante du système. La relativité au système est encore plus nette.


Ces points de vue sont manifestement généralisables à tout système cognitif et notamment à la connaissance humaine. L'information est une donnée venant moduler un mécanisme existant préalablement et indépendamment de l'information considérée. Une date d'histoire n'a de signification que par rapport à une chronologie établie antérieurement. Cependant, comme nous le voyons plus loin, les connaissances humaines s'inscrivent dans une succession d'étapes qui rendent moins visibles la distinction entre donnée et algorithme.


Cette véritable redéfinition de l'information devrait avoir des conséquences théoriques importantes :


- l'information transmise apparaît bien sous forme concrète, indépendante et identifiable, et se prête au traitement d'analyse de la transmission correspondant aux travaux de Shannon. Ce n'est pas seulement la partie "données" d'un programme en langage pascal, c'est aussi une chaîne d'A.D.N., les instructions écrites transmises à un architecte, un projet de budget national. Les réflexions théoriques que nous avons faites sur la nécessité de découpage et de groupement, la relativité à un "regard particulier" ne contredisent en rien la réalité du troisième monde* de K. Popper, et la forme cristallisée de ces informations.


- mais le contenu d'information fait obligatoirement référence aux algorithmes, processus, systèmes actifs auxquels l'information est destinée. Une même structure physique aura une valeur d'information différente selon le système auquel elle est destinée et n'aura de valeur d'information qu'en fonction de cette destination.


- fonctionnellement, l'information est indissociable du résultat de l'action des systèmes qu'elle met en jeu. Or ce résultat est "ouvert" puisqu'il dépend de la durée d'activité du système et de l'environnement sur lequel agit le système. L'information, souvent définissable statiquement, s'intègre dynamiquement sur le plan fonctionnel dans une suite d'événements qui est très habituellement créatrice d'information liée, et peut être créatrice d'information transmise.


Dans des conditions favorables comme celles du développement embryologique ou du développement cognitif ontogénétique humain, ces créations peuvent être considérables et elles sont prédictibles dans la mesure ou l'environnement est lui aussi défini. Cela devient alors une question de principe d'affirmer si oui ou non, le système original contenait toute l'information transmise nécessaire à son évolution ultérieure.


5.3. L'action comportementale restrictive de l'information.


Nous pouvons rapprocher cette description de l'information et le mode sélectif d'apprentissage (VI-) qui s'applique évidemment à la transmission de l'information. Celle-ci n'apparaît pas alors comme une instruction définissant une action et l'imposant, mais comme une donnée permettant la sélection d'une action déjà définie au sein de l'organisme. En quelque sorte, l'organisme autonome qui reçoit une information était déjà capable potentiellement au moins, d'effectuer un nombre considérable de comportements possibles et l'information réduira cette variété de possibles à une seule action.


On peut remarquer qu'une telle approche rejoint totalement les descriptions de Shannon si le message n'est pas considéré pour lui-même mais en fonction d'un émetteur ou d'un récepteur. Considérons un joueur de poker qui a quatre cartes en main et qui doit en tirer une cinquième. Ce tirage fournit environ 5 bits et demi d'information et peut être décrit sous cette forme. Mais en pratique la signification du tirage est d'orienter le joueur vers un comportement particulier parmi les différents comportements possibles, selon que lacinquième carte le laisse avec deux paires, lui fournit un brelan, complète un full ou un carré. L'information restreint donc bien l'enveloppe des comportements attendus.


En définitive, l'exploration biologique de l'information conduit à plusieurs conclusions :

- elle est tout à fait en accord avec la notion théorique qui veut que l'information dépende d'un découpage préalable d'un espace continu de probabilité.

- elle confirme le bien fondé de la distinction entre l'information liée et l'information transmise, celui de la nature ternaire de l'information.

- elle souligne que l'information ne peut caractériser indépendamment un sujet ou un objet que de façon hypothétique et secondaire, qu'elle traduit en fait avant tout la relation entre le sujet et l'objet.

- elle montre que l'information est essentiellement une donnée capable d'orienter dans un sens défini, le fonctionnement d'un algorithme, d'une machinerie pré-existante au sein du récepteur, assurant une restriction des expressions comportementales.

- elle conduit à envisager systématiquement les effets de la mise enjeu des algorithmes auxquels sont adjoints les informations.

- elle marque la distinction fondamentale entre :

a) un corpus informationnel constitutionnel, point de départ obligé

b) un gain d'information par extension de ce corpus aux circonstances et surtout aux régularités d'environnement effectivement rencontrées.


5.4. La Variation de l'Information transmise.


L'une des conséquences essentielles de l'introduction de la notion d'information transmise et de ses propriétés, est un constat de la variation possible et même habituelle de l'information au cours de son utilisation, à la fois en termes de quantité d'information et de signification. Si l'information est utilisée dans le cadre de processus entropiques, il se produit une perte d'information transmise. Ainsi, la "mort" d'un organisme se traduit par la disparition de toute l'information transmise qu'il contenait. Inversement, les processus néguentropiques accroissent très souvent la quantité d'information. Par ailleurs, ces processus modifient généralement la signification de l'information chaque fois que des structurations nouvelles apparaissent. Il est donc tout à fait vain de comptabiliser une information en début et fin d'un processus, il est cohérent de voir s'accroître l'information ou de voir apparaître des changements de signification. Le fait, évident nous l'avons vu au niveau de l'information génétique, nous semble tout à fait généralisable.


C'est encore la relativité de l'information qui explique ce phénomène qui peut paraître à première vue surprenant. Si l'information contenue dans un message et agissant sur des algorithmes, modifie la structure de l'organisme et par là même les algorithmes, la signification de l'information se trouve modifiée du même coup.

Ainsi, dans le cas de l'information génétique, le message de l'A.D.N. évolue en raison même des lectures précédentes.


5.5. Les actions récursives sur l'information initiale.


Ces différentes réflexions sur le sens de l'information devrait nous permettre de donner une réponse à une question insoluble dans le cadre traditionnel de l'information descriptive et objective: comment l'information très limitée contenue dans l'œuf initial peut-elle aboutir presque toujours à un résultat prédictible qui ne peut être décrit qu'avec une quantité d'information sans commune mesure avec celle contenue dans l'œuf initial ?


Une première remarque s'impose. Si l'information issue de l'environnement est un ensemble de données modulant un algorithme, cette information se trouve obligatoirement confrontée aux transformations effectuées sur l'environnement par l'activité de l'algorithme. Alors que dans une conception descriptive de l'information, il y aurait une correspondance entre l'information initiale et les transformations de l'environnement, cela n'a plus lieu d'être systématique en cas d'informations fonctionnelles. Le message "Larguez les bombes" ne décrit nullement les effets destructeurs des bombes. Par ailleurs, comme nous l'avons vu à propos de l'activité de la chlorophylle, un système bien défini sur le plan de l'information initiale produit une transformation de l'environnement et donc une information descriptive ou fonctionnelle, variable et proportionnelle au temps.


Considérons maintenant ce qui va se passer si l'environnement est confiné dans l'espace ou contient une quantité limitée du substrat sur lequel agit l'algorithme. L'action prolongée de l'algorithme va tôt ou tard modifier la constitution de l'environnement. Supposons maintenant que l'information initiale dépende de l'environnement : la mise en jeu de l'algorithme modulé par l'information produit des effets qui modifient cette information.


Remarquons alors que ce processus universel s'applique fort bien à une boucle de rétro-action négative. Une information adressée à une machine produit un effet sur l'environnement qui revient à agir sur l'information initiale en la modifiant. Mais dans le cas simple et classique de la boucle de régulation, cette modification de l'information s'auto-compense et le résultat final est l'addition au signal d'entrée de petites oscillations qui ne modifient pas profondément ce signal. De même , en cas de rétro-action positive, il survient une explosion finale au cours de laquelle le problème de l'information et de ses transformations est négligeable. Mais nous avons vu (II-) que l'intérêt devait se porter sur des boucles de rétro-action modulables par des effets extérieurs complémentaires. En ce cas, la situation devient beaucoup plus complexe. Un facteur agissant sur cette boucle ouverte de rétro-action fixe l'activité du processus à un niveau variable, déterminant un état stationnaire de non équilibre. A une modification de ce facteur va correspondre un changement d'état stationnaire. Il suffit alors d'envisager ce qui va se passer si la boucle de rétro-action ouverte est sensible à l'environnement et notamment aux modifications de l'environnement provoquées par la mise en jeu d'un algorithme modulé par une information initiale. Une suite illimitée d'états stationnaires différents peut s'en suivre. Mais si nous considérons maintenant les effets cumulés de cette succession d'états stationnaires sur l'environnement, le résultat peut être d'une richesse et d'une nature sans commune mesure avec l'information initiale.


Remarquons que cet enrichissement peut apparaître prédéterminé aux yeux de l'observateur, et pourtant non inscrit dans le système initial. C'est la stricte définition conjointe de l'information initiale et de l'environnement qui explique une évolution prévisible. Mais pour se convaincre qu'il y a bien nouveauté, envisageons un démon à l'intérieur du système, qui soit charger de rechercher l'état stationnaire optimal, compte tenu de la nature de l'environnement. Ce démon présenterait une suite de décisions qui lui paraîtraient non markoviennes puisqu'il ne pourrait prendre chacune des décisions qu'après analyse des conséquences de la décision précédente. Ce démon assurerait pourtant correctement le développement embryologique sans aucun plan initial, " par un enchaînement de décisions où chacune est rendue nécessaire par l'ensemble des précédentes sans être contenue d'avance dans un plan initial".


Bien que nous n'ayons pas la compétence nécessaire pour définir les différentes quantités d'information en jeu, il parait bien difficile de nier un gain d'information au cours du développement embryologique. C'est même impossible sur le plan de l'information liée ou descriptive qui a pu s'accroître dans d'énormes proportions. Mais nous ne pensons pas qu'on puisse dire que l'information transmise est restée stable. L'affirmer conduirait également à nier un gain d'information transmise au cours du développement cognitif ontogénétique. N'oublions pas en effet que la théorie de l'autonomie récuse l'intégration d'informations extérieures et limite à la sélection, donc à la meilleure information du sujet par lui-même , tout le gain cognitif. Il deviendrait même difficile d'affirmer un gain d'information transmise dans le progrès scientifique et culturel qui relève d'une dynamique identique à celle du développement embryologique.


Le mécanisme du développement embryologique est en effet celui-là même qui traduit le processus universel de réflexion sur l'action dans la réaction circulaire et ensuite de mémorisation. Le vécu agi par le système entraîne une modification des conditions d'environnement dans un espace confiné et de ce fait, l'ajustement du déroulement des algorithmes aux conditions d'environnement n'est plus optimal. Survient alors un processus d'assimilation de ce changement de conditions. L'accommodation s'ensuit et elle s'effectue en modifiant de façon durable certaines des variables réglant le jeu des algorithmes et permettant une nouvelle optimisation. C'est le principe même de la réflexion et de la mémorisation dans un système autonome.


Il y a là un effet de récursivité de l'information sur elle-même, à la fois essentiel et en même temps totalement négligé dans les théories classiques de l'information. On peut alors souligner la tendance à une modification de l'information initiale chaque fois qu'un algorithme assimile les effets de sa propre action. Mais il y a plus car il y a également un gain d'information : l'effet accumulé de l'algorithme sur un environnement défini n'était pas inscrit dans le corpus initial d'information et vient donc s'ajouter à l'information initiale.


Concernant la chaîne d'A.D.N. elle-même , l'effet essentiel est une modification de l'information initiale lorsqu'on considère le système support d'information proprement dit. Des portions d'A.D.N. fermées initialement à la lecture s'ouvrent et d'autres portions préalablement ouvertes, se ferment. Dans l'environnement de la chaîne A.D.N. en revanche, l'effet principal est celui d'une accumulation d'effets différenciés et donc d'information liée: l'action des algorithmes modifiés vient s'ajouter aux transformations antérieures. Ce schéma est universel et s'applique totalement au développement cognitif ontogénétique ou à l'évolution des cultures.


5.6. Information et théorie sélective.


Si la récursivité et la prise en compte des effets de l'information agissante modifient profondément la notion même d'information, il nous semble qu'un autre point devrait tout autant bouleverser les conceptions classiques, et c'est celui du mode sélectif de formation des connaissance, seul conciliable avec une théorie de l'autonomie.


Le schéma classique considère l'existence d'une information objective présente dans l'environnement et le gain d'information que traduisent les connaissances apprises est réduit à l'assimilation par l'organisme d'une information qui préexistait dans le milieu. Or nous refusons totalement cette description qui invoque le mode instructif de formation des connaissances. Nous récusons tout autant l'idée d'un complément d'information qui serait introduit sous forme de bruit. La seule description possible est alors celle de la création d'une information transmise obtenue en générant une nouvelle "façon d'exister" par mise en relation nouvelle d'éléments constitutionnels. L'auto-organisation renvoie donc au mode sélectif d'acquisition des connaissance et à la création d'information transmise. C'est encore la même notion d'une information qui s'accroît en se nourrissant à partir d'elle-même .


5.7. Information descriptive et information fonctionnelle.


De nombreux éléments ont conduit à accorder une valeur descriptive à l'information. Il est de fait qu'un texte écrit rapportant les lettres de bases puriques ou pyrimidiques du gène de l'insuline est descriptif. Mais inversement, l'information concrète du même segment d'A.D.N. est une information fonctionnelle et non descriptive pour la machinerie cellulaire. Il nous semble qu'il y a eu très souvent une confusion entre l'information descriptive et l'information fonctionnelle. Lorsque vers les années cinquante, Dancoff, Quastler et Morowitz (005) ont tenté de calculer l'information contenue dans une cellule, il s'agissait d'une information descriptive permettant par exemple de souligner les différences entre deux cellules, mais ne donnant pas évidemment le moyen de construire ces cellules. Des estimations de la quantité d'information, allant selon le mode d'approche et la précision de 105 à 1028 démontrent bien ce caractère purement descriptif.


Pour éviter des confusions dangereuses, il est donc important de préciser l'emploi de l'information transmise :

- l'information fonctionnelle qui module un comportement dans la relation entre un système et son environnement ou entre deux systèmes.

- l'information descriptive qui spécifie un objet de connaissance pour un sujet de connaissance, sans but fonctionnel immédiat. Elle peut être une méta-information lorsqu'elle est en fait la description d'une information fonctionnelle comme dans le cas de l'analyse cognitive de l'A.D.N.


Cette dichotomie doit cependant conserver un aspect utilitaire. L'information descriptive n'est pas objective. Elle est caractéristique du sujet de connaissance, "à la mesure de l'homme et à son seul usage". La description est un processus dynamique, se déroulant dans le temps, vécue par le sujet. Nous avons souligné déjà que nous acceptions les conclusions de Reichenbach postulant une théorie fonctionnelle de la connaissance. Piaget insiste sur le fait qu'une description est un modèle intérieur vécu par le sujet. L'information descriptive est donc en fait une forme particulière d'information fonctionnelle, permettant et reflétant l'activité mentale intériorisée, et indissociable des comportements qu'elle permet.


6. L'Information et les Connaissances humaines.


Nous avons tenté une analyse théorique de l'information en respectant conjointement plusieurs points de vue qui ne s'allient pas forcément :

- une approche théorique conforme à une théorie généralisée des probabilités, considérant un espace continu dont l'étude impose des opérateurs de découpage délimitant une tribu*, des opérateurs de groupement définissant des configurations, et un regard particulier qualifiant l'objet découpé.

- une approche biologique qui tienne compte de l'action dynamique de l'information au sein des organismes.

- une approche épistémologique o- l'information alimente un système de connaissances apprises, propres à un sujet.


Il nous reste à assurer le passage allant d'une approche universelle de l'information, théoriquement applicable à tout système, à l'information spécifiquement humaine. Il ne nous semble pas que l'appel au logos puisse éclairer ce passage, bien au contraire. A moins d'une adhésion a priori au réalisme philosophique, le logos paraît conventionnel et second. Il se réduit au simple étiquetage de mécanismes plus profonds et cela vaut tout autant pour l'information(XII).


6.1. L'Information perceptivo-motrice.


La référence fondamentale et initiale de l'information humaine est celle d'une information perceptivo-motrice, dont le recueil est pratiquement organisé à la naissance et qui est seule présente initialement. Un événement, un objet font naître au niveau de l'interface sensorielle une information transmise, sous forme discrète. Des mécanismes perceptifs innés combinent ces éléments discrets selon des critères et des fréquences spatiales différentes, faisant naître une valeur informative. Le catalogue inné de conduites permet d'associer de façon automatique et contraignante une signification à une combinaison d'identification, ce dont découle un comportement. L'information transmise à ce stade est particulière au système perceptif et ne peut être transférée en tant que telle à d'autres régions cérébrales, à plus forte raison communiquée à un système extérieur. Cette information est par ailleurs totalement dépendante de la présence de l'événement ou de l'objet qui l'ont fait naître.


Pour mieux réfuter le rôle d'un logos premier, il est important de préciser que le premier système informatif, perceptif et non-verbal, est complet, proposant une "interprétation" pour tout événement. Seule est très réduite la possibilité de la transmission de l'information à autrui.


-il y a un point de départ informatif constitutionnel, surtout marqué par des mécanismes élaborant des configurations de grande valeur informative à partir des données ponctuelles des neurones sensoriels (V-). Le point de départ perceptivo-moteur est l'élément nécessaire et suffisant des développements ultérieurs.


- le gain d'information porte initialement sur les seules relations sujets-objets et lorsque le comportement en réponse n'a pas procuré le résultat attendu, faisant naître une activité "consciente". Il en résulte des tentatives de réinterprétation plus ou moins ponctuelles. De ces relations adaptatives établies après essai, sont déduites des constructions marquées par l'individualisation d'informations particulières aux objets et d'informations particulières au sujet. De là naît la distinction acquise entre le moi et le monde. La conscience, primitivement adualistique, oppose secondairement ce qui est le moi et ce qui est le non-moi.


Terminons cette approche de l'information perceptivo-motrice par deux remarques:


- en décrivant l'information perceptivo-motrice, nous restons en accord avec les conceptions probabilistes théoriques concernant un espace continu de probabilité. Toute information perceptivo-motrice traduit un découpage préalable du continuum spatio-temporel par le système d'interface et est relative à ce découpage. A ce découpage, font suite nécessairement des opérations conjointes de découpage et de groupement au sein du système d'interface, pour construire des images faciles à reconnaître et à signifier.


- l'adulte que nous sommes ne vit pas l'information perceptivo-motrice comme le nourrisson qui est limité à cette seule information. En ce sens, et pour être rigoureux, nous devrions en tant qu'adultes, considérer les premières informations perceptivo-motrices que nous accordons au nourrisson comme postulées ou inférées. Nous devrions alors les confronter aux informations concernant un modèle élaboré du fonctionnement infantile.


6.2. L'Information réfléchie.


Le second temps informatif est celui de l'information réfléchie. Certaines des combinaisons formées durant le temps précédent sont pérennisées en tant que telles et deviennent des modèles, des images internes de l'environnement ou du moi. Ces images sont stables, permanentes dit Piaget, indépendantes de la présence des objets et des événements qui les ont fait naître, indépendantes et reconstructibles au sein des structures cérébrales. Elles peuvent être mobilisées d'une région cérébrale à une autre, permettant une réflexion des relations du système avec son environnement. Ce sont les schèmes piagétiens d'assimilation. Les schémas de signification ou accommodation évoluent parallèlement et leur application aux images internes traduit le comportement intériorisé.


Avec l'information réfléchie et l'intériorisation de l'activité cérébrale, s'ouvre une possibilité infinie de combinaisons, en toute indépendance des particularités du milieu. Toutes les "hypothèses" deviennent donc possibles. De ce fait, l'information reçue de l'extérieur n'est pas nécessaire pour faire fonctionner l'imagination et ce n'est pas son rôle . L'information extérieure agit en restreignant progressivement les capacités de l'imaginaire vers les hypothèses les plus efficaces et en corrigeant les extrapolations abusives.

Le côté restrictif de l'information est donc tout aussi net dans le fonctionnement mental que dans le fonctionnement biologique. Par ailleurs, la vérification empirique des hypothèses permet l'accession à une gestion de meilleure en meilleure de ces hypothèses, aboutissant à une élaboration a priori d'hypothèses plus cohérentes et donc plus vraisemblables, au travers d'une formation à la logique.


L'information réfléchie traduit au maximum un "regard" particulier puisque l'expérience propre à chacun joue un rôle aussi important que la constitution initiale, plus ou moins universelle. Mais en pratique, le fait social atténue considérablement la spécificité individuelle du regard. L'essentiel des informations réfléchies ne proviennent pas d'un regard individuel mais sont "empruntées" aux systèmes sociaux qui ont assuré des découpages/groupements préalables, dont les effets ont été pérennisés. L'enfant doit cependant nous l'avons vu (VII-) assimiler véritablement les informations sociales au travers de son propre système de découpage/groupement. Il en résulte une adéquation seulement progressive entre découpage/groupement individuel et découpage/groupement collectif.


6.3. L'Information codée ou symbolique.


Le troisième temps évolutif de l'information est celui du codage de l'information réfléchie, codage qui se fait en deux étapes :


- la première étape est la mise en place à l'intérieur du cerveau, d'un ensemble de relations bijectives entre une image perceptive réfléchie, souvent visuelle et une image auditive pouvant générer un comportement moteur communicable, essentiellement par le moyen de l'activité bucco-laryngée et l'émission de schémas sonores.


- la seconde étape est la mise en place entre individus de conventions qui conduisent à appliquer aussi exactement que possible les même s relations entre une image sonore et l'information transmise réfléchie qui a été mise en correspondante.


Ainsi, le caractère fondamental, premier, de l'information transmise est totalement conservé. Mais conjointement, il y a passage d'une information correspondant strictement au schéma théorique du découpage/groupement préalable, à une situation qui pourrait être décrite aussi bien dans le cadre de l'acceptation du réalisme de natures que dans celui du refus, si le lien entre l'étiquette sonore et l'image perceptive est "oublié" ou négligé. C'est seulement dans les situations extrêmes que ce refus et cette acceptation conduisent à des écarts d'appréciation :

- c'est le cas à la pointe de la recherche scientifique où les découpages existants se montrent insuffisants, où il faut "inventer de nouvelles questions vis à vis des réponses existantes" (156), ce qu'évidemment le réalisme ne peut pas expliquer.

- c'est encore le cas lorsqu'un individu dérive séquentiellement des informations les unes à partir des autres. Il est bien évident qu'au cours des transformations successives d'information, la moindre erreur initiale provoque un taux croissant d'équivoque* et d'ambiguïté et qu'il est essentiel d'en tenir compte dans toute théorie de l'information à l'échelle humaine. Cela rend notamment obligatoire l'étude de la notion de dégénérescence lors de la transmission des messages (X).




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